les livres, et aussi ce qu’on pose devant les livres

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Ce texte a d’abord été accueilli sur le site de Brigitte Célérier, Paumée, dans le cadre des vases communicants de mai 2014 – merci à elle. Un nouveau vase communicant ayant surgi, celui-ci rejoint la série qui l’a induit.

 

Combien de fois je suis parti en les oubliant ? Alors ils restent là sur l’étagère, devant les bouquins POL, trois adaptateurs secteurs US & Qc, UK et CH. Je m’en sers si souvent ? Non. Disons que ça aide à se souvenir qu’on est parti, qu’on repartira peut-être encore.

 

D’après mes souvenirs la petite boîte en carton doit provenir d’une fête des pères donc pas d’hier. Les petites pièces c’est ce qu’on rapporte de l’étranger, mais comme à l’étranger on ne sait jamais trop compter avec les petites pièces elles s’accumulent. Le badge de Koltès doit date d’il y a moins d’un an. Pour les médiators, pendant combien d’années j’en avais toujours un dans mes poches ? Ça c’est amélioré maintenant, je les laisse ici.

 

Ça c’est très précis. Pendant plusieurs années, quel beau rendez-vous c’était que ce bookcamp à l’initiative d’Hubert Guillaud. Il y a deux ans et demi, au labo de l’édition, on ne savait pas que ce serait le dernier. Changement d’époque. Hubert avait fait réaliser ces badges. Depuis, ils n’ont jamais bougé de l’étagère, et je n’en ai pas perdu un. Le mauvais état des livres, derrière : ceux que j’emporte en atelier d’écriture.

 

Dans l’histoire des Rolling Stones, il y a cette fameuse anecdote du raid de la police à Redlands, en février 1967, saisissant les échantillons de moutarde distribués à l’époque dans les avions, et que Keith Richards avait conservés. Ils croyaient que c’était ça, la drogue qu’ils cherchaient. Quand je quitte une chambre d’hôtel, j’embarque les échantillons de shampoings. Maintenant ça devient rare, surtout dans les hôtels un peu bas de gamme, comme à Cergy. Alors je pioche dans ma réserve. Dans la vieille boîte en fer, des billes en acier, anciens roulements de boîtes de vitesse, ça date donc d’avant 1965.

 

Ça n’a franchement aucun intérêt : mais des années que je me dis qu’il faudra j’emporte ça dans un truc de recyclage. Quelquefois, une roule par terre et part à la poubelle. Depuis combien d’années je n’ai plus d’appareil à pile ? (Ah si, le petit magnéto Zoom.) Mais est-ce un hasard qu’elles sont pile (les piles) devant le Passagen-Werk et la Correspondance de Walter Benjamin ? Donc je garde.

 

J’aime bien ce petit coin de livres, avec Volodine, Roubaud, Barthes, Chamoiseau, Perec, là aussi, la réserve pour ateliers d’écriture. La carte postale avec Franz Kafka et Ottla m’avait été envoyée par Philippe Rahmy, je ne suis pas un fétichiste de ces envois, mais je dois bien constater qu’elle est toujours restée là, quel que soit le bureau et le déménagement, maintenue droite par un bout de lave de l’Etna – il me semble datant d’une éruption du XVIIe siècle.

 

Bergounioux avait voulu me coller : il avait trouvé ça dans une casse. Simplement il y avait toujours l’inscription Borg Warner dans le moulage de fonderie alu, alors bien sûr c’était un carter de boîte de vitesse automatique. J’avais gagné, mais on partage au moins ça : la beauté de ces objets technologiques, respect aussi à Simondon de leur avoir donné leur légitimité théorique.

 

Dans mes étagères, les bouquins se regroupent souvent par chantiers : Michaux, Balzac, Lautréamont et bien sûr Rabelais. Le petit Rabelais de 1792 n’a pas de valeur en soi, sinon que personne à cette époque-là ne serait avisé de reponctuer (la maladie du XIXe siècle), et que c’est la version du Quart Livre qu’ont due lire Balzac et Flaubert. Je l’emporte souvent dans mes confs sur le livre numérique : il fait pile la taille et l’épaisseur d’un iPhone. Les boîtes d’épices, j’en ai toujours 2 ou 3 d’avance. On les trouve facilement par chez nous, ça sert à la cuisine du cochon. Dans mes lectures Rabelais, quand je pose une question au public, le premier qui répond juste la gagne, c’est de bonne guerre et ça met de l’ambiance. Seulement voilà, il y a 2 ans qu’on ne m’a pas demandé de lecture Rabelais.

 

Devant le vieux Seî Shonagon (j’en ai racheté un neuf, mais jamais pu me résoudre à jeter le vieux), c’est un frein d’obus de canon de 75 usiné par mon grand-père en 1916 – il en était fier. Accroché dessus, deux magnétites, sphère et ellipsoïde, rapportées de cette incroyable boutique de Broadway South à Manhattan. Des années que je m’en sers pour stocker les chèques, en attendant de les porter à la banque. Mais personne ne paye plus par chèque. Et celui-ci, droits d’auteur d’un livre je ne sais plus lequel, tellement dérisoire que depuis des mois il est resté là.

 

Sur le mur d’en face, ce coin-là ça fait un peu musée. Choses rapportées des Indes et à moi offertes, dont ce petit rickshaw en plastique aux belles couleurs. Dylan les yeux fermés. Sortie d’usine en poche. Le Kamok c’est une liqueur au café spécialité de Luçon, en Vendée, où je suis né. Les copains de remue.net avaient eu cette idée de me l’offrir pour les dix ans du site, puisque après tout c’est moi qui leur avais fait cadeau. Il y a aussi les livres sur St Kilda, les deux premiers que j’ai lus, achetés directement là-bas à Ullapool.

 


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1ère mise en ligne 6 juin 2014 et dernière modification le 15 janvier 2015
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