Blancs sont les murs semblables aux chemins empruntés par les visiteurs pour se rendre dans ce lieu immaculé mais noirs ils deviennent à la chute du jour, d’un noir corbeau, sans le cri. Et du tréfonds du lit où tu es allongée, tu n’y vois goutte car tu n’es pas encore nyctalope. Alanguie ? En sommeil ? Son corps repose sur la couche malade où l’ambulance l’a déposé. Masque à oxygène, tuyaux, cardioscope, tout l’entoure mais elle ne voit rien. Seules les ombres sont sous la lune. A cette heure tardive, les visites ont cessé et quand elle ferme les yeux, le monde n’existe plus. Toute forme de vie s’est volatilisée et la sienne en premier. Tu fermes les yeux et tu disparais en un claquement de doigt, un clignement d’oeil, en une unique inspiration. Tu dors ? Non, tu ne dors pas. Je le sais, je l’entends, ta respiration, saccadée. Peut-être même que tu as les yeux ouverts ? Veux tu que je te parles ? M’entends-tu distinctement ? Mais tu ne dis plus rien, des jours et des nuits que tu fais silence. Elle meurt. Non, elle ne meurt pas mais elle veut mourir. Son corps n’est plus. Son corps est coupé. Son corps a été accidenté. Sa tête broie du noir, du noir charbon, sans bruit. Son âme se noircit de crasse sale, elle ne veut plus vivre. M’écoutes-tu ? Le son de la voix lui parvient nettement mais elle ferme ses oreilles, ne pas entendre, ne plus percevoir, tel est son désir. La voix parle mais n’est pas accueillie. Son corps ne vibre plus. La voix devient sourde se perdant dans les méandres ténébreuses. Plus de mélodie. Plus d’écho. A qui s’adresse la voix ? M’écoutes-tu ? Quels mots doux puis-je te donner pour que tu guérisses ? Quelle intonation dois-je utiliser ? Où es-tu partie ? Dis moi. Où es-tu ? Je caresse ton corps blessé avec mon timbre. Le sens-tu ce mot aimer sur ta peau ? Comment puis-je t’extraire du tombeau dans lequel tu t’es plongée ? S’il te plaît. Elle ne répond pas. Elle a posé son corps contre le mur, sa face sur le noir. Sa bouche touche la peinture. Elle sent ses larmes couler mais ne laisse aucun son surgir. Elle comprend la voix mais laisse le silence l’envahir. Tout est cadenassé. Douleur, douleur, douleur. Insurmontable. La voix tente de se frayer un chemin en vain. Ni vivante, ni morte, noire, elle est devenue.