#boost #15 / Cendrars / violence  

INCIPITE : V comme Violence

Violence.
Pas le coup de poing mais ce qui l’entoure.
Pas le cri, mais le nœud dans la gorge qui le précède.
Pas l’impact, mais le tremblement.
Pas la guerre, mais ce qu’il en reste de silences.

Violence quand le langage cale. Quand l’homme n’a plus les mots et que son bras s’élance. C’est la main qui ne sait plus dire, le corps qui veut se faire entendre sans appel. C’est un refus, un refus qui tonne, qui cogne, qui tonne encore.

Violence c’est l’impuissance en train de hurler.           
Une fatigue déguisée en colère.
Une blessure qui n’a pas trouvé de sortie.
Un abîme sans garde-fou.

On la croit force. Elle n’est qu’éclat.
On la croit fierté. Elle n’est qu’un cri de bête.
On la croit justice. Elle n’est que vengeance sans fondement, masque pour le vide.
On la croit virilité. Elle n’est qu’un enfant perdu dans un costume trop grand.

La violence n’explique rien. Elle interrompt. Elle sabote.
Elle dévore ce qu’elle touche.
Elle fait du bruit mais ne construit pas.
Elle fait peur mais ne convainc pas.
Elle frappe mais ne transforme pas.

Elle n’avance pas. Elle piétine. Elle trépigne. Elle rature.
Elle est toujours au bord d’un gouffre, les bras levés, incapable de dire pourquoi.

Et pourtant elle fascine. Elle scintille.
Elle promet du sang, du rouge, de l’émotion.
Elle veut saturer, remplir la scène, trouer les rideaux.

Je l’ai vue au coin d’une rue.
Je l’ai vue dans les yeux d’un homme qui ne voulait pas pleurer.
Je l’ai vue dans la main d’un père qui ne savait pas parler à son fils.
Je l’ai vue sur un écran, grand comme un ciel de western, exploser en mille ralentis.

On oublie l’après, le silence, le mal qui reste, le goût de rouille dans la bouche.

Elle croit être le sommet. Elle est le bout du souffle.
Elle croit être pouvoir. Elle est l’échec du pouvoir.
Elle croit être un choix. Elle est l’absence de choix.

Et pourtant —
elle revient.
Toujours.
Parce qu’on a oublié d’écouter.
Parce qu’on préfère l’éclair au murmure.
Parce qu’on préfère l’explosion au doute.

Violence, V majuscule.
Comme Vaincu.
Comme Vacarme.
Comme Vide.
Comme Vérité trop forte pour rester sage.

Elle est là, dans les marges, prête à surgir.
Comme un mot trop longtemps tu.

On la reçoit comme une ogive.

Comme une fièvre mal calmée.
Comme un cri dans une gorge d’enfant.

Et l’homme, pauvre homme, croit encore qu’en frappant, sans toucher il se prouve.
Mais il ne fait que s’avouer.
Faible.
À bout.
Perdu.

Et la violence alors devient ce qu’elle est :
un aveu.

3 commentaires à propos de “#boost #15 / Cendrars / violence  ”

  1. La violence comme aveu de faiblesse. L’écriture, une force : tenter de lui tordre le cou. Merci.

  2. quel cri pour ce mot qui ferait hurler, s’effondrer, mourir… quel texte qui laisse … sans voix. Merci !

    • Merci à Eve et Cécile pour leur passage… la vie est un livre ouvert sur nos expériences