Il fait frais dans la boutique. Elles se succèdent ainsi dans les ruelles du village de Tunis. Sur les étagères, des poteries de toute taille et de toutes les couleurs. S’y trouvent les motifs végétaux et animaux, qu’on dit « naïfs » caractéristiques du Fayoum et ces turquoise aussi qui nous font voyager un peu plus au Nord, un peu plus à l’Ouest dans quelque échoppe de Lisbonne. L’homme est dans l’arrière boutique. Certaines poteries présentent sa griffe sur l’envers. Parmi les bols, assiettes et autres plats, de petits animaux ont trouvé place, un âne ainsi qu’une espèce non identifiée dont la robe est ornée de pois bleu, des appeaux. Ce sera un pangolin, petit animal à la mode pour quelque obscure raison… Un pangolin d’Egypte.
A la sortie du métro Alésia, une longue avenue mène vers Montparnasse, Gaité, et les allées du cimetière. La rue Froidevaux dont le nom laisse imaginer une voie humide et sombre glisse vers le lion de Belfort et l’entrée des catacombes dont le réseau croise celui des carrières. En sens inverse, l’avenue part vers Plaisance, Pernety, les portes de Paris, les immeubles de brique et d’acier du quatorzième arrondissement, l’architecture bizarre de l’église Notre Dame du Travail. Au croisement de l’avenue d’Alésia, se succèdent des alignements d’immeubles en pierre de taille et se dresse soudain, inattendue dans la rue étroite, la haute façade rouge du couvent saint François.
Le couvent des frères dominicains se situe au Nord du Caire dans le quartier d’Abbasiah. Le taxi longe des artères peu éclairées, des routes semées de pierre et de poussière. Les phares et quelques projecteurs laissent entrevoir des pans de roche creusée et des structures de béton sans usage. Un entrelac de lignes grises s’interrompt devant l’entrée absente d’un mall inachevé. Un parfum douceâtre d’ordures flotte dans l’air et plus âcre, de carburant et gaz d’échappement. L’accès à la propriété, encadrée de hauts murs se fait par une porte en ogive. L’entrée principale donne sur un hall qu’entoure une structure grillagée évoquant des moucharabiehs. L’espace est baigné d’une faible lueur émanant d’une suspension multicolore. Un couloir sans lumière conduit de la bibliothèque à l’espace d’étude. Au-dehors se dessinent dans l’ombre, les contours de colonnes et de palmiers. Les rayons sont divisés en thématique : histoire de l’église, liturgie, textes sacrés, vie de saints. Dans Médecine et sexualité, œuvre du groupe lyonnais d’études médicales philosophiques et biologiques, au paragraphe, chasteté, certaines indications précisent les causes et remèdes à l’hypersexualité féminine. Au rayon Psychologie, philosophie morale, se trouvent entre autres le Communisme chez les insectes et la Méthode pratique de Magnétisme, Hypnotisme, Suggestion de Paul C Jagot, Cours d’expérimentation à la portée de tous, 1949. Paul Clément Jagot, né le 17 juillet 1889 dans le XIVe arrondissement est également l’auteur du Livre rénovateur des Nerveux, des Surmenés, des Déprimés et des Découragés. Philippe Plaisir attribue 4 étoiles sur cinq à l’ouvrage sur le site Amazon le 16 mars 2014 rappelant toutefois que la meilleure de ses œuvres reste le pouvoir de la volonté.
Partiellement protégés dans le fonds d’une valise, le pangolin et l’âne survolent la Méditerranée. A proximité du couvent saint François, est un immeuble en pierre de taille et à l’étage, un petit appartement, un peu trop froid l’hiver, un peu trop chaud l’été, un petit appartement qui ne semble jamais fini, dans laquelle s’enfouit comme un chat dans son couffin, un corps rêveur aux mouvements lents et serpentins. Un jour, à côté de la chope de bière qui chante, à côté des livres rarement feuilletés et de tout l’inutile qui déborde et s’empoussière sur les étagères, on peut trouver un petit animal en céramique d’une espèce inconnue à la robe à pois bleu. C’est un appeau. Il émet un joli bruit. C’est un pangolin du Fayoum.
» Dans Médecine et sexualité, œuvre du groupe lyonnais d’études médicales philosophiques et biologiques, au paragraphe, chasteté, certaines indications précisent les causes et remèdes à l’hypersexualité féminine. Au rayon Psychologie, philosophie morale, se trouvent entre autres le Communisme chez les insectes et la Méthode pratique de Magnétisme, Hypnotisme, Suggestion de Paul C Jagot, Cours d’expérimentation à la portée de tous, 1949. Paul Clément Jagot, né le 17 juillet 1889 dans le XIVe arrondissement est également l’auteur du Livre rénovateur des Nerveux, des Surmenés, des Déprimés et des Découragés »
Génial cette littérature, ça vaut le sourire et le détour. Merci
Et rien n’est inventé…
« Les phares et quelques projecteurs laissent entrevoir des pans de roche creusée et des structures de béton sans usage. Un entrelac de lignes grises s’interrompt devant l’entrée absente d’un mall inachevé. »
Lu et relu à voix haute. ça sonne !
La chope à bière qui chante…et le pangolin du Fayoun. Le bancal, d’accord, je vois mieux. A son meilleur alors.
Ces textes ont été écrits à des moments différents, une partie en janvier une autre plus récemment. C’est le pangolin qui les a reliés, l’histoire d’un cadeau, un petit objet de rien offert et abandonné sur une étagère, le couvent aussi les relie, deux couvents dans deux villes, et enfin une rêverie les relie aussi, deux lieux investis d’une rêverie qui n’a pas les mêmes ressorts.