#recto-verso #01 Touffeur



Recto

La cérémonie a commencé pile à l’heure dix du matin pétant sous le soleil de plomb. Une centaine de personnes y assiste – le bâtiment art déco (son dôme couvert de cuivre protège d’un dôme de chaleur superposé) pourrait en contenir bien davantage – s’asseyant ou se levant selon les injonctions d’un prêtre d’origine asiatique qui aime montrer qu’il sait chanter. Il est assisté par un acolyte d’origine africaine en tenue civile voire sportive au niveau de son maillot floqué et quand il sort le calice du tabernacle, le tenant à bout de bras au-dessus de sa tête, on pourrait croire, image sacrilège, qu’il vient de gagner la coupe des Vennes. On a placé sur le cercueil simple – face à l’autel comme il se doit – un mètre pliant en bois et les petites lunettes rondes du défunt. Il était architecte.

Surplombant le boulevard de l’Automobile, un mini-zoning urbain : un fast food, un brico, une ressourcerie et un magasin d’électro-ménager dont la porte reste ouverte en permanence malgré la touffeur extérieure et le conditionnement d’air intérieur. Trois vendeureuses alternent travail au comptoir – large et long – et renseignements à la clientèle dans la salle d’exposition – lumineuse et vaste –. À l’entrée une quatrième vendeuse, la peau marquée par un vitiligo, propose gratuitement une boisson – café, eau, jus – à l’occasion d’une braderie quelconque. Les air-coolers ont la cote.

Cette rue piétonne, la plus ancienne de la ville, fait le lien entre les cafés de la place Cathédrale, plutôt fréquentés par des personnes d’un certain âge, et les cafés de la place des Carmes, plutôt fréquentés par des personnes d’un âge certain. L’étroitesse de la voie n’empêche pas la sauvagerie de trottinettistes électrisés frôlant à grande vitesse les tables des terrasses de restaurants. Le Fu Xin, chinois comme son nom l’indique, ne dispose à l’extérieur que quatre petites tables de deux personnes, les intimités se côtoient nécessairement. En face du Fu, la vitrine d’une galerie d’art contemporain laisse en général le chaland indifférent ou au mieux perplexe. À côté une porte-miroir permet aux fêtards d’apprécier leur apparence et d’y remédier quelques fois autant que faire se peut.

Verso

À la terrasse du Président le soir apporte un faux-semblant de fraicheur avec un vrai-semblant d’infusion de tilleuls. Tu aurais pu me dire qu’Harry était décédé ! Roger n’en démord pas, vexé d’avoir appris la nouvelle après beaucoup d’autres. Je n’étais pas délégué à l’annonce rétorque Édouard, surpris par l’agressivité de la remarque. Tu aurais pu me le dire tout de même ! rajoute Roger exagérant sa proximité avec Harry. Bon, qui boit quoi ? questionne André pour refroidir l’échauffement des esprits.

2 commentaires à propos de “#recto-verso #01 Touffeur”

  1. J’aime bien ces vignettes précises, et le « verso » qui fait écho en décalé au premier tableau.