Recto
Il y a des avis sur tout et sur rien, des spécialistes d’un jour, des spécialistes de circonstances, des spécialistes de la petite phrase et du mauvais jeu de mots.
Il y a des moments que l’on aimerait oublier, des scènes que l’on souhaiterait n’avoir jamais vues, des mots que l’on voudrait n’avoir jamais entendus.
Il y a des jours gris même en plein soleil, il y a des jours c’est l’hiver malgré la chaleur.
Il y a des joies qui viennent de loin. Elles ont l’odeur d’un savon, des fleurs de l’arbre aux papillons, le goût d’une crêpe au sucre, l’intonation d’un mot venu du monde d’avant, venu de l’enfance.
Il y a l’amour d’une mère pour sa fille, un amour sans borne, sans limite. Un amour qui ne trouve pas de mot, qui ne sait pas se dire. Un amour qui veille, qui rappelle de prendre le bonnet et l’écharpe quand il fait froid.
Verso
Oui, un mot simple, presque enfantin.
Le premier oui dit dans un souffle ténu, syllabe à peine formée. Dans le monde des adultes, le oui engage, peut devenir chaîne ou libération. Le oui de l’enfance possède la candeur désarmante. Il jaillit spontanément. Oui à la promenade, oui au bonbon, oui à l’aventure. Chaque affirmation ouvre une porte, révèle un possible.
L’âge venant, le oui apprend la prudence, se charge de sous-entendus, s’embarrasse de conditions tacites. Le oui de l’adolescent se fait plus rare que celui de l’enfant. Rébellion vs soumission, demande d’autonomie vs peur de l’inconnu. Oui de défi vs oui timide.
L’adulte est censé connaître le poids des mots. Oui calculé, réfléchi, parfois stratégique. Derrière chaque acquiescement se cache un renoncement, chaque acceptation exclut mille autres possibilités. Oui conjugal, oui professionnel, oui social | variations de oui qui engagent l’existence.
Ambiguïté ! Combien de oui prononcés cachent en réalité un non inavoué ? Combien d’acquiescements de façade dissimulent une résistance profonde ? Oui de politesse, oui par lassitude, oui résigné. Il y a le oui franc et massif, qui ne souffre aucune ambiguïté. Il y a le oui hésitant, ponctué de points de suspension, qui laisse entrevoir le doute. Il y a le oui ironique, qui dit le contraire de ce qu’il affirme. Il y a le oui murmuré, confidentiel, intime. Chaque intonation modifie le sens, chaque contexte redéfinit la portée. Le oui amoureux n’a rien de commun avec le oui du soldat, le oui du juge diffère radicalement de celui de l’accusé.