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de cette réunion ce matin plus haut que la ville

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ou un autreTumulte au hasard  : rock’n roll quartiers nord

Ainsi donc il suffisait de cela : une pièce vide, des tables, et les machines qu'on posait là. Pas de meubles, ni de ce qui distingue sinon les bureaux. S'ils se servaient de téléphones, ils les avaient dans leurs poches sans doute : on n'en voyait pas. Sauf que la pièce donnait sur les toits de la ville, on les dominait, on voyait loin. Sur le balcon, une antenne carrée suffisait paraît-il à relier tout le monde. A l'étage, un escalier menait à une mezzanine ouverte. Là, on avait un canapé, une table basse et des fauteuils. Des livres par terre : les livres survivent à tout (pour l'instant). On s'installait là pour parler. Pourtant, on parlait d'eux, en bas. Ce matin-là, j'ai compté, ils étaient cinq. Bizarrement non pas répartis dans les deux grandes pièces en équerre, mais comme s'il leur fallait cette proximité, sur leur tables en tréteaux, avec leurs machines sans fil. Ou bien qu'on compensait quelque chose en se fixant ensemble sur la même multiprise : il fallait quand même du courant électrique. Par exemple, pas besoin de photocopieuse : vous imaginez, un bureau sans photocopieuse ? Ni d'imprimante, ni de papier. Rien aux murs, qui les aurait décorés. On ne soigne pas trop son apparence, dans ce monde-là (je ne soigne pas trop mon apparence), on n'a pas pour le travail de vêtement spécial, ni même d'outils. On est devant ces écrans de machines, on passe pas mal de temps à réfléchir, on regarde à plusieurs sur un coin de programme. Pourtant chacun sa tâche. Les types qui travaillaient là étaient plus jeunes que moi, de beaucoup. Celui dans la mezzanine, avec qui on s'asseyait là où étaient les livres, avait mon âge, et quelques communautés de parcours : est-ce que cela devrait nous fonder à craindre, même ici où on partageait si facilement (mais pas les machines), dans la pièce avec vue sur la ville, le ciel blanc ce matin, très blanc et les toits donc très pâles jusqu'à l'horizon de la ville ? J'avais des questions précises. Il n'y a pas de raison qu'on ne sache pas encore indexer un fichier son, telle était ma demande. On ne veut plus créer un site Internet à côté des autres sites, non, mais on doit pouvoir s'approprier ce qui les relie : des agrégateurs, nous parlions. Et d'industrialiser des logiciels qui respectent ce que nous inventons, cheveux gris ou eux en bas pas bien rasés et des fringues : n'importe quoi leurs fringues, plutôt que dériver pour Rimbaud les traitements de texte balisés pour la reproduction des normes. Et puis de ce qu'on voulait en faire, de nos sites Internet, qu'on bricolait nous avec rien mais qui finalement avaient largement plus de gueule que tant de grosses machines crevant argent et moyens : mais de cela je ne racontais pas tout, me contentant de le penser. Il était question d'affects : de société {désaffectée}. Et puis d'outillage. Je racontais comment je vivais comme un plaisir, un progrès, une victoire, que les gamins de l'atelier enregistrent avec les fonctions film de leurs téléphones portables le moment où ils lisaient leur texte pour les copains. Je ne sais pas si nous avons un avenir : du moins, si ce monde a un avenir. Je lisais à ces gamins de l'atelier, quelques dizaines de minutes plus tard, ce texte de [Paul Valet->https://www.tierslivre.net/arch/03_Valet.html] : {la terre estropiée, mutilée}. Nous-mêmes qui causions, dans la mezzanine, avec les livres posés par terre, peut-être nous n'avons pas besoin d'avenir : le chemin est fait. Nous sommes lourds, et même, je pensais pour moi ce matin, encombré. Pour eux, qui étaient à la table en bas, avec ces machines sans fil et ces écrans, et testaient des agrégateurs qu'on souhaitait, nous insistions, {intelligents}, du moins c'est ce que nous tentions en amont de définir. Dans l'ascenseur, en descendant du sixième étage (il y a un énorme vent aujourd'hui dans les rues de la vile), je me sentais un peu déboussolé, ou usé. Il y a vingt ans, j'aurais été avec eux à la table ? J'aurais accordé de l'intérêt aux livres par terre sur le plancher, dans la mezzanine ? Est-ce que seulement on le regardait encore, le ciel blanc de la ville et son vent, et le regardions-nous de même façon ? J'écris ceci dans un bistrot, et seul. {{{{ }}}

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 31 mars 2006
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