#boost #14 / Becket / Acouphènes  

Traduction simultanée. Un corps raconte.

Immobile équilibre sur une jambe. La gauche. Oscille. Le pied. L’orteil oui le gros Hallux Valgus. Tordu penche. Le corps penche. Tient-il ? Toujours ? Encore ? Pour finir debout encore sur une jambe le poids du corps sur le pied gauche qui tremble fléchit inflexion du mollet. L’ombre du genou sur le carreau. Face à la fenêtre. Elle est là. Est-ce le nord-ouest est-ce une direction ? Oui peut-être la lumière sur le verre. Tache sur le verre. Le reflet de l’œil. Non l’iris fige flotte comme un reste de ciel un cil sur l’air. Une mémoire d’œil. Les bras. Étranges bras crochus. Courbe couronne forme géométrique. Triangle isocèle scalène. Les mains paume contre paume. Presque un vide entre. Se cherchent s’effleurent. L’équilibre. Un vertige. Le bras gauche tremble. Le droit suit. L’un ment l’autre cède au poids du souffle qui monte descend reste flotte. Le cœur pas là plus là. Bat-il ? Avalé par le silence pas de son. Plus de sang. Sans cri. Rouge intérieur c’est ça. Voilà que le corps raconte ce qui n’est pas dit. Ce qui parle en soi sans mot sans syntaxe sans forme. Changer de jambe oui le faire. Maintenant la droite. Elle attend, elle veut. Peut-être plus stable moins pareil. Le corps se plie mais ne rompt pas. Pas encore. Il tient. Le silence monte. Pas tout à fait silence non. Le bruit. À taire du dedans. Les acouphènes. Cri aigu. Long très long. Sifflement dans un trou d’air. Le souffle enrobe. Enveloppe. Emmure. Il est là comme la nuit. Comme ce jour qui meurt. Et la nuit tombe déplore laisse venir. Recouvre. Absout. Le cri n’est plus le cri il est tout.Tout le corps. Le cri. Le silence. L’équilibre. La chute. L’immobile. Un rien un reste. Un presque. Le genou cède. Non résiste. Mince ligne entre l’instant debout et plus. Plus debout. La hanche travaille. L’articulation geint. Ce n’est pas un son. C’est un langage. Un cri sans cri. L’os parle. Il dit je suis là. Je porte. Je flanche. Je romps. Non pas encore. La fenêtre toujours. Même place. Même tache. Même ombre. Pas changé. Ou oui le temps travaille en douce. Il creuse la chair râpe l’œil. Qui décolore le reflet. C’est un autre un œil du dehors. Qui regarde. Un double sans poids sans corps. Le cou pris dans le haut entre la tête et le tronc. Charnière. Raide tendu comme une corde. La nuque chauffe. Douleur persistante. Une lente morsure qui monte s’éparpille gagne. Épaules bras mains doigts. Ils bougent. Frémissement de feuilles mortes sur l’arbre sec. Sans sève. La respiration compte les instants les secondes les absences. Inspire. Expire court. Soupir. Un vieux tic qui tient en vie peut-être. Sans mot sans mouvement. La jambe droite flanche. Pas un choix. Repasser à droite. Penser ne pas penser. Éprouver. Subir. Entendre ce qui ne s’entend pas. Bourdonnement aigu. Le cri. Encore. Il revient. Il est là. Toujours là. Fermer les yeux. Pas tout à fait. Les garder ouverts. Pour fixer. Retenir un peu. L’ombre. L’air. Ne pas tomber. Suspendu. La lumière s’en va. Disparaît le soleil. Le jour glisse. Se retire. La vitre l’avale. Absorbe jusqu’au dernier rayon. L’œil veut retenir. Garder l’éclat. Le vestige. L’ombre de la clarté. La forme du jour qui fuit. S’éteint. La vitre est noire. Non. Vide. Pleine de nuit. L’œil cherche encore. S’accroche. Mais rien. Il n’y a plus rien. La nuit est là. Immobile. Dans ce noir. Pâte noire sans fond. Sans bord. Oui les pieds. Redescendent lents. Un à un touchent le sol. Froid. Stable. Sans élan ils se rassemblent. Se retrouvent comme deux bêtes. A bout d’équilibre. Le corps se rend. Ne penche plus. Ne lutte plus. Et les acouphènes. Toujours. Montent. Envahissent. Se faufilent. Ça prend toute la place. Plus de pensée. Plus de silence. Juste ce cri. Sans dehors. Ce cri du dedans. Ce cri de fin.

4 commentaires à propos de “#boost #14 / Becket / Acouphènes  ”

  1. « Voilà que le corps raconte ce qui n’est pas dit. Ce qui parle en soi sans mot sans syntaxe sans forme. »
    Merci Raymonde. On entend.

    • Anne merci je viens de trouver ton commentaire, oui ce corps qui nous parle tandis que notre surdité lui tient la dragée haute trop souvent…