deux fixes et elle mobile
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ou un autreTumulte au hasard  : Saint-Christophe

Homme 1 (fixe) : - Sur un cercle tracé à la main, en équilibre instable. Homme 2 (fixe) : - Sur un cercle tracé en marchant. En équilibre instable. Femme (mobile) : - Un horizon courbe, indéfini. Homme 1 (fixe) : - On choisit sa place, on trace le cercle à sa mesure, on s'installe. C'est à nous, on n'en sort pas. Homme 2 (fixe) : - J'avais marché longtemps, pour un grand cercle. C'est plus instable, parce qu'on pèse moins. Ils n'y rentrent pas. Femme (mobile) : - J'avais couru vers l'horizon, il y a cette ligne. J'ai suivi la ligne. Des comme eux, d'autres. Des dizaines. Mais loin. Quelquefois je leur ai parlé. Homme 2 (fixe) : - De l'autre côté du cercle, de l'autre côté... Homme 1 (fixe) : - J'aurais pu tendre la main, mais allez savoir... Femme (mobile) : - Une paroi fixe, verticale, un peu courbe elle aussi, et le sol, indéfini et courbe : c'est l'absence de couleur qui change. On manque de couleur. Je me disais : - Mais où on est, où je suis ? Homme 1 (fixe) : - Nous on est dans nos cercles. Chacun a son cercle. Femme (mobile) : - J'en ai croisé une autre, comme moi : mobile. Elle courait. - Que cherchez-vous ? - L'extrémité, il doit bien y avoir une extrémité ? - Et si pas ? - Vous allez dans quel sens ? - Longtemps, que vous cherchez ? Puis voilà, on avait tant de questions, on se posait l'une à l'autre des questions à laquelle l'autre bien sûr n'avait pas de réponse. Est-ce parler, cela ? Elle s'éloignait de moi, déjà. En courant comme font les petites filles, me regardant encore, alors qu'elle courait déjà loin. Alors j'ai marché, très lentement, mais au moins je marchais. Eux, les agités du fixe, qu'ils me semblaient faibles. Homme 2 (fixe) : - On avait une variation pour définir le cercle. Qui ne trace pas son cercle dans la variation, éliminé. C'est un flash comme les photos, vous savez : à quoi ça tient... Et plus rien. Homme 1 (fixe) : - On nous avait dit le mot, variation. Une lumière. Le temps que ça tient, on ne sait pas. J'ai choisi un petit cercle. Les petits cercles tiennent mieux, sont plus forts. Femme (mobile) : - Il y a un interstice, au bord, c'est connu. On y met les doigts, quelquefois la main ou le bras. Pourquoi on ne pourrait pas passer là-bas, de l'autre côté ? J'en ai croisé quelquefois, couchées là, le nez au ras du sol, à tâcher de voir et de sentir. - Pour quand ça se lèvera, elles disent. Moi je n'y crois pas. Il n'y avait qu'à les voir : ratatinées. Une : desséchée. Quand est-ce que ça a commencé, tout ça ? Homme 1 (fixe) : - Je comptais les variations. J'en mettais douze tout au long de mon cercle, je me disais : et 3, et 4, 5, et 6... Puis je comptais les tours. AU bout d'un moment, à quoi bon ? Homme 2 (fixe) : - Ils disent qu'un jour tout cela basculera. Qu'il faut être prêt. Quelqu'un alors qui ne serait pas droit... J'en avais un, devant moi : il s'est allongé. On pouvait chuchoter, on était assez près : on s'est dit des choses qu'à une autre distance jamais on ne se les serait dites. Il m'a dit : - Allongé, on contrôle aussi. Centre de gravité plus bas, moins instable. Une variation, deux variations, trois : et moi je regardais là-bas, l'horizon, puis à nouveau vers lui, et plus de lui. Basculé. Le cercle s'est effacé lentement : maintenant, plus rien. Parfois s'il en vient un autre, on les aperçoit dessiner leur cercle. On leur dit : - Plus vite, attention, ça boucle... Femme (mobile) : - Certaines disent que c'est l'autre plaque, celle du dessus, qui s'abaisse. Que si on doit trouver l'ouverture c'est pour cela : à mesure qu'on va vers le bord, qu'on trouve l'interstice, qu'on suit la ligne, l'abaissement progressif de la plaque. Ça me fait rire : eux tous, les types, plat sur plat. Homme 2 (fixe) : - Ce sont des légendes. Il y a toujours eu des légendes. Homme 1 (fixe) : - On est debout, on a nos bras. Y a-t-il un dessus ? Y a-t-il un fond ? L'espace est relatif, tout le monde le sait. L'espace c'est là où on se tient. Femme (mobile) : - Il y a des légendes : évidemment oui, je laisse une parole, la parole est redite. J'ai croisé beaucoup de femmes, courant, fuyant, ou le long de l'interstice. Toutes on s'est parlé. On leur en laisse un peu, des mots, à eux les fixes. Qu'est-ce qu'ils en répéteraient ? Qu'est-ce qu'ils en comprendraient. Moi je dis : il y a urgence. Moi je dis : alerte ! Courez, il est temps, courez ! ---- [source narrative 1->148] (femme) _ [source narrative 2->154] (hommes) photo: Gaël Baron, acteur, dans {Bruit} (répétition), ms Jean-Michel Rivinoff _ le texte d'{Homme 1} lui est dédié

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 21 juillet 2005
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