merci descendre artistes sous-sol
spéléologie urbaine pour temps superposés

retour sommaire
ou un autreTumulte au hasard  : l’amour des propriétaires

Le sous-sol de la ville est fait de machines. On y trouve des chambres sourdes. Dans la chambre sourde, ici troisième sous-sol sous la ville, on n'entend plus ni le monde ni la ville ni rien. A peine soi-même. Dans le sous-sol de la ville chacun dispose de son alvéole. Elle est équipée. On a des machines à café, des distributeurs de sandwiches. La lumière y est égale. Quand on passe dans les couloirs on aperçoit les autres, ceux qui s'y affairent, dans les alvéoles. Quelqu'un triturait une harpe : les portes sont étanches, on n'entendait rien. Pourtant, dans chaque alvéole on dispose de hauts-parleurs puissants. Avec cela, les sons et les mots, on vous refait un monde. La lente euphorie qui pourrait vous prendre, c'est à cette disparition du temps, de l'heure. Des câbles traînent à terre, on se connecte quelques minutes à Internet si on veut: c'est facile. De toute façon on est tous équipés de notre propre machine mobile, et on les relie ici aux machines fixes. C'est bien. J'aime beaucoup aussi l'idée du château-fort féodal, et les images d'enfance qui m'en restent, les châteaux cathares, les châteaux là-bas en Écosse, ou vus une fois que j'alais dans l'Europe centrale, au hasard, depuis Prague. Ces souterrains c'est comme un château, et nos machines les remparts, ce qui protège. De temps en temps on sort, on marche dans les couloirs. On pourrait prendre l'escalier : rien ne vous empêche. Tout en haut des trois étages, on redécouvre si c'est jour ou si c'est nuit, et les passants et les voitures. On est surpris de s'en être senti si loin: on était juste dessous. Dans le hall, un vigile derrière une table, qui note les allées-venues sur un cahier. on a laissé son nom. Alors on ne monte pas l'escalier, on tourne dans le couloir aux alvéoles, on regarde le type s'escrimer sur sa harpe et ses ordinateurs (on ne se parlera même pas), on attend de voir si la chambre sourde va s'ouvrir, et qui donc a voulu s'y enfermer si longtemps, et pour quelle expérience mentale, et si lui aussi avait machine à café et tablette de chocolat ou autre viatique pour la disparition des heures. Je suis sorti c'était la nuit : j'avais un jour de retard sur mon compte. On n'a même pas besoin de quitter les souterrains pour retrouver la gare et les trains. ----
Ceci, c'est le texte pour Tumulte. Mais j'en produis les sources dans l'espace virtuel même: 1 _ ce vendredi soir, à la tombée de nuit, la fontaine Saint-Merri est gelée, les sculptures semblent y flotter.
2 _ c'est vraiment un escalier qui descend troisième sous-sol, et là les alvéoles numérotées comme un monde complet où chacun peut survivre dans l'ignorance parfaite de tous les autres.
3 _ pour se ravitailler, les machines à café et sandwiches: l'idéal pour immersion.
4 _ depuis quelques mois, je photographie systématiquement les machines à photocopier, où que j'en trouve. J'en ai désormais plusieurs dizaines.
5 _ si profond sous la ville, les espaces les plus fonctionnels deviennent de silencieuses et abstraites cathédrales.
5 _ la chambre sourde.
6 _ notre propre alvéole : [Pierre Jodlowski->http://perso.wanadoo.fr/p.jodlowski/jodframeset.html] et [Matthieu Doze->http://perso.wanadoo.fr/p.jodlowski/jodframeset.html], le temps d'écoute luxe rare, on le mesure (travail sur spatialisation via 8 enceintes et commande par palette graphique).
Pierre Jodlowski & Matthieu Doze
7 _ on a reconnu bien sûr les locaux de l'[Ircam->http://www.ircam.fr/].

LES MOTS-CLÉS :

François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 4 février 2006
merci aux 452 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page