hôtel de l’Europe, Argenteuil
une autre nuit à Argenteuil face à la gare

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ou un autreTumulte au hasard  : rêve de l’encre sur les doigts

Hôtel de l'Europe, Argenteuil : déception en me connectant à mon arrivée hier soir, j'ai loupé sur eBay l'enchère que j'avais mise sur un crâne humain. C'était un crâne début de siècle ou fin de l'autre, comme on les affectionnait dans les facs de médecine. Je souhaitais m'en faire un accessoire pour mes lectures : pas un truc de théâtre, non, comme celui de Hamlet plutôt. J'étais seul enchérisseur depuis trois jours, mais sur eBay ça ne veut rien dire : on attend les trois dernières minutes et c'est l'empoigne, cela permet de limiter les prix au détriment du vendeur. Donc je lisais Rabelais sur scène lorsque l'enchère s'est conclue, j'avais mis la barre raisonnablement haut mais on me l'a soufflé, ce crâne. Je ferai mes prochaines lectures à mains nues (pour Agrippa d'Aubigné : {le lieu de mon repos est une chambre peinte | de mil os blanchissants et de testes de morts}. Finalement ce matin sans trop de regrets. Hôtel de l'Europe, Argenteuil : la première nuit, à une heure quarante du matin, on frappe à ma porte, un jeune type me dit qu'il a la chambre un peu plus loin dans le couloir, a vu que je ne dormais pas, s'enquiers si je suis fumeur et si j'ai une cigarette, je dis non gentiment et reviens à mon ordinateur. Cette seconde nuit (mais le surlendemain, il s'agissait de deux séries de lectures), à zéro heure quarante, on frappe à ma porte, il doit être surpris de me revoir mais me dit qu'il a sa chambre juste à l'étage au-dessus de la mienne, il tient à la main -- je crois reconnaître -- un téléphone et une boîte format médicaments emballée dans un sac plastique : dit que c'est une urgence, qu'il a besoin de... Je claque violemment la porte et retourne à mon ordinateur. J'entends qu'il va frapper plus loin à une autre chambre, et j'entends longtemps les voix ensuite dans le couloir. Plus tard dans la nuit, je regrette presque de ne pas être sorti pour apprendre quel trafic il proposait, ou bien de l'avoir laissé parler pour voir comment il s'y serait pris et ce qu'il me voulait : c'est que moi je ne me vois pas faire ça, entrer dans un hôtel à minuit (il n'y a pas de gardien à la réception, juste un code, et quand on le compose la porte glisse et reste tout un moment ouverte, facile de suivre un client, et prendre l'ascenseur avec lui), et faire du porte à porte où il reste une raie jaune allumée. Hôtel de l'Europe, Argenteuil : la fenêtre à double vitrage ne ferme pas, pas grave, mais ce lundi matin acoustiquement c'est l'enfer. Par contre vue sur la gare : le monde offert jusque très loin, un fragment très bref, mais tout également mobile dans l'ensemble des directions. Discussion avec Pifarély, cet après-midi [avant jouer->http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article288], à propos de Nashville où il était aller récemment enregistrer : qu'il aimait ces journées laissées par hasard libres au milieu d'une tournée, on est dans un hôtel et on n'en sort pas, on descendra manger sans quitter l'hôtel (moi je suis allé dans ce chinois désert à cinquante mètres, il y avait des maçons yougoslaves, et un couple avec un chien minuscule assis sur la troisième chaise), on est, disait-il {au milieu de nulle part} : mais moi je ne suis pas au milieu de nulle part, je suis à Argenteuil.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 6 mars 2006
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