de si c’est vrai que les morts nous parlent
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ou un autreTumulte au hasard  : les villes sont des livres

Ecrit à l'Institut français de Naples, le 29 septembre 2005. Danièle Rousselier, la directrice, a retrouvé dans la cave de l'établissement cette magnifique série de photographies de Xavier Lambours, que je connaissais depuis sa première expo : allez dormir, avec pareil visage au-dessus de votre chevet.
Les morts parlent dans leurs livres. On se parle en nous les livres des morts. Ainsi se transmet que parler vient de plus ancien, tellement plus ancien qu'aucun de nous tous, et c'est sous ce qu'on dit la voix de ce qui vient de dessous le temps. Cela parle forcément par les morts les plus proches. On n'a pas le droit chacun à beaucoup de morts, pour ceux qui vous parlent. On ne les élit pas. On ne décide pas de qui sont les plus proches. Qui vous parle n'est pas forcément proche. Il y a ceci : qu'on marche dans les mots en les ouvrant à leur voix, qu'on entend. On l'entend par ouvrir ses mots, non pas se retirer mais en produire l'ouvert, en offrir un vide : alors, ce qu'eux parlent, les morts, les rares morts que chacun porte dans sa voix, transporte ce qu'eux-mêmes avaient appris de bien plus ancien. Cela ne nous grandit pas, n'offre pas de garantie, de chance particulière. Cela met sous les mots un bruit, certain bruit, très discret et presque inaperçu. Un déséquilibre. Les morts sont une présence. On ne comprend pas comment ils surgissent, et pourquoi elle et pourquoi lui, plutôt que lui ou lui. Ils sont là, on est bouche contre bouche. Votre bouche est vide : elle est mangée enfin par le temps. J'ai peur, peur des morts qui parlent.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 29 septembre 2005
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