
Le sol du grand hall de la gare est carrelé de blanc, de grands carreaux avec des joints qui font battre en cadence les roulettes des valises trainées par celles et ceux qui les emmènent ailleurs. Au milieu de la façade, les portes coulissantes s’ouvrent automatiquement lorsque quelqu’un s’approche. Mais sur le côté, moins visibles, des portes à charnières restent toujours ouvertes. Tableaux d’affichage verts pour les départs et bleus pour les arrivées, machines automatiques pour l’achat et le retrait des billets. Deux guichets dont l’un avec le volet baissé et pour l’autre, volet relevé, mais personne derrière la vitre. Des gens passent, traversent le hall, s’arrêtent parfois devant les panneaux des horaires, puis le métronome des roulettes sur les carreaux reprend pour faire fond musical. En haut, dans la charpente métallique, des oiseaux ont construit leur nid.
Le TER est plein. Allées au sol fatigué, les petits ronds qui donnaient du relief au revêtement de sol ont presque tous disparu, le tissu des sièges est usé, ou plutôt râpé puisque c’est une sorte de velours. Couloir central et de chaque côté, des sièges côte à côte. Les tags à l’extérieur du wagon se prolongent sur la vitre, mais de l’intérieur, on a que le prolongement. Début de saison. Des sacs et des valises partout, peu de colis d’une forme inhabituelle. Une fille très jeune est assise a posé sa valise sur le siège à côté d’elle, son bras sur la valise et sa tête sur son bras. Elle fait semblant de dormir en espérant que personne ne va lui toucher l’épaule en demandant s’il y a quelqu’un sur le siège à côté d’elle.
Le parking se rempli en fonction des horaires des trains, mais il n’est jamais vide, car on n’est pas si loin de la ville et ce n’est pas si simple de ses garer, surtout les jours de marché ou quand il y a du monde, quand il fait beau et que les gens vont se promener. Le parking est tout en longueur, juste à côté des voies de chemin de fer. Depuis le train on peut voir si sa voiture est encore là et depuis le parking on peut voir si le train est déjà là.
Elle a présenté son ticket à la machine qui l’a avalé, mais la barrière ne s’est pas ouverte. Elle a attendu un moment, mais maintenant il y a une voiture derrière elle et la barrière ne s’ouvre toujours pas. Une autre voiture vient d’arriver, elles attendent que la barrière se lève, mais la barrière ne se lève pas. La dame de la première voiture coupe son moteur, ouvre la portière, un peu, parce qu’elle est coincée par le pilier qui soutient de la barrière, elle sort et fait le tour de la borne, elle cherche, un bouton, un levier, une manette, un écran, une vitre à briser en cas d’urgence. Rien. Le conducteur de la deuxième voiture vient lui aussi inspecter la borne avec un air excédé, il refait les mêmes gestes pose ses yeux au même endroit que la dame précédemment et ne trouve rien, lui non plus. D’habitude elle marche sans problème cette barrière, vous avez bien mis votre ticket, parce que si on fait pas les choses correctement ça ne risque pas de marcher, hein ! Oui, et moi non plus je n’ai jamais eu de problème avec cette barrière, je ne comprends pas, j’ai fait exactement la même chose que d’habitude et elle ne s’ouvre pas. La dame de la troisième voiture sort à son tour, écoute quelques phrases de la conversation et dit qu’elle va aller demander, qu’il y a des travaux à cause des lampadaires et que c’est sûrement ça. À mi-chemin, la dame de la troisième voiture rencontre l’employé de la gare avec une casquette bleue sur la tête et une longue clé en T à la main. Je suis désolé, je suis vraiment désolé, mais plus rien ne marche dans la gare on a une panne de courant avec les travaux de l’éclairage public au bout de la rue, je vous remercie de votre compréhension et vous souhaite une bonne fin de trajet, pardon, une bonne fin de journée. La barrière se lève et l’employé de la gare la bloque en position ouverte avec la longue clé en forme de T.
Codicille :
Début du voyage, en voiture, attention à la fermeture des portières. Un texte que je pourrai facilement utiliser ailleurs comme dit Annie Ernaux, même si il tient tout seul debout également peut-être même dans les aventures de Mow ;-)
Bravo pour ce texte , tj une pointe de réel qui me fait rire ( jeune fille qui fait semblant de dormir )!🤣
Merci pour ton passage, Carole, et la jeune fille, elle a fini par déposer sa valise et laisser s’asseoir une dame 😉
L’épisode de la barrière qui ne se lève pas, que l’on a tous vécu ou presque, tu en fais une scène très visuelle, presque du Jacques Tati.
Contente de te retrouver dès le premier épisode de ce nouvel atelier. A bientôt Juliette !
Merci, contente de te retrouver aussi. pas beaucoup pris de temps pour lire, attrapée par le col par d’autres choses, mais compte bien y revenir !
Où je me dis que la longue clé en forme de T doit pouvoir ouvrir des tas de textes.
Une clé universelle 😉
Merci pour le coup d’oeil par ici. Un peu dans le jus, mais j’espère pouvoir bientôt aller me balader par chez toi et par chez plein d’autres textes !