des animaux dans nos rêves
et autres fascinations sur quoi s'expliquer

retour sommaire
ou un autreTumulte au hasard  : notes sur l’écriture

Il était important de parler d'animaux. Les rêves incluent des animaux, les souvenirs d'enfance sont pleins d'animaux. Il fallait nommer les villes : celles où on s'est perdu, celles où on revient comme de rouvrir une boîte miniature, avec des choses jolies (Nancy, Rennes), et les villes venteuses, où on ne s'est jamais senti à l'aise (Marseille). Il fallait convoquer les chambres, puisque c'est chaque fois bien sûr l'ombre en creux de ce qu'on ne dira pas, l'intime, et les visages que vous y savez, non pas dans l'ombre mais comme devenus cette transparence même : le volume de la chambre. On écrit très simplement ce qui est, une cour, une fenêtre, et voilà, l'histoire est déjà une boucle fantastique, il n'y a qu'à la laisser telle, ne pas la fermer, ne pas expliquer. On fera trente fois ce même dessin énigmatique et ouvert sur la seule interrogation qui vaille : mystère d'une présence, de vous en double, et toutes ces attentes. On a multiplié les noms, les livres, les visages : c'est que voilà de quoi dedans nous sommes faits. Rien plus que des livres, et qu'on écrive à son tour ils s'agitent et protestent, vous alourdissent. On aurait pu ne parler que de livres. Il y a eu si souvent s'asseoir, et pas forcément de mots pour autant. Juste cette transparence : alors cela aussi, qu'on l'écrive. Je hais les religions : ne jamais évoquer rien qui soit religieux. L'importance des camions : il reste des souvenirs de camions. Se les extorquer tous. Autissier naviguant solitaire : s'endormir quatre fois une demi-heure à une heure, chaque jour, tout du long de la course. La fascination aux fous, aux morts : celui qui vit le bord du fleuve, c'était un des premiers textes de ce livre. Et puis je l'ai retiré. L'homme qui ne s'éloigne jamais du bord du fleuve, avec sa langue inventée et ses gestes saccadés et sa peur, je le vois tous les jours. Chaque fois je le salue en pensant : tu es l'incarnation de ce livre. Et bien sûr il ne le sait pas. Le plaisir parfois à découvrir une nouvelle ville. Plus rare. Les inventions d'espace dans un livre qui prennent enfin la place de ce par quoi on s'ouvre au monde. Avoir perdu quoi ? Il aurait pu n'y avoir que ces vies des gens, que ces descriptions de chambres et de villes, ou que l'enquête autobiographique. Justement, cela fait système. C'est ce qui use les tantômes, ici : on les convoque, et salle d'attente. Vous renouez avec le silence.

LES MOTS-CLÉS :

François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 2 février 2006
merci aux 306 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page