avantages d’un oeil à brûler le monde

un moyen comme un autre d’améliorer ce qui n’allait plus


On avait construit un oeil à brûler le monde.

Là, près du lac, en bordure immédiate de la ville, il dépassait tout ce qu’on imaginait.

L’ouverture en haut était si large qu’on pouvait tout y mettre. Véhicules, engins, mais aussi bureaux, usines, bâtiments entiers. On hissait sur le rebord et cela disparaissait lentement, mais surtout : proprement.

Tout avait été calculé pour que les déchets soient propres. Quoi que ce soit qu’on verse à l’intérieur, et ce n’était jamais du propre.

Ainsi lutterait-on contre l’usure du monde. Usé : on apporte, on verse. Malsain, condamné : on apporte, on verse. Trop de ci, trop de ça, erreur d’aiguillage dans la grande route du présent : on apporte, on verse.

Les gens dans le voisinage s’en accommodaient.

Des récits surgissaient : et si l’oeil à brûler le monde se mettait à attraper, aspirer, souffler comme on fait avec une paille, la totalité de ce qui l’entourait, voire du monde entier ?

Il se chuchotait qu’avec les techniques employées on n’avait pas su calculer la masse limite avalable, sinon que le processus serait plus lent.

Maintenant, on prenait confiance. Aux abords on le reconnaissait bien, le vieux monde, avant qu’on le hisse et qu’on le jette dans l’ouverture noire, dans l’oeil à brûler le monde.

Restait quand même cette étrange diffraction de la lumière quand la chauffe était trop puissante. Restait quand même l’interrogation sur le traitement du résidu noir, son étalement et sa dispersion.

On avait calculé qu’avec dix-sept appareils exactement semblables à celui-ci, même pas plus grands, et travaillant tous avec le même système technique, répartis à la surface entière du globe, selon les zones les plus denses, c’est le monde entier qu’on pourrait assainir.

Et ce ne serait pas du luxe.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 27 janvier 2017
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