#RECTO VERSO #02 à #15 | survivances

TABLE DES MATIÈRES
#02 – survivance
#03 – il y a la fissure
#04 – la saisir, primitive
#05 – la Petite Faye
#06 – désert
#07 – piqûre de scorpion
#08 – sur les crêtes
#09 – l’amer-sucré du café
#10 – mirages

#11 – le gouffre de la pensée
#12 – récits des deux continents
#13 – bou che ou ver te
#14 – survivances
#15 – aveuglés

Photographie ©Françoise Renaud

#02 | SURVIVANCE

RECTO

à ce stade de la nuit, le sommeil m’a fuie et les rêves se retirent à l’arrière du front, se tournent en méditation, je suis vieille maintenant et j’arpente la maison silencieuse, par la fenêtre je vois qu’il y a de la brume et des silhouettes qui se dessinent près des bosquets à l’arrière du jardin, je ne parviens pas à les distinguer, il y a quelque chose qui m’arrête dans le mouvement vers eux comme une peur

à ce stade de la nuit, il fallait consoler le bébé s’il se réveillait sinon il pleurerait sans s’arrêter jusqu’à en mourir, alors le prendre dans le creux des bras, le balancer, lui dire des mots doux inventés, le persuader que tout va bien et que la vie pour lui sera belle et que tout se passera comme dans un rêve, une chose que son père faisait très bien, et tout le monde enfin pouvait se rendormir

à ce stade de la nuit, je cherche un livre à couverture aux motifs africains dans les rayonnages de ma bibliothèque, un livre qui parle d’un garçon noir venu d’Éthiopie, sa mère disait qu’il était sec comme du bois d’azobé   — c’était une belle trouvaille que ce bois d’azobé, un bois qui sert pour les rails de chemin de fer et les constructions de bord de mer, un bois résistant aux chocs et aux vents —, j’avais été frappé par sa façon d’aborder le corps de sa mère morte, d’oindre son corps de limon avant de traverser les déserts et de rejoindre les pays du delta, puis d’autres pays inconnus au-delà du canal oriental, je voudrais retrouver cette histoire pour la raconter à mes frères et à mes enfants  

à ce stade de la nuit, un haïku surgit dans ma tête, je le répète plusieurs fois pour bien m’en souvenir et l’écrire au matin

à ce stade d’avancement de la nuit, la lune gîte dans son halo de bruine et j’attends que mes yeux se fatiguent à la regarder fixement pour m’en retourner me coucher

à ce stade d’avancement des choses, je me demande à quoi je ferais mieux de penser pour qu’un bout de vie se construise, j’habite avec mes parents au bord de la mer et ils me répètent sans cesse que j’ai la vie devant moi, tu parles, moi je voudrais voir d’autres pays, un jour je nagerais vers la haute mer sans m’arrêter et là je serai vraiment seul

à ce stade de la nuit, je travaille dans une pièce éclairée, odeurs de farine et de beurre cuit, je dois tenir jusqu’à l’aube et garnir mes étals avec des pains dorés et aussi de petits gâteaux à savourer au petit-déjeuner

à ce stade de la nuit, la douleur a pris le dessus, je ne sais pas comment la réduire l’émietter l’écraser dans le poing

à ce stade de la nuit, il n’y a plus que la douleur dans le corps qui crie, les muscles les tendons les organes, et le ballet des sirènes des ambulances dans la cour entre les bâtiments

VERSO

1984. Je vis seule. Je suis libre. Souvent le soir je vais au cinéma à la séance de 22 h. Une salle classée art et essai dans un quartier en bordure de la ville. J’aime y aller sans prévoir à l’avance, je ne choisis pas le film, il n’y a qu’une seule salle. À cette heure peu de monde, seulement les mordus. Il fait nuit quand j’y entre et nuit quand j’en sors, je fais le plein d’images. Ce film, je l’ai revu plusieurs fois, je ne sais plus son titre, un film poignant d’un réalisateur espagnol. À rechercher loin dans ma mémoire, je revois le visage d’un homme torturé avec une corneille sur l’épaule. Un innocent. Le film raconte l’histoire d’une famille de paysans sous le franquisme, âpre comme la terre d’Extremadure et insupportable comme l’injustice. Bien sûr j’ignorais que que je me souviendrais à jamais de ces visages marqués par la pauvreté et soumis au pouvoir des possédants. La rage en moi encore quand je me souviens. Après une recherche sur le Net, je retrouve trace de Mario Camus et de Francisco Rabal. C’est fort, le visage ravagé de Francisco, son innocence, son lien avec l’oiseau comme une opportunité de voyage et de survivance. La nuit mord ma peau quand le film est fini.

je suis seulement de passage, mais trop irrésistible, ce texte de Maylis de Kerangal...
l'occasion ci et là de vous rejoindre dans ce travail d'été

#03 | IL Y A LA FISSURE

Il y a je ne sais quoi qui secoue fort au dehors qu’on appelle tempête et qui arrache les arbres

Il y a le mort sur le lit au visage froid qu’on nous dit d’approcher pour le toucher avec les lèvres, éprouver pour la première fois de sa toute jeune vie ce quelque chose dont on n’a pas idée

Il y a le désastre, le malheur qui entraîne par le fond le bateau et avec lui les quatre frères et le père qui étaient à son bord et qui n’ont pas réussi à s’en tirer, et il y a la mère sur la côte qui ne peut imaginer ce qui est en train d’arriver, sans doute qu’il ne fallait pas sortir en mer ce jour-là

Il y a la grâce et l’amour qui envahissent sans prévenir

Il y a l’autre femme qui est à genoux dans le sable près de la tombe, je la reconnais, c’est bien elle qui a donné plusieurs fois la vie, je pourrais dessiner les traits de son visage, et il y a le désespoir et les fleurs blanches près de la colombe en marbre

Il y a le cri, le râle, dans le lit

Il y a le cri de l’amour

Il y a le lien entre les êtres qui vient de la naissance ou d’une rencontre après la naissance

Il y a le lieu de l’enfance, la maison, l’escalier pour y entrer, le jardin qui paraissait plus grand à l’époque, les arbres ébouriffés par la rage des multiples hivers, ils accueillent encore un petit peuple d’oiseaux ou alors ils ont disparu, arrachés pour construire un autre bâtiment ou pour vendre le bout de terrain à prix d’or en cet endroit prisé du littoral

Il y a le temps déchirant

Il y a l’invitation au voyage à travers le désert, les cieux constellés d’astres, le froid installé après la brûlure sous les pieds, quelque chose que tout le monde peut éprouver, ou à travers les forêts tropicales qui filtrent la lumière et insinuent une sorte de crainte avec tout là-haut le volcan qui éructe

Il y a la fissure dans le bleu

Il y a la douceur et la violence

Il y a tout ça qui entre dans la peau comme un feu qui trace un chemin, un fossé, et ça commence dès que le premier souffle circule dans les organes et les muscles et tout ça façonne la blancheur du petit corps qui peine à se mettre debout, un petit corps infirme qui tente pourtant de battre des ailes et d’apercevoir la voix qui le guide

Oui est un mot bref qui rapproche puis écarte les lèvres quand on le dit, un mot qui échappe et pousse au bord du vide, ensuite trop tard, il ne peut se renier, il est comme un constat, semble accepter tout ce qui s’est passé avant et tout ce qui est en train d’arriver, il convie à une autre plage de temps, oui oui c’est ça, oui d’accord on y va, oui viens près de moi, on voit combien il incite au rapprochement et même à l’abandon, oui mon amour, oui mon tout petit, je respire et sens ton corps parfumé à le serrer contre moi, et tout ce qui s’invente en ces instants puissants où l’on croit ne plus être seul et pourtant c’est le contraire, oui on est partant, oui oui oui on s’embarque pour une nouvelle aventure mais à quel prix à s’y brûler les entrailles, oui tu me manques, oui c’est vrai je l’admets, il faut que tu reviennes, la vie passe par ce oui brûlant de l’acceptation et de la reconnaissance, oui je te vois mon fils ma fille, oui je t’aime, oui je te touche, et c’est seulement à force de toucher qu’on se persuade d’être soi-même vivant quand le oui devient douleur extrême, alors le rêve s’incarne dans le silence du corps tout comme la solitude et un jour ça explose à la façon d’une nova dans le cirque géant du cosmos, le oui est une histoire sans retour.

#04 | LA SAISIR, PRIMITIVE

L’été a commencé et le vent est rageur. Il sèche la terre et pousse le corps à l’intérieur de la maison pour tenter de poursuivre le chemin d’écriture. Mais de quoi ça parle et où ça touche ? quel est mon territoire d’envie, mon territoire d’emprise ? Ce matin je ne sais pas sinon l’intime de l’existence, et peut-être depuis quelques jours, comme nichés au précieux, le « oui » et le « il y a », deux élans capables de décrire un paysage et de s’infiltrer dans les veines suffisamment pour dessiner un monde.
Justement il y a l’été en moisson.
Il y a le vent rageur.
Il y a le feu qui menace.
Il y a les petits d’animaux qui grandissent.
Le voilà mon monde. Impossible de m’en éloigner, et l’Histoire dont on veut me parler, j’ai beau l’appeler la convoquer, je n’aperçois que celle qui s’inscrit dans ce moment où le vent se renforce encore et produit ce bruit singulier à travers les arbres, celle du pays éloigné des villes — même s’il n’est pas ma terre d’origine —, celle du dehors et du dedans mêlés, comme obsédante.

Je l’approche au gré des petits voyages qui rythment ma vie, il n’y a pas de musées, seulement des églises dans chaque bourg, des puits, des ruines de château, des citadelles décomposées, des hôtels désaffectés, et les siècles qui tremblent contenus dans leurs murailles et le sable à leurs pieds, l’Histoire est simplement devant les yeux,
pas besoin de mémoire,

elle est vive
et elle court comme un chevreuil à travers bois.

La saisir, brute, primitive,

chemins qui filent jusqu’à échapper à la vue,
friches, landes, zones humides, forêts, tourbières, guérets,
parcelles de seigle ou de tournesol,
stèles en granite,
barrières en bois de châtaignier,
ponts, circulations de l’eau, charrettes à bras désormais remisées dans les granges, mines d’or fermées dans les années soixante-dix on m’a dit, cimetières,
eux tous, chemins, bâtiments, hommes aussi qui ont travaillé là, et tout ce qui pénètre jour après nuit est bien réel, rien d’autre à inventer ni de livres à consulter

j’ai noté : « le présent se nourrit de lui-même,
il transpire sa propre mémoire »

coteaux constitués de roches grenues dont l’arène tapisse les sources et rend l’eau limpide,
ponts construits par nécessité auprès des fermes avec saules somptueux habillant les rives,
allées à travers les jardins pour atteindre l’eau,
mégalithes en bord de champ (ils portent des noms que je relève quand je vais à leur rencontre),
encore prairies habitées de troupeaux, paix immense dans leurs déplacements lourds et leurs yeux noirs, paix des hautes fougères dressées en lisière,

« ce qui s’entrelace et fabrique l’histoire »

oui noter (même s’il n’est pas question de mots) oui photographier pour que la mémoire demeure au présent, oui poursuivre le voyage, quel que soit la nature du paysage au fond je ferai la même chose, continuerai l’exploration du jour inattendu et de la nuit pleine d’étoiles, des nuées déchirées qui traversent le décor, je me demande d’ailleurs où elles se rendent

ce n’est donc pas un objet nouveau qui s’annonce là, mais pourquoi en poursuivre un autre alors que le décor s’impose aussi fort et aussi vrai...

#05 | LA PETITE FAYE

J’ai dit l’emprise de ce lieu devenu mien et aussi terrain d’écriture, simple et attachant dans son costume de pays déserté avec arbres très vieux et bêtes sauvages. J’ai dit que je m’emparais avec les sens de ce qui est visible de son histoire et en faisait mon lot quotidien, cependant d’autres réalités coexistent au-delà du visible et des images qui me saisissent. Il n’y a pas de frontière précise entre le bois et la terre, entre le vent qui brosse et la neige qui recouvre. Ce qui est caché rôde dans les rivières en arrière des formes identifiées, sous les écorces d’arbre, dans les rochers en profondeur, leurs filons, leurs fissures. Ce qui rôde parle de menace. Voilà que je frissonne et voilà où j’en suis dans ma propre histoire. L’image paisible saisie d’emblée ne serait-elle qu’illusion ?

L’ÉTÉ DERNIER

Je rencontre un certain Mr Dumas à la fête du village en août dernier. Il me raconte le dépeuplement du village depuis la fermeture de la mine d’or. Dans les années 1960, près de quatre-vingt enfants fréquentaient l’école communale. Il en parle comme d’une fierté et semble regretter ces temps pas si lointains où il y avait du travail, donc plus de familles et plus de vie. Jusqu’à notre rencontre, je n’avais aucune idée de l’exploitation d’or natif dans les granites à biotite de la région.

Or, du latin aurum. Ressource, richesse, numéro atomique 79. Beaucoup se sont tués pour en posséder une pincée.

Le gisement de la Petite Faye a été exploité depuis 1909. Déjà connu des Romains, le site est resté ouvert jusqu’en 1962 et a produit 321,30 kg d’or. Il faut vraiment que j’aille voir André Dumas pour qu’il m’en dise davantage et qu’il me conduise sur les lieux du puits remblayé. La nature a dû reprendre le dessus. Je lis quelque part que l’accès au site est interdit. Propriété privée.

On parle souvent de patrimoine perdu.

Plusieurs cavités souterraines sont inventoriées sur la commune dans un rayon de 2 km de la Petite Faye. On trouve trace de leurs noms. Les mines antiques de Cuculour et le Trou aux fées correspondraient à d’anciennes mines d’or exploitées jusqu’à l’époque gallo-romaine. Leurs positionnements sont imprécis, pour la mine du Mont Pelat l’âge indéterminé. Souhaitant accéder au dossier d’étude intitulé Relations entre sols et végétation sur des résidus d’anciennes mines d’or, je n’obtiens qu’une erreur de serveur. Nombreuses sont les pages qui ouvrent sur le vide.

L’ÉTÉ EN COURS

Persévérer, continuer à explorer là où il est question de peur et de perte.

Je décide de me rendre seule sur place. Les belles vaches limousines me regardent passer et les bois délivrent une fraîcheur bienvenue, rien de particulier. Je me faufile, le silence m’accompagne, de toute façon il n’y a personne. Il reste bien peu de traces, seulement des terrils encore visibles sur un terrain plat par ailleurs. L’ancien poste électrique est encore en place et il est interdit de pénétrer. Dans un document géologique, j’ai relevé à propos de la flottation, technique utilisée sur le site pour l’extraction : « Le minerai est flotté : un produit mouillant permet aux fines paillettes d’or de remonter en surface d’un lavoir. » Et puis plus loin : « Les boues issues de cette opération ont été stockées dans un bassin de décantation d’une superficie de 1,5 ha. » Je m’interroge sur la nature de ce produit mouillant et sur l’existence du bassin soit-disant devenu marécage impraticable. Je le cherche mais je prends peur et me retire sur la pointe des pieds.  

Soulever un coin du voile. Les demandes de permis d’exploitation sont des « mascarades de démocratie », les risques passés sous silence. Le profit prime. La soif de l’or aveugle.

Au passage, j’apprends un nouveau mot : halde. Il désigne l’amoncellement de déchets et stériles issus de l’extraction de minerai. Sorte de synonyme de terril.
Tout ça me décide à rendre visite à Mr Dumas pour lui demander s’il connaît ce mot, ce qu’il sait de la pollution du lieu et de ses effets. Il me dit connaître le propriétaire des terrains, qu’il pourra obtenir une autorisation de visite et qu’il pourra m’accompagner si je veux, bien qu’il peine à comprendre pourquoi tout ça m’intéresse. Je le remercie.
Sous la chaleur le village est immobile. Près de l’église à l’autel fleuri toujours ouverte, se trouve la bascule où étaient pesés les animaux et les charrettes de grain. Les maisons anciennes de la rue de la Tour proposent des façades grises aux volets tirés. J’ai eu l’occasion ces jours-ci de pénétrer l’une d’elles. Impossible d’imaginer à partir d’une simple façade un intérieur et ce qu’il raconte d’histoire, de joie ou de misère. Impossible de la même façon d’estimer la toxicité d’une source près de laquelle poussent de belles roselières et niche tout un peuple d’oiseaux.

repartie d'un texte-enquête écrit lors du cycle écopoétique de septembre 2024... je m'étais proposé d'enrichir, alors je me suis dit que ça tombait bien... à suivre

#06 | DÉSERT

j'avais commencé à écrire un texte avec un personnage fictif de vendeuse, tout d'un coup ça m'a paru fabriqué, tellement superficiel, d'où virage à 180° et tentative de rattacher (comme souvent) la proposition au travail précédent sur la même ligne (emprise du lieu, pays, village...) et, ça m'est venu pendant la nuit, m'emparer de cette scène vécue il y a quelques jours chez un voisin de Mr Dumas

ainsi comme une suite à la #5 :"Les maisons anciennes de la rue de la Tour proposent des façades grises aux volets tirés. J’ai eu l’occasion ces jours-ci de pénétrer l’une d’elles. "

Ce que j’ai à dire est assez compliqué et je n’énonce plus clairement les choses depuis un certain temps, l’âge me détruit et m’agite et mes lèvres tremblent, pardonnez-moi chère Madame pour mes hésitations, vous êtes si gentille de passer nous visiter et je ne voudrais pas vous ennuyer mais les images s’amplifient et se brouillent dans ma mémoire… vous savez, je remâche, je répète, je malaxe et refaçonne la vérité, je radote, désormais j’avance les bras tendus pour ne pas heurter la table ou l’armoire, pour ne pas me blesser… quinze ans déjà que nous sommes revenus habiter cette maison à façade en pierre grise, juste en face de l’église à l’autel toujours fleuri, vous la connaissez n’est-ce pas ? juste en face de la bascule à peser les bestiaux, une maison qui appartenait à mes parents, oui on a pensé que ce serait mieux que l’appartement en ville… mais à présent je ne sors presque plus, je suis fatigué, je suis assis à cette table et il ne se passe rien sinon cette folie d’images qui s’entremêlent dans ma tête et qui me font du mal, rien d’autre à faire que de les triturer comme on se rogne les ongles avec les dents… ma vie n’aurait pas dû être si longue… ah j’en aurais à dire sur les hommes que j’ai connus et, vous savez, j’ai traversé des situations extrêmes, c’était la guerre, on m’avait expédié là-bas dans le désert, tout au Sud du pays, pour surveiller la frontière, ça devait être en 57, un sacré long voyage en passant par Marseille et Alger… et tout ça revient comme si c’était hier, non je n’aurais pas dû les envoyer là-bas ce jour-là, mais quand on est colonel dans l’armée, on a des responsabilités et à chaque fois que j’en parle, vous voyez, c’est idiot, les larmes viennent dans ma gorge et contaminent ma voix… ah bon sang, ils étaient si jeunes, certains avaient des enfants, des nourrissons, pourtant c’était les ordres, qu’est-ce que j’aurais dû faire ? tout pouvait arriver, le danger était partout, on souffrait énormément de la chaleur… ça m’obsède jour et nuit, non je n’aurais pas dû …  alors quoi ? fuir au Mali ou au Niger, affronter un nouveau destin, l’exil et subir la honte ?… à présent j’ai quatre-vingt-treize ans et plus guère de dents, je ne dors presque plus, tout juste m’assoupis de temps en temps, en moi rien que ces images qui déferlent et tournent en boucle et m’arrachent des cris  

Ah leurs visages.

Ce ne sont pas des souvenirs. Ils sont l’air si réels, un peu plus pâles peut-être que ceux des vivants et légèrement fluorescents, en tout cas impossible de les oublier.

Ils n’avaient pas vingt ans ou tout juste à ce moment-là. Presque des enfants.

Maintenant il y a longtemps qu’ils sont morts, au fond ça veut juste dire qu’ils n’ont pas grandi.

Je les appelle mes petits anges. Ce sont les miens, rien qu’à moi.

Leurs corps jeunes élancés, leurs torses blancs pendant la toilette, la peau belle et douce, le dessin des muscles de la poitrine et des bras comme sur des tableaux. Ils sont remplis du feu et du mystère de la jeunesse, ils n’ont eu qu’une vie brève, comme ça qu’ils sont devenus mes enfants. Comme ça qu’ils sont devenus mes petits anges, mes petits morts.

Ils n’ont pas été rapatriés. Dans la mort de guerre on ne compte pas les blessures, la chair en charpie. On dit « la mort » en un seul mot, c’est tout, la fin, l’écrasement des chairs, l’explosion des organes. On ne peut pas rapatrier un corps ainsi démembré assassiné. On l’enterre là, dans le désert. C’est tout ce qu’on peut faire.

Leurs rires insouciants pendant les bivouacs.

La mort nous tombe dessus quand on est soldat.

Comme un cri définitif.

Mes petits anges ne me parlent pas directement, jamais. Ils parlent entre eux et ils rient. Ils ne savent pas ce qui les attend au tournant. Moi je ne leur parle jamais. Je suis seul, pas loin d’eux. Je les entends allumer des cigarettes, je n’entends pas leurs mots mais je connais le timbre de leur voix à chacun. Ils sont plein de vie, et puis d’un coup. Ils sont devenus mon délire, mon souffle, mon fardeau de regrets, mon amour, mon sang… Pour ça qu’ils ont pris une place dans mon âme, ils ne m’ont jamais quitté. Je suis devenu fou de leur mort subite et rageuse. Je la porte comme une violence à moi-même.

#07 | PIQÛRE DE SCORPION

le fait que la lettre de convocation ne ressemble pas à une lettre ordinaire, le fait que je me retrouve appelé du jour au lendemain et que je dois ranger mes affaires, le fait que mon père dise qu’il n’y avait que la guerre pour forger un homme, le fait que ma mère se mette à pleurer, le fait que je n’ai pas le temps de réfléchir, le fait que je n’avais jamais entendu parler du pays où l’on m’expédie, le fait que je respire l’odeur de la gare et que c’est peut-être la dernière fois, le fait que je n’ai rien dit à Solange, le fait que l’odeur étrange de l’uniforme qu’on m’a ordonné de porter s’insinue dans mon cœur, le fait que nous sommes quelques-uns du même âge assemblés sur ce quai pour la même destination, le fait que l’heure presse, le fait que mon paquetage ballotte contre mon dos et me scie l’épaule, le fait que chaque seconde pèse une année, le fait que le sifflet du chef de gare crie à déchirer les tympans, le fait que ma mère tamponne ses yeux, le fait qu’il faut partir maintenant, le fait que je me retrouve debout les doigts contre la vitre du wagon, le fait que je vois les silhouettes de ma mère et mon père côte à côte qui s’éloignent, le fait que le visage de Solange m’apparaît dans la vitre même si elle n’est pas là, le fait que nous nous sommes rien promis

le fait que je n’ai jamais voyagé de ma vie et que je ne connais guère que mon bourg et la ville d’à côté pour être allé plusieurs fois à la foire d’automne, le fait que je n’ai jamais vu la grande mer qui lèche tous les rivages de la terre et où on peut se noyer à coup sûr si on tombe du bateau, le fait que j’ai pas eu le temps de préparer mes affaires et que j’ai enfilé à la va-vite quelques photographies dans mon portefeuilles et aussi une image pieuse de la Vierge Marie et j’ai drôlement bien fait parce que souvent je regarde le visage de Solange le soir au bivouac avec les gars qui se marrent et se moquent et même dans la journée furtivement ou rien que l’idée de l’avoir là tout près dans ma poche, le fait que je ne veux surtout pas oublier à quoi elle ressemble et que les soirées seraient impossibles sans elle une fois que le soleil est tombé et qu’il fait froid dans le désert et qu’il faut déplier la couverture sur les épaules sans compter les scorpions qui recherchent la chaleur des tentes et peuvent nous faire mourir d’une seule piqûre mais que c’est sans doute mieux que le couteau du moudjahidine, le fait qu’il y a des attaques régulières du camp et des égorgements, le fait qu’on a peur et que nulle part on trouve l’apaisement, le fait qu’une vie précaire s’est installée et qu’elle a le goût de la fièvre

#08 | SUR LES CRÊTES

Je m’entends bien avec René-Jean et j’ai l’impression que c’est réciproque. Nous ne nous parlons pas beaucoup mais une vraie complicité s’est installée entre nous depuis le début du voyage — un long voyage jusqu’à l’autre bord de la Méditerranée. On s’est souvent retrouvés assis côte à côte, nos manches à se frotter, et on a souvent partagé le peu qu’on avait à manger. On vient du même pays de campagne, mine de rien ça rapproche. Et puis la même peine éprouvée à quitter nos familles comme ça sans annonce. Enfin c’est surtout après qu’on a appris à s’aimer avec René-Jean, quand on s’est trouvé balancés au sud du grand désert, confrontés au dépouillement, au silence et à la peur. Notre campement basé tout près de la frontière est souvent attaqué de nuit par surprise. Des empoignades sanglantes sont possibles. Aussi notre compagnie se déplace fréquemment. On dort contre nos armes. Je ne sais pas trop pourquoi on nous a donnés ce désert pour combattre mais je découvre ici quelque chose qui m’ébranle. Ma peur s’émiette et se dissout entre la couleur terre cuite des forts, les pluies d’étoiles et la violente clarté du jour saharien.

On ne peut pas raconter tout ce qui s’est passé avant et tout ce qui va se passer après, mais nous les deux, on est ensemble à la vie à la mort, c’est un fait. Et ça depuis le début de l’aventure. Moi je suis un gars plutôt impulsif. Lui est calme et innocent, c’est vraiment mon ami, il me touche et anime un frisson dans ma part secrète. C’est comme ça, nous constituons une espèce d’îlot de résistance au sein de notre compagnie, un duo au bivouac comme au combat. Des corps à corps nous guettent dans les contre-pentes des dunes, des traquenards, des affrontements inédits. Un terrible jeu. À la guerre comme à la guerre comme on dit. Mais on est toujours là pour s’épauler, pour veiller l’un sur l’autre. Le colonel nous choisit régulièrement comme guetteurs. Quand nous rampons coude à coude le long des crêtes, nous nous parlons par gestes. Nous sommes alors en pleine confiance et le décor d’une grande beauté semble nous protéger. Je voudrais qu’il s’en sorte pour retrouver Solange. Il m’a montré sa photo rien qu’une fois. Il avait hésité avant de le faire, il ne voulait pas révéler sa faiblesse. Sur le coup je n’ai rien dit, j’ai juste regardé et puis il a rangé le portrait dans sa poche . Jamais nous ne parlons d’elle mais elle existe désormais pour nous deux, et si la présence de l’ennemi menace et fragilise nos vies à chaque seconde, nous nourrissons les mêmes rêves de fruits sucrés et de palmeraies.
On nous annonce une prochaine offensive. Évanouie la routine, le temps ne s’écoule plus comme retenu dans un filet. Aujourd’hui j’ai songé à déserter pour la première fois.

je m'étonne du cheminement depuis "l'emprise du lieu" il y a quelques épisodes...
de la mine d'or et des échanges avec Mr Dumas, ont découlé la visite d'une maison du village et la rencontre avec un colonel tourmenté, d'où naissance de certains des hommes placés sous ses ordres en 1957
des récits s'enchaînent et font couler l'histoire et le sang...

#09 | L’AMER-SUCRÉ DU CAFÉ

LE QUART (l’indispensable),

Chacun le sien. Léger — autour de 135 grammes —, solide, pratique avec ses poignées repliables, multifonctions. Compose le set de marche avec la gourde M1951 en aluminium d’environ 1,3 litre. Sert à boire manger faire chauffer se raser. Peut contenir : eau (flotte), café soluble, ration de vin (picrate), eau-de-vie (gnôle). Aussi potage, plat de conserve, semoule. Toujours à portée de main, accroché au ceinturon ou au paquetage. Devient casserole de fortune au campement comme en opération. Se culotte autant qu’une pipe. Son degré d’oxydation (la gueule du quart) indique le temps de service du soldat.

LA TASSE À CAFÉ (la nostalgie),

Maman sort son beau service à café seulement le dimanche, quand on a du monde au repas du midi. Il est rangé dans le buffet de la salle à manger. Grande cafetière, tasses blanches avec soucoupes assorties, sucrier. Toutes les pièces sont ornées du même motif fleuri. L’anse est délicate et si fine que je peux à peine y passer mon index pour porter la tasse à ma bouche. Ce geste simple, la finesse de la porcelaine entre les lèvres, le goût du café moulu à la main puis passé dans le filtre à long cou. Et puis le fait de le sucrer, le fait de tourner la cuiller dans le liquide, le fait d’aller cueillir le sucre déposé au fond quand on a bu. Pendant ce temps on échange autour des dernières naissances et des décès, des récoltes à venir. Je racle jusqu’au dernier grain savoureux. Le bien que ça procure.

LA PAUSE (l’imminence du danger),

Avec René-Jean on partage le dur et le doux. Quelles que soient les circonstances, la pause est sacrée. Même en mission, on se met à l’abri dans un creux de dune, difficile de nous y repérer. Rien que quelques gorgées à la gourde, ça réconforte. Le soir au bivouac, quand on le droit de faire du feu, on s’accorde une tasse de café (café soluble), ou plutôt un quart. Ça n’est pas formidable mais c’est déjà ça, et tant qu’on a du sucre, ça passe et fait du bien. Surtout qu’on ne sait pas combien de temps va durer cette offensive sur ces frontières du désert. Tension extrême, chaque déplacement à haut risque. Aucune idée de la suite du programme. De la menace on ne parle presque jamais. On regarde le visage tourmenté du colonel qui ne desserre pas les dents, ne lâche aucune information. On aimerait que les nouvelles soient bonnes, mais rien. On prend les jours l’un après l’autre. L’amer-sucré du café aide à tenir, pareil à une gourmandise.

écrasée par l'audace et la puissance de Gertrud S. 
de toute façon inutile de chercher à l'imiter
je choisis de rester sur des choses simples et de continuer à explorer le même sillon...

#10 | MIRAGES

    je cherche à surprendre sur les visages de ces hommes qui s’inventent en moi depuis quelques semaines l’émotion vierge à la fin de la nuit ou au tout début du jour, l’émotion au moment de reprendre pied juste après le sommeil, l’émotion qui les étreint — l’un et l’autre chacun pour soi — tandis que les corps compagnons étirent tendons et muscles qui font mal, tandis que les cerveaux chassent les bribes de rêve et les souvenirs d’enfance pour envisager le décor au sortir de la tente — le même pour l’un et l’autre, le même que la veille et l’avant-veille —, immuable, à savoir celui d’un désert où se livre une guérilla féroce très loin de leur bourg d’origine, ils ne savent plus comment tout cela est arrivé, ils ont oublié et d’ailleurs ça n’a plus d’importance, ils composent avec ce qu’ils voient, et il y a de ces matins où le froid les attrape, le temps n’est qu’illusion sinon la faim la soif,

ici jamais eu la moindre ville, la moindre construction, rien que le ciel soudain découpé par l’horizon de sable

  je cherche à saisir ce point d’équilibre qui s’installe sitôt que le sol commence à brûler sous un soleil à peine sorti de terre, ardent déjà telle machine à broyer, machine à aveugler les soldats en planque ou encore endormis au creux de la dune, quand le sable commence à flotter onduler au-dessus de l’horizon, alors s’ébauchent des formes verticales qui ressemblent à des usines, des espèces de raffineries avec des hautes cheminées qui donnent l’illusion d’un rivage habité, c’est comme un paysage qui n’existe pas, c’est comme une île qui s’évanouit quand on s’approche, il y a des regards qui s’échangent dans l’attente des combats (qui ne ressemblent à aucun autre), des regards qui s’adressent au ciel étoiles nuages (presque jamais) incandescences évaporations mirages, la plupart du temps les yeux des soldats sont perdus dans le vague,  

ou alors rien qu’une forteresse en terre cuite, un vieux bastion, une citadelle délabrée par les vents qui ressemble à une termitière, encadrements de fenêtre taillés dans la pierre

   un peu plus haut dans la page je cherche et retrouve leurs prénoms, René-Jean et lui, presque deux frères, ils s’accompagnent le temps du récit et ils pensent à la vie qu’ils auront quand ils seront rentrés à la maison, au service à café de leur mère rangé dans le buffet ou aux bêtes dans l’étable, j’ai idée des regards et des gestes qu’ils ont l’un pour l’autre, des partages minuscules qui les rassurent, des lettres qu’ils griffonnent  — lui pour Solange —, le décor est si incroyable, immuable, les jours se ressemblent, de temps en temps une halte prodigieuse dans une palmeraie, eau arbres dattes chants d’oiseaux miracles, le temps de renouer avec la toilette, la nourriture, les pieds dans la source, le repos au frais des palmes, la lune, le sucré des fruits, la folie,

le sable est devenu la peau de la terre, il frotte la peau des soldats, la ponce, l’irrite à effacer leurs bouches et leurs sourcils, il n’existe pas d’endroit pour y voir clair  

  une fois encore je cherche à surprendre les rares nuages qui s’égarent au-dessus du campement (presque jamais) capables de réduire la lumière puissante à rendre aveugle les hommes, à moins que les corps encore endormis dans la dune ne le soient déjà pour toujours, piqués par un scorpion blanc ou surpris par l’arrière au couteau, enfin ce cirrus à mi-hauteur de ciel, je me demande comment il est arrivé là comme suspendu par le peintre en cet endroit précis du tableau, une ponctuation qui n’aurait pas de sens, le regard n’a aucune limite en ce lieu du monde sans arbres ni constructions, il se heurte à l’espace immense du bleu contre la dune blanche ondulant à l’infini, il ne sait où se poser, impossible de s’orienter, de retrouver son chemin,

une impression fugitive, un élan de la main qui veut redessiner les traits des morts déjà recouverts d’un fin duvet de sable, le faire pour leurs mères qui ne savent rien, ou alors refuser de les regarder parce que c’est insupportable

est-ce le crayon à dessiner qui saisit ou plutôt qui note les mots capables en peu de dire le vrai

#11 | le gouffre de la pensée

réelle difficulté à répondre à cette proposition
juste à l'instinct (avec le temps possible aujourd'hui...) et je reste infiniment curieuse des textes des autres

L’horizon livre

J’ai connu l’objet carnet qui interroge le « quoi écrire » pourvu qu’il soit beau, composé d’un papier à texture et d’une couverture à reliefs végétaux. Il semble induire les mots à inscrire en ouverture, prendre en compte les mouvements de ciel et sait pousser des fleurs à plat entre les pages bientôt empreintes de pigments colorés. Mais le carnet est trop beau, tellement beau que je n’ose y écrire. À peine quelques lignes. Et le carnet vieillit dans un tiroir ou sur une étagère de bibliothèque.

Hésiter sur chaque titre, sur la façon d’écrire, les thèmes à aborder.
La liasse de papiers flottants de Shônagon présente l’avantage de pouvoir tout reclasser à loisir, de bousculer l’ordre, d’y insérer des ajouts.

En 2025 je dispose d’un écran où la matière se nourrit en quelques frappes sur le clavier ou se déplace en trois clics. Mais le sens peut rapidement se diluer. Le sens se tient dans le cerveau, l’horizon-livre dans les veines dont le flux raconte. Le fil se fait avec les doigts, avec les yeux qui reconnaissent l’ondulation des mots. Quelque chose de grisant. Tout peut s’effacer en une erreur ou caprice de la machine.

1 | amplification

Oui.
Oui, un mot bref
Oui, un mot qui échappe et pousse au bord du vide
Oui, viens près de moi dans le silence de cette nuit sans étoiles au milieu des forêts avec les bêtes qui sont en chasse et les autres qui dorment
Oui, l’ennemi est là, je le sens, je le sais, il va falloir tenir jusqu’à l’aube, encore des heures à guetter le moindre froissement de sable, on se sent tellement seul, impossible de se raccrocher à quelque chose de réel, et c’est à cet instant que je mets la main sur le portrait dans ma poche
Oui, je me souviens du visage ravagé de Francisco et de ses gestes rugueux, de sa bouche déformée par un rictus de colère et de souffrance, et soudain ses gros doigts rabattus dans une espèce de caresse maladroite sur le corps de l’oiseau qui se laisse faire, il en a l’habitude, il répond d’un picotement sur la main et niche sa tête contre la paume alors que la nuit mord la peau de Francisco

L’histoire
Ce qui se dessine
Ce qui s’entrelace et fabrique l’histoire
Ce qui se dessine en soi et s’explore avec les yeux ou l’appareil-photo, les nuées blanches ou déchirées par les vents, voilà bien l’histoire, tout est mouvant, seulement de passage 
L’histoire installe une distance avec le réel, elle est le lien entre les fragments d’écriture, invente mes personnages de paysans ou de mineurs en quête d’or ou de soldats balancés dans une guerre à l’autre bout du monde sans savoir ce qui se joue là avec un équipement rudimentaire, et il faut qu’ils se débrouillent avec ça

L’emprise
L’emprise du lieu
Ce lieu devenu mien et terrain d’écriture
Ce lieu dépourvu de frontières précises entre le bois et la terre, entre la forêt et le bourg, entre le vent qui brosse et la neige qui recouvre
Ce lieu que M. Dumas habite et aussi le colonel Armand juste dans la maison en face de l’église et de la bascule qui jadis pesaient les sacs de grain et les bestiaux avant qu’ils ne partent à l’abattoir
Ces lieux sous la terre, galeries creusées dans la diorite pour exploiter un métal rare avec équipes de forage et machines à explorer les filons, extraction, sublimation, du travail pour la population locale, le bourg et sa mine d’or, nombreuses familles, un hôtel avec dix chambres, deux cafés, une école avec soixante-dix enfants, M. Dumas a noté toutes ces choses dans un carnet, mais rien n’est aussi paisible qu’on ne le croit

Et l’emprise du désert…

2 | inducteurs d’imaginaire

Les maisons du village et ceux qui les ont habitées
La ferme de M. Dumas et la maison du colonel
Premier contact avec le désert
Premier contact du colonel Armand avec ses hommes
La troupe, l’unité, le bataillon
L’origine des soldats
Noms et prénoms des soldats
L’immobilité requise face au scorpion
L’intense froid de la nuit
Le souvenir des visages
Tout ce qui est laissé en arrière
Le gouffre de la pensée
Rêves de torture et de gorges tranchées
L’idée de désertion
La sensibilité au moindre bruit ou au moindre instant de silence profond
Le mouvement des mains dans l’ennui
Le souffle de la poitrine dans l’attente
Le bruit du vin dans le quart et du sang dans le coffre du corps
L’espace infini des dunes
Pistes et traces d’animaux dans le sable
Le venin du scorpion blanc
L’absence ou la présence du végétal
Les oiseaux de la palmeraie

#12 | récit des deux continents

Centre de la France, 2025

Peut-être que M. Dumas rencontre le colonel lors de la fête du village qui se déroule en ce dimanche d’août, le colonel très âgé accompagné par sa femme jusqu’au chapiteau près de l’étang pour s’installer à l’ombre, et lui, M. Dumas en chemise fleurie et mèche peignée sur le front, encore solide sur ses jambes, donc venu à pied depuis sa maison proche. Il fait chaud en dépit de nuages qui traversent le ciel. L’herbe du pré est brûlée par le début de saison caniculaire. À un moment donné les deux hommes se retrouvent côte à côte sous le chapiteau. Peut-être qu’ils se connaissent et qu’ils parlent à propos du village, des habitations les plus anciennes, de la réfection prévue du grand tableau de l’église ou des éléments architecturaux notables comme la tour de l’ancien château. Peut-être que le colonel énonce la date de son installation dans la maison aux volets en bois en face de l’église et de la bascule à peser le grain et qu’il évoque son lien avec le pays, un aïeul originaire du bourg, peut-être même la maison en héritage familial.

Je les observe de loin, ne les entends pas, ne vois pas leurs visages. Le colonel semble tassé sur lui-même, mains appuyées sur le pommeau de sa canne. Sa femme s’approche de lui, redresse d’un geste bref le col de sa chemise qui s’est tordue puis s’écarte.

Par instants le colonel se demande qui est M. Dumas. Sa mémoire se brouille à cause de la chaleur, il ne parvient plus à le situer. M. Dumas est bien plus jeune que lui, il a toujours vécu ici dans la ferme de ses grands-parents sur la route de Bénévent. Il connaît tous les noms des villages de la commune, tous les noms de famille du pays. Il a dessiné à la main une sorte de carte avec les habitations et les nom et métier de ceux qui y ont résidé. Il me l’a montrée l’hiver dernier, et aussi un cahier d’école avec des notes, des rédactions d’enfance. Peut-être que M. Dumas rappelle que, du temps de l’exploitation des filons aurifères, il y avait du monde qui logeait dans le coin. Il sait le nombre exact d’habitants et le nombre d’enfants qui fréquentaient l’école de la commune dans les années 1970, souligne l’existence de deux cafés et d’un hôtel.

Le colonel se perd dans les dates. Il se renfrogne. Peut-être que sa vie à lui s’est arrêtée en 1957 alors qu’il dirigeait une unité aux frontières sud du désert algérien. Et peut-être qu’à ce stade de l’après-midi, M. Dumas se décourage de parler au colonel Armand qui semble de plus en plus confus, le visage rougi comme tuméfié. Je vois qu’il se redresse, tourne la tête pour voir avec qui d’autre il pourrait bien discuter. Alors le colonel lui attrape la main en cet instant précis pour retenir son attention et dans un sublime effort, comme s’il était éreinté par l’urgence de serrer cette main jusqu’à faire mal, il murmure : « Vous savez, c’est dur, ils sont tous restés là-bas… ô mes hommes, mes petits anges… de ma faute, de ma faute… non, jamais je n’aurais dû les envoyer au désastre… ».

Sud Sahara,1957

Au fond d’une armoire dans la maison du colonel, une boîte en carton où sont rangées des photos noir et blanc.

Les images n’ont pas d’âge. Leur force d’expression est sidérante. Dépouillement et solitude. Des hommes en pleine opération, des millions de kilomètres carrés de désert de sable et de plateaux pierreux autour d’eux. Certains debout, d’autres à terre, allongé ou abattus – beaucoup ne s’en sortiront pas. On voit le sang noir, les corps abattus convulsés lovés. Ils sont jeunes. On voit aussi les pas dans le sable. Le sable est pareil à un linceul. Blancheur, douceur. Les embuscades la nuit. Les corps-à-corps. Les assauts par petits groupes pour réduire les îlots de résistance, récupérer des renseignements et des armes.

Celle-ci où des hommes marchent en file indienne entre les arbustes desséchés d’un défilé rocheux.

Celle-ci où des hommes se terrent à la contre-pente des dunes, un guetteur en crête, tous sur le qui-vive.

Celle-ci où, fusil mitrailleur à la main, un soldat contemple son ombre. Le sable enlise ou enraye les fusils mitrailleurs. Le soleil cogne.

Celle-ci où trois camarades entourent l’un des leurs blessé, leurs gestes, leurs yeux froncés, leurs corps en protection.

Celle-ci toute proche du visage déchiré, cou et bras ensanglantés, regard perdu dans le vide – au dos en petites lettres cursives, le prénom René-Jean.

Au fond du désert on n’évacue pas les hommes. Les combats sont âpres dans un terrain peu favorable. Les coups de feu se répercutent dans les cuvettes de sable. Impossible de les localiser. Tout se ressemble dans ce paysage où l’ennemi à l’avantage. Avancer, combattre, mourir. Les hommes n’ont plus de nom. Il n’y a plus de camps distincts. Ainsi le noir et blanc raconte. Ainsi le photographe rattaché au bataillon parle de la jeunesse infinie des corps, de l’absurdité et de la peur.
Faut-il encore des mots ?
Le colonel ne trouve jamais le sommeil.

#13 | bou che ou ver te

il bou che ou ver te
il mem bres ca chés sous le drap
la la vie le bout
…………….une vie sa vie fi nie
vie sans vie la vie UNE VIE finie


il y a le mort sur la ci viè re ou le lit

il bou che ou ver te au visage froid


langue morte toute morte retirée au fond
peau durcie bientôt molle
quand on nous dit d’approcher pour le toucher avec les lèvres
sang durci sur les joues et le corps
on regarde on a peur
on le regarde
lui sur le lit sous le linge ou sur la civière  
on est muet
pour la première fois de sa toute jeune vie

vie la vie sa vie UNE VIE sa vie
quand mêêêêê me
ce quel que cho se dont on n’a pas i dée
ce cri ce râââ le dans la nuit
sa vie retirée
bou che ou ver te

……………il ex é cuté dans le désert

Il y a le mort sur le lit au visage froid qu’on nous dit d’approcher pour le toucher avec les lèvres, éprouver pour la première fois de sa toute jeune vie ce quelque chose dont on n’a pas idée

à suivre le chœur qui pleure le mort qu’on porte dans la palmeraie, il est en habit de combat, mâchoire démantelée, un linge couvre une partie de son visage

voix 1
jeune jeune trop jeune

voix 2 murmure

voix 3
en fait ce n’est pas une voix, rien qu’un concert d’oiseaux, bubuls des jardins et sarcelles d’été, cris mêlés à des bafouillements d’eau et à des aboiements de chien

#14 | survivances

composition françoise renaud, 14/08/2025

(en attente… faute de mieux…)

#15 – aveuglés

1. dans quelle contrée ça se passe ? dans quel sillon ça creuse ? depuis quel point en arrière dans le temps ? et quelle part de moi écrit cette histoire ?

[…]

12. Les événements se sont déroulés loin dans le passé, bien réels ceux-là, transcrits dans les livres et analysés par les spécialistes en conflits de tous ordres. Aucun rescapé. Compagnie anéantie, passée à la casserole. Aucun détail communiqué aux familles, rien qu’un avis de décès

13. insurrection, guerre d’indépendance, révolution, guérilla, répression, injustice coloniale

[…]

29. C’est un lieu qui n’a pas de frontière, désert de dunes et de pierrailles, horizons ondulants et brûlants au point de déclencher des mirages qui font basculer le corps et le corps n’a pas de solution sinon d’avancer vers le mirage jusqu’à mourir de soif

30. produire une phrase courte et dénudée

31. J’ai dû agacer René-Jean à force de lui répéter les mêmes choses, à force de lui dire ma peur de ne jamais revoir Solange

32. René-Jean, mon ami

33. Androctonus hoggarensis. Plus jaune paille que blanc. On dirait qu’il est transparent. On entend le bruit que ça fait sous le pied ou le caillou qui l’écrase. Scorpion à queue large de la famille des Buthidea

34. René-Jean, mon seul ami

35. Prononcer son nom simplement, ça m’aide. Lui adresser un mot anodin, lancer un geste vers lui. Il est là. Encore là. Prononcer en silence celui de Solange, les deux syllabes emplissant ma bouche jusqu’au chuintement final an…gggg…e

36. écrire un livre sur un thème de société, de ce genre abordé à chaque journal télévisé. Nouvelles du front, recul ou avancée des troupes, problèmes avec les données satellites, cruauté de l’ennemi, quête d’un cessez-le-feu. Les Grands sont réunis pour discuter. Sur la ligne rouge, les hommes sont épuisés

[…]

152. Ce désert plus vaste que l’Australie, espace solaire étincelant

153. Le sable colle aux mains, aux joues, à la sueur du front, le sable entre dans les chaussettes, le sable râpe torture la peau

154. « Tu devrais arrêter de faire le sentimental ! »

155. mais comment se faire une idée de la situation mentale d’un homme qui n’a pas commis de faute, à qui on a mis un pistolet mitrailleur dans les mains ? comment écrire la perdition, la folie, la culpabilité ? Les mots doivent couper trancher percuter dans le blanc de l’écran comme la serpe fauche l’herbe d’un seul geste, dessiner l’inconcevable et l’incompréhensible alors qu’ils aimeraient dessiner des formes animales avec du charbon et du sang ainsi que les hommes du Solutréen supérieur le faisaient sur la paroi des grottes  

156. La photo de Solange a fini par s’abimer à force d’être manipulée. D’abord les coins et puis toute la surface comme froissée, décolorée, et même des petites pliures qui m’empêchent de voir clairement le visage. Encore les yeux d’un noir bien brillant. Elle me regarde.

157. Aujourd’hui, rien

158. Les mots sont dans ma gorge. La violence ne cesse de croître. Je ne reverrai jamais ma fiancée, ni ma mère, ni ma ferme

159. le venin du scorpion saharien peut tuer un homme épuisé et là, quelque chose de terrifiant

160. Là quelque chose de terrifiant

161. Sol… an…gggg…e

[…]

à ce stade de la partie,à ce stade où le jour devient nuit, on peut écouter en lisant...

283. villageois chassés, camps de regroupements, surveillances de l’armée, exils et migrations

284. La peur est revenue en force. Avec René-Jean, nous ne nous quittons plus. À peine nous nous éloignons de quelques mètres l’un de l’autre. Nous redevenons petits garçons dans la tendresse des yeux. Nous accomplissons pourtant des tâches difficiles qui réclament beaucoup de concentration. Guetter des nuits entières le moindre bruit, le ciel constellé, le froid contrastant avec la brûlure du jour. L’aveuglement me guette

285. Aujourd’hui les deux hommes qui faisaient le guet en contrepente des dunes sont morts. On les a retrouvés aux abords du camp, gorge tranchée, sang devenu noir

286. René-Jean, mon ami, la vie continue ici d’une drôle de façon, jusqu’à quand ? Tu te souviens des repas du dimanche quand on recevait les cousins et que maman sortait le beau service à café en porcelaine blanche avec des fleurs en motif. Tout le monde avait bien mangé, on allait faire la sieste dans le foin, après on visitait les jardins et on allait jusqu’au bois pour voir le printemps ou l’automne

287. J’ai trouvé un morceau de papier dans lequel j’ai enveloppé la photographie pour qu’elle ne se détériore pas davantage. Il m’est insupportable d’imaginer qu’elle va finir par disparaître et qu’il me faudra vivre avec l’ombre de ce beau visage

288. le scorpion danse avant de piquer

289. L’attente

290. produire une phrase courte et dénudée

[…]

631. La chaleur s’est installée dans mes poumons. Elle est là, en moi, à demeure. René-Jean me dit que c’est la même chose pour lui. Le tabac irrite la gorge et nous fait tousser

632. la vision périphérique des soldats doit être modifiée par la fatigue, par l’horizon ondulant du désert, par la sécheresse de l’air. Rechercher des études ophtalmologiques sur l’influence du climat désertique sur les membranes de l’œil

634. bilan humain 500 000 morts, des centaines de milliers de blessés

635. Mon pied droit est gonflé. J’ai dû me faire piquer par un insecte ou mordre par un animal. J’ai désormais du mal à marcher à cause de l’infection. La vision de l’avenir se trouble. Je me sens souvent perdu dans l’espace et le temps. Je ne suis plus le même

636. Je n’ai plus rien pour écrire. Mon carnet n’a plus de pages. Ici pas de saisons. Je dessine de larges courbes dans le sable

[…]

833. René-Jean mon ami, mon seul et unique ami, entends-tu les chants d’oiseau dans la palmeraie au-dessus de nos têtes ? Deux bulbuls de jardin (un couple sans doute) font leur toilette, têtes sombres ébouriffées et gorges au duvet soyeux. Leur plumage offre des couleurs du brun chaud au brun olive, jaune vif sous la queue. Leur chant est gai, envoûtant aux notes liquides un peu roulées. Tu les entends ? comme un crépitement dans le verger

834. Sur l’image il n’y a plus de visage

835. déracinés

836. pro duir e une phra se dé nu dée

837. ô cycle de survivances

[…]

998. tout cela, je le rassemble depuis le début de l’été ainsi qu’une palette d’impressions et de couleurs, le blanc des dunes, l’éventration bleue du ciel, les mirages, la paix de l’oasis, le sang séché dans les creux de la peau

999. René-Jean, mon ami

1000. cuits aveuglés déracinés… les corps abandonnés au sable sang soleil… bou che ou ver te

bande son : Chant du bulbul des jardins

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne, Languedoc, et Limousin. Certains mots l'attirent : peau, pays, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit au flanc ouest du Massif Central. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com. Sa chaîne YouTube : TerrainFragile.

211 commentaires à propos de “#RECTO VERSO #02 à #15 | survivances”

  1. Merci à toi Françoise d’être de passage et m’enchanter avec tes mots. PS : je n’ai pas encore lu tes ouvrages pendant ma résidence, je les ai conservés pour cet été, et l’été, c’est maintenant ! Je reviendrai vers toi.
    Bonne journée.

    • plaisir toujours du partage, et là tu me surprends la première… j’adore
      merci Clarence, tu me fais du bien !

  2. Il y a « le sommeil m’a fuie et les rêves se retirent à l’arrière du front ». Il y a ce glissement subtil hors de la consigne, « à ce stade d’avancement de la nuit », « à ce stade d’avancement des choses » qui ajoute à l’ampleur du texte et amplifie l’effet de vague. Et cette conclusion magnifique : « La nuit mord ma peau ». Un grand bonheur de lecture. Merci à vous !

    • Merci beaucoup, Serge, de votre visite qui me surprend et me touche…
      m’en vais vous voir aussi..

  3. Tellement heureux de ton passage ici, Françoise ! C’est toujours un grand plaisir de te lire. Et c’est vrai que la proposition de François autour de ce texte de Maylis de Kerangal est irrésistible…

    • heureuse de te retrouver par ici aussi, tu sais… même si par ailleurs nous œuvrons de conserve !
      continuons à tirer le fil et à tisser…

  4. Merci Françoise de retrouver ton écriture même si de passage. Tu as mis en paroles plusieurs narrateurs, j’aime bien, ainsi qu’écrit des fragments en une phrase, j’aime aussi! Et des passages saillants: écraser la douleur dans le poing, la lune gîte dans son halo de bruine…et je me demande si le haïku était vraiment encore là le matin. Merci!

    • oh Valérie, tellement contente aussi de te retrouver
      ce n’était pas facile de penser cette suite de fragments avec des narrateurs différents… et oui, le haïku était encore là ! je te le livre (c’était donc celui d’hier…)

      dans la nuit fraîche
      je rêve de grand Nord
      mon pôle d’origine

  5. Très heureuse aussi de te retrouver chère Françoise et toujours un grand bonheur à te lire ! En espérant que tu feras plus d’une incursion dans l’atelier d’été

    • bien chère Muriel, un temps sans nouvelles
      et j’avais oublié que l’atelier d’été est, c’est vrai, un lieu de retrouvailles… et moi qui cette fois lâche un peu l’effort… je vais faire comme je peux, promis…
      (à se parler en parallèle bien sûr)

    • ah merci Émilie, merci à vous toutes, filles fidèles
      ça fait tellement plaisir d’être ainsi accueillie ! »

  6. (je me disais en commençant je vais juste passer un moment – un jour,- un recto, un verso, de temps à autre pourquoi pas ? – je vois que tu as la même idée- et puis on continue quand même…) (un peu) (ici aujourd’hui comme hier il pleut – alors le jardin hein…) bonne suite…

    • oui c’est exactement ça (pas assez de temps pour tout faire)
      mais ce qui me manque le plus, c’est le lien avec les autres (avec vous tous), alors je vois que de venir pour la rencontre, ça marche !
      merci Piero d’être dans les parages…
      merci de me faire signe
      oui pluie enfin, tellement de bien, la prairie est brûlée comme au mois d’août…

  7. comment ça de passage, oiseau de passage? Meuh non… tu vas craquer, tu as déjà craqué, et j’en suis bien aise… comme de cette sensorialité maternelle qui me touche tant

    • tu n’as pas tort, j’ai craqué de passage ! ah ah !
      (en fait je ne serai pas aussi régulière que d’habitude, c’est ce que je voulais dire, mais je ne peux pas résister, ça manque si on ne fait pas… alors qui sait ?) et tu me donnes de l’envie, du courage et tout ce qu’il faut pour continuer… creuser encore…
      merci Catherine de venir jusqu’à moi

  8. un grand merci Françoise de ta visite qui m’a fait tellement plaisir
    j’aime beaucoup l’évocation du bois qui tient tête aux vents et dont on fait les rails, et le corps d’enfant qui sait traverser les déserts
    Egalement ce que tu écris de si juste sur le ciné d’art et essai, c’est une jubilation parce qu’on retrouve immédiatement ses marques, l’ambiance et l’émotion… le film qui reste en mémoire et mine intérieurement, le choc indépassable

    • nos visites les uns chez les autres font partie intégrante de l’exercice, ces échos si divers qui nous parviennent de loin et nous apportent de la joie et du soutien
      merci à toi pour ton retour de lecture, pour partager l’amour du bois et des corps d’enfant qui marchent seuls
      à se lire encore…

  9. C’est à un stade déjà avancé de la nuit que je viens de lire tes stades de nuit, Françoise… Alors que je venais de faire une longue route à travers des coteaux venant d’être moissonnés, avec toute la fatigue allant avec, c’est comme si la table rase en moi avait été propice pour goûter toutes les dimensions de ce que tu as écrit : j’ai perçu des tremblés une fois posées tes images elles-mêmes très nettes, des vibrations aussi d’un corps omniprésent, omnivivant… merci !

    • très beau ton écho après la traversée des moissons… et c’est un bonheur de te lire ici
      être lu soutient incontestablement !
      à se suivre bien sûr…
      (merci à toi)

  10. Oh j’ai cliqué Francoise et je ne savais pas que c’était toi. Je n’ai vu qu’à la fin. Les il y a résonnent presque comme des aphorismes. Ce décliné chante. J’aime beaucoup

    • touchée par ton passage, Jen, et bien sûr qu’on « ne fait pas exprès » de détourner, c’est la langue qui s’en charge toute seule dans notre bouche !! merci à toi…

  11. « Il y a l’invitation au voyage » merci Françoise de nous le rappeler… à tout soudain

    • oh oui si important… et ce poème d’ailleurs qui a marqué mon adolescence (surtout dans son interprétation chantée sur une musique de Duparc)
      (contente de te retrouver, Raymonde)

  12. #3
    Dans ton écriture, il y a une plénitude très concrète qui embrasse la vie sans restriction… c’est très beau.
    J’ai été particulièrement marquée par les lèvres d’enfant sur le visage mort (mais pas que) et par « la grâce et l’amour qui envahissent sans prévenir »

    • en fait j’ai envie que l’écriture reste proche de la vie, voire la vie même, essayer d’approcher ce qui nous saisit, nous attriste, nous nourrit, nous enrichit et tout ce qui nous a construit
      l’enfance revient souvent, le paysage à mon entour aussi
      merci Muriel pour ta présence forte

    • peu importe le décor, il suffit qu’il soit implanté en soi
      et pour le bonheur de se lire, la réciproque est vraie !
      merci Philippe

  13. #04 « Mais de quoi ça parle et où ça touche ? quel est mon territoire d’envie, mon territoire d’emprise ? » Je commence par la #04 Françoise, avec ce questionnement en moi que tu poses si clair en ouverture de texte. Le territoire obsédant. Fragments-paysage qui m’invitent à aller te lire plus avant. Et puis ce tissage avec la proposition précédente. C’est juste, c’est beau. La lecture devient arpentage des paysages qui te portent et que tu portes en toi. Je vais lire les textes d’avant.

    • en fait cette proposition m’est apparue confusément, je ne savais pas comment la prendre, je ne suis pas passionnée d’histoire, aucun siècle ne me fait particulièrement vibrer. Ce qui m’importe, c’est le présent, alors finalement j’ai décidé de l’affirmer et ça vient consolider encore et toujours le travail de fond…
      touchée Emilie, de ton passage si attentionné… merci
      (et je m’en vais te lire après la perte de ton texte…)

  14. #4
    Bien beau texte sur l’emprise du présent.
    Quelqu’un a dit (je ne sais plus qui) : « Aller vers le pays d’où surgissent les mots ».
    Alors bonne route et merci Françoise

    • et aussi des mots d’où surgissent des histoires inattendues…
      merci Louise pour votre passage à la proposition #04 qui finalement s’est poursuivie dans le désert…

  15. #4 Chère Françoise, on rentre dans ton texte comme on plonge le visage dans l’encolure d’une rivière, tout y est souple et large comme une algue
    et ceci qui me transporte par sa musique : « ponts construits par nécessité auprès des fermes avec saules somptueux habillant les rives,
    allées à travers les jardins pour atteindre l’eau,
    mégalithes en bord de champ (ils portent des noms que je relève quand je vais à leur rencontre), »

    • bon ! je n’ai pas vraiment répondu à la consigne, ce qui n’est pas dans mes habitudes ! j’ai juste tenter de contourner cette question d’Histoire à force de présent…
      je suis dans l’arbre, la pierre éternelle, la prairie, l’animal à robe fauve, le jardin, l’herbe brûlée… tu le sais
      merci Françoise
      à vite d’autres lectures

  16. « Oui est un mot bref qui rapproche puis écarte les lèvres quand on le dit, un mot qui échappe et pousse au bord du vide, ensuite trop tard, il ne peut se renier » c’est si juste et beau

    • merci pour ton écho à cette séquence #3 du « il y a » et du « oui », forte, inattendue…
      prendre le oui par ce qu’il est vraiment…
      merci Nat

  17. merci Françoise, rafraîchissant pour aujourd’hui, demain il sera toujours temps…

  18. Tu as raison pourquoi aller chercher ailleurs. Et tu as raison pour ce glissement du 3 au 4. On est bien dans ton monde et ce présent qui s’impose (je pense ne pas être très éloignée de ça)

    • merci Perle pour ta résonance si proche
      la question serait : où se tourner, où questionner, où écrire ?où est le chemin qui creuse en nous ?

  19. oui pourquoi changer? Surtout pas, tu me fais tellement rêver avec ta musique, tes paysages et les traces qu’y ont creusé les hommes…

    • oui, autant continuer à creuser ces sillons-là… enfin je me demande ! merci Catherine pour ton soutien

  20. A propos du #03 : très touché de retrouver dans le lieu de l’enfance – « Il y a le lieu de l’enfance, la maison, l’escalier pour y entrer, le jardin… – les éléments – maison, escalier, jardin – qui composent le mien. Nous avons parfois des communs qui s’ignorent. Et très beaux, très poétiques sont : « Il y a la fissure dans le bleu«  et « le temps déchirant ». Un grand merci pour tout ça.

    • oui Serge, très important l’escalier en effet, frontière ascendante entre jardin et maison, là où se casse le cou à tout âge
      merci pour votre lecture et plus encore…

  21. « Le voilà mon monde. » L’emprise d’un territoire on la sent dans ton écriture. Je ressens une forme apaisée. Et je me demande de l’extérieur ce que procure/provoque « l’été en moisson. » Merci Françoise.

    • il y a des mots qui ne veulent plus rien dire dans le monde de la ville, comme moisson, fenaison, feuillaison ou semaison… ils ont pourtant toujours un sens et tout ça redonne un peu de paix au cœur, c’est vrai
      je poursuis dans le même sillon pour la #5…
      merci tellement chère Cécile, de susciter de nouveaux croisements de lecture ! à vite !

  22. Merci pour le haïku d’hier ou avant-hier!
    « l’Histoire est simplement devant les yeux,
    pas besoin de mémoire »: voilà qui fait proposition d’écriture (quasi le verso du recto de Marianne Alphant!), comme si d’emblée tu cherchais derrière les choses et devant nos yeux tout ce qui s’y trouve,parce qu’on oublie de voir. Un bel écrit de présence!
    « Il y a les petits d’animaux qui grandissent »: oui.
    Merci Françoise et merci de ton passage sur mon fond musical.

    • oui les moissons, les petits d’animaux déjà grandis en une saison qui gambadent, cette légèreté qui me conquiert quand je les regarde courir et se rapprocher de leurs mères
      et continuons alors sur les sillons qui s’ouvrent au présent en même temps que les tournesols remplissent les coteaux
      merci Valérie et à te retrouver…

  23. Merci, pour cet univers, une véritable délectation! Une joie du naturel, inutile de chercher loin , tu nous apprends à y regarder de plus près…

  24. #05
    Impossible d’imaginer à partir d’une simple façade un intérieur et ce qu’il raconte d’histoire, de joie ou de misère. Impossible de la même façon d’estimer la toxicité d’une source près de laquelle poussent de belles roselières et niche tout un peuple d’oiseaux.
    Je vous remercie pour vos textes si bien ecrits et plein de vie, pour votre ecriture qui dit l’avant et l’apres de la mine d’or avec realisme poesie et beaucoup de talent.
    Bonne soiree

    • merci Martine pour être passée de mon côté… et merci pour votre lecture
      si important de s’envoyer des échos et je m’en vais vous lire aussi…

  25. Merci Françoise, et content de retrouver la lecture de tes beaux textes, avec ta voix personnelle, ton paysage intérieure… formidable de te voir sur le terrain à mener l’enquête pour protéger le collectif (des pollutions de la cyanuration).

    • je t’avais cherché et ne t’avais pas trouvé dans l’index du cycle, j’avais dû mal lire… mais il n’est pas trop tard !
      et tellement merci à toi pour ta visite, merci pour le retour même si je creuse un seul et même sillon depuis un moment, mais ça porte ses fruits…
      à vite te lire

  26. #05
    Voilà une exploration dont a très envie de lire la suite, dans ce décor de nature à faces inquiétantes et cachées (tant les vies sous les écorces que le bassin disparu que les maisons et tout le reste). J’aime ce concret qui raconte à partir de presque rien et donne à voir sans rien donner pour l’instant. Subtil. Il y a aussi les personnages que l’on attend (Mr Dumas et le propriétaire) Merci!

    • à force de creuser du côté de « l’emprise » (comme l’appelle François !), on finit parfois par entrevoir quelque chose d’avancé qui semble tenir et pourrait – peut-être – préfigurer un livre
      Justement j’ai jeté en l’air récemment l’idée d’écrire autour de mon village, ça pourrait avoir un peu cette teneur, qui sait ? persévérer évidemment… mais ça m’obligerait à tenir le cap du réel et de respecter les personnages… à voir…
      merci pour ton retour précieux, Valérie

  27. « là où il est question de peur et de perte…. »
    oui oui c’est bien de cela dont il question, toujours et encore.
    A suivre cette exploration en terre d’or, précieuse.
    Merci!

  28. Magnifiques #4 et #5 dans ce lieu devenu ton terrain d’écriture (dès les premiers jours semble-t-il). Hâte de lire la suite de tes explorations et enquête. Merci Françoise

    • il faut continuer oui, ça prend son temps, sollicitations multiples et aussi en écriture, mais quelque chose est en train de se préciser de ce travail possible autour de ce village dont je n’avais jamais entendu parler avant d’y habiter…
      et de toute façon quel que soit le lieu, il interroge et suscite l’attention, anime de l’écriture
      merci Muriel de ton bel accompagnement

  29. Hello, j’aime la #4 qui montre, non, fait ressentir l’irrésistible de l’écrire encore, cette histoire, ces chocs qu’elle déclenche ou éponge, selon les époques. Je lirai #5 quand el mien sera fait ! Mais j’aime ce carrefour, et le geste plus nécessaire que la volonté au fond. A tt bientôt,
    Cat

  30. Sensation dans cette mine, de se retrouver chercheur d’or, comme dans une boucle où tout n’est qu’imprégnation… Merci Françoise:)

    • oui, un sujet qui touche profond comme le rocher dans la terre
      un sujet qui te touche toi aussi, je sais…
      merci pour ta visite, Nolwenn

  31. Plaisir de retrouver tes mots Françoise ! Je lis en premier ce dernier texte 6. Un texte d’une grande fluidité. Comme l’évocation de ces morts est amenée subtilement… J aime beaucoup la façon dont cet homme parle de ces anges et du poids de sa vie « Je suis devenu fou de leur mort subite et rageuse. »

    • merci pour ton passage sur cette #06 qui s’échappait d’un autre côté et je l’ai ramené dans le sillon du pays, une tentative de dresser ce personnage inspiré d’un homme vivant
      merci à toi, Isabelle

  32. Quel plaisir de te lire , rythme , mots et souffle et cet homme qu on entend vieillir et bientôt mourrir avec ses anges, c est très beau … bravo , j adore .

    • oui fin de parcours tourmenté dans l’obsession d’une mission non remplie et dans le souvenir d’une terrible guerre
      le sujet m’a été offert, je n’avais qu’à le saisir, qu’à l’écrire…
      merci beaucoup Carole pour ton accompagnement fidèle

  33. quelle belle idée d’avoir bifurqué, glissé entre fiction et réalité. Portrait très touchant, et ce vieil âge confronté aux « enfants » morts avant…magnifique, merci

  34. Chère Françoise, cela arrive tout à coup, au détour d’un simple mot, je revois cette phrase du colonel en plein désert, « moi je ne parlais jamais », c’est comme un choc, parce qu’ici, d’un trait de pierre qui se fend pour nous laisser passer, survient comme un secret de ton univers… et je m’y trouve entièrement saisie

    • la pierre est dure et elle peut fendre l’os
      merci pour ton si beau commentaire qui t’ouvre une fissure dans mon rocher métamorphique
      tant de plaisir à nos échanges, chère Françoise
      (je m’en vais lire tes Flûtistes…)

  35. Bonjour Françoise, très beau paragraphe que celui de « vent rageur » de la #4, et on apprend beaucoup dans la #5. Je n’ai pas encore lui la suite. A bientôt !

  36. Oh Françoise, quelle richesse !… Difficile de renvoyer l’écho de tout ce que j’ai perçu mais quelques bribes quand même… Des échos justement entre ton image et certains de tes textes : survivance d’abord et je vois bien les résistances du lichen sur le minéral pur ; la fissure me fait regarder la pierre à une autre échelle, devient massif montagneux et je la vois alors… Primitive, comme la pierre ? La petite Faye que je happe d’abord comme un patronyme bien connu au Sénégal (mais peut-être au Mali et au Niger aussi), je plonge dans ton texte et je découvre quelque chose qui me parle comme une faille, après les détours que doivent bien représenter les massifs de lichen pour les fourmis… Et puis le désert… Là, je remonte pour retrouver l’échelle du deuxième texte, celle du massif minéral mais je me trompe, ton texte me le révèle, le désert est plutôt intérieur… Dire que tu parles des petits voyages qui rythment le quotidien alors que… quels voyages entre ton image et tes mots !

    • La Petite Faye est un nom bien réel d’ici, à la frontière des pays d’Oc et d’Oil. D’ailleurs il y a aussi la Grande Faye, village de Piero, celui qui cultive du tournesol dans la grande parcelle devant la maison
      tu vois, les langues se croisent et se rejoignent de façon inattendue… à voir quelles influences
      oui, le végétal et le minéral aussi font partie de mon monde (j’ai été géologue dans ma première vie …)
      merci Philippe pour ta si belle lecture et à s’accompagner plus loin bien sûr…

  37. Lire tous tes textes à la suite est comme se promener dans un univers décalé où je me sens bien, entre pierres et lichens. Le dernier récit est poignant. Merci.

    • tes échos bienveillants rassurent et accompagnent
      contente de te proposer des espaces de « pays » où tu te retrouves d’une certaine façon… pierre oiseaux lichens personnages surgis du réel
      merci à toi et à te suivre bien sûr…

  38. Magnifique ton 6e texte… ce qui tourne dans la tête du personnage, les regrets, la violence, oui mais… Et ces petits anges, ta manière de leurs donner vie au-delà de la mort, c’est beau, tendresse pour eux.
    Merci.
    (Pas encore lu les autres textes… dès que possible).
    Bel suite d’atelier.

  39. Je me régale à lire tous ces textes comme d ‘habitude …#07# a ma préférence, » l ‘odeur étrange de l’uniforme qu’on m’a ordonné de porter s’insinue dans mon cœur, le fait que nous sommes quelques-uns du même âge assemblés sur ce quai pour la même destination, le fait que l’heure presse, le fait que mon paquetage ballotte contre mon dos et me scie l’épaule, »
    J ‘aime comment les choses pénètrent dans le corps et vient toucher l’ ‘âme de héros et celle du lecteur…

    • ben tu vois, j’ai hésité à écrire (trop peu de temps ces jours-ci) et je n’ai pas poursuivi d’autre piste que de continuer avec un des personnages de la #06 (l’un des petits anges partis à la mort), j’ai trouvé ça peut-être un peu « facile »… alors j’ai encore plus hésité à publier ce matin… enfin bref, tu me dis que j’ai bien fait…
      oh la la merci pour ton passage, Carole, car tu me confirmes qu’il ne faut pas se poser trop de questions et agir à l’instinct…
      à vite te lire, continuer le chemin

  40. (j’ai pas lu toutes les autres mais la 7 point 1 m’a fait penser immanquablement à quelque chose de Claude Simon que j’ai entendu dans le poste hier soir, il parlait de « la route des Flandres » (il disait « la guerre transforme tout ») – alors que pour la 7 point 2 je verrai plutôt quelque chose de la fin des années cinquante, sûrement – peut-être la « Chronique des années de braise » ou un autre dans le genre « Avoir vingt ans dans les Aurès » en tout cas plus du cinéma – et je ne vois pas exactement tout à fait à quoi se rapportent là, la littérature et ici le ciné – mais qu’il y ait Solange dans les deux fait quelque chose – la liaison emporte bien j’ai trouvé… (mais je croyais que tu ne faisais que passer – j’ai pas trop le temps de lire beaucoup…)

    • (oui je ne fais que passer… mais j’aime tellement participer, alors quand je peux, j’écoute, j’écris vite et je lis autant que possible les autres…)
      cette #7 s’est écrite dans la continuité de la #6, avec ce que j’ai dans ma besace, personnage bâti à la va-vite, et pour moi la guerre c’est la guerre en effet… juste puiser là-dedans
      merci Piero d’être passé

  41. Cette lettre très réelle qui sonne l’appel – la lettre de convocation ne ressemble pas à une lettre ordinaire… ce ressenti tellement vrai; très beau – le fait que l’odeur étrange de l’uniforme qu’on m’a ordonné de porter s’insinue dans mon cœur… très beau aussi – le fait qu’une vie précaire s’est installée et qu’elle a le goût de la fièvre. Merci Françoise pour cette piqûre de scorpion de la #7

  42. N’ayant pas lu tes textes précédents, j’ai d’abord cru à quelque chose de post-exotique dans le recto de la #8, qu’une femme parlait… (Bon, c’est une femme qui écrit, me diras-tu), mais finalement, deux gars et c’est si rare de lire sur la pudeur (la photo de Solange), et la physicalité de l’amitié des hommes, du côte à côte, coude à coude… la source que tu fais couler dans le désert.

    • oh grand plaisir de te retrouver là…
      chaque texte découle un peu du précédent (comme une contrainte supplémentaire que je me donne…), d’où peut être une difficulté à se repérer…
      oui, examiner cette situation à deux garçons que j’ai plus rarement mise en mots, peu de paroles mais du physique, du contact pour avoir moins peur de mourir…
      merci pour ton passage et pour ton retour, Emmanuelle

  43. Quelque chose se noue dans ce face à face à deux voix et nous attache; il ne requiert ni avant ni après pour exister très fort . Merci Françoise

  44. Chère Françoise, je suis passée lire ta #7 incroyablement concrète, physique, « l’odeur étrange de l’uniforme qu’on m’a ordonné de porter s’insinue dans mon cœur », « le fait que mon paquetage ballotte contre mon dos et me scie l’épaule » avec l’émotion latente, mais très tenue du départ et voilà un moment d’histoire qui jaillit sous nos yeux. Puis se retrouver de l’autre côté de la mer quand on n’est jamais sorti de son bourg, dans le camp où cette vie précaire « a le goût de la fièvre ».
    Bravo, c’est très réussi, j’ai envie de lire vite la suite, mais j’attends d’avoir écouté la proposition #8. à bientôt

    • je n’avais pas prévu tout ça, surtout que je ny connais rien à la guerre d’Algérie, que je suis nulle en Histoire et que je n’ai jamais visité ces contrées lointaines…
      et voilà pourtant qu’à partir de toutes petits choses , se nourrit l’atelier d’écriture, et surgit l’inattendu, la contrainte dans la contrainte qui me pousse à dérouler le même fil si possible, à rester dans un seul monde et à l’explorer
      cette fois cette histoire d’hommes à partir de l’emprise du lieu du début, ma foi je me laisse porter…
      contente que tu aies envie de lire la suite… alors j’attends pour la #8 que tu l’aies écrite et que j’aie pu la lire…
      salut amie Muriel

  45. Bien pris par la lecture de « Sur les crêtes », sa justesse, le contexte, l’amitié… Fort… Merci Françoise

    • je vois que le texte de Sarraute et cette proposition de fB ont fait surgir des textes plutôt vers l’enfance et plutôt des histoires de filles (enfin c’est une impression globale…)
      et puis je n’ai guère eu le choix en voulant rester dans mon contexte
      plaisir de te lire ici aussi, Michaël, mille mercis pour ta belle attention

  46. Je fais un saut dans ton monde et je tombe sur ce texte, sans savoir d’où il émerge et sans besoin de le savoir non plus. Bien embarqué dans cette histoire. Curieux aussi que tu écrives une histoire d’amitié entre deux hommes pour cette #08, j’ai moi-même décliné une histoire d’amitié entre deux jeunes femmes (pas très content de mon résultat, mais je devais essayer un truc). En tout cas, merci pour le moment de lecture.

  47. Quelque chose de fluide, de tendre, de profond entre ces deux soldats. Et cette tendresse cachée d’un portrait ( Solange quand même!) qu’ils portent à deux…Merci.

    • oh oui, ça alors je n’avais pas fait le lien du prénom avec toi !! oui, c’est une Solange au visage doux que je n’aperçois que de loin
      merci pour ta remarque qui m’ouvre un autre monde !!
      belle journée à toi et à te lire encore

  48. #07 – On dit que les piqûres de scorpion électrisent. Idem pour ce texte, d’un seul souffle, et quel souffle. Magnifique.Ça fait du bien, Françoise, de vous lire. Une bouffée d’air pur dans l’air vicié que nous respirons. Grand merci.

    • merci à vous, Serge, d’être repassé par ici pour cette #07… merci oui… même si vous ne saviez pas que vous y respireriez l’air des crêtes sahariennes sous un ciel bleu acier !
      j’attends votre #08…

  49. #08 La naissance de l’amitié, en situation où l’amitié et la tendresse doivent être reléguées, avec finalement cette photo sans paroles cristallisant toute la force du lien: c’est très délicat dans le monde brutal que l’on sent autour (dans le texte…) et très subtilement saisi par l’écriture. Lu aussi le 07, le texte continue donc à se dérouler, avec ta perception fine
    Merci Françoise

    • les propositions entraînent le récit vers quelque chose qui ne serait pas arrivé sans elles
      Mr Dumas m’a conduit vers le colonel Armand, puis vers ces deux garçons qui vont devenir ses petits anges… juste écrire pour la rigueur et la naissance de tableaux inattendus
      merci Valérie pour ta belle lecture et ta fidélité précieuse (merci)

  50. La mine d’or du début, la mine d’or des récits du désert, on y est à chaque fois, quelle que soit la distance. Et ces folies, ces têtes dévastées de ceux qui sont revenus, comme chez ton colonel, pensé à « L’appelé » de Guillaume Viry lu il n’y a pas longtemps.
    Vivement les autres propositions pour la suite de tes histoires !

    • trop bien ton passage par ici ! merci Juliette
      oui, je vais essayer de poursuivre mais franchement c’est un terrain inconnu pour moi, survenu par surprise…
      tu as raison, il s’agit de ces folies des hommes qui nous conduisent au pire… alors ce matin je me suis accrochée pour écrire quelque chose de la #09 mais quand j’ai écouté, je ne pensais pas le faire…
      à te retrouver un peu plus loin…

  51. ça y est, la piqûre de scorpion et le désert m’ont mis sur la piste de l’histoire… que tu racontes sur un fil ou que tu dessines comme au pochoir ? En tout cas, j’ai appréhendé haletant le surgissement du scorpion tout en ayant le coeur serré de deviner peu à peu que ce départ est un départ à la guerre… Finalement, sur les crêtes je me suis apaisé un peu…

    • ah chouette, tu commences à mettre les scènes bout à bout et à voir une histoire transparaître, le fragmentaire ne révélant pas tout du récit
      tu sais, je vais au hasard, images réveillées par les propositions, un peu comme ça vient, chaque texte découlant des précédents… va savoir où ça va et en plus, je ne connais rien à cette guerre
      comme tu dis, ça se raconte comme au pochoir…
      la piqure de scorpion arrivera peut-être, mais je préférerais l’apaisement… peu de chance à la guerre, surtout sur cette ligne de désert…

  52. Beaux moments de partage autour du café, du sucre. Précision des gestes dans des temps arrêtés. Merci Françoise

    • oh merci chère Louise, de venir jusque dans mon désert…
      l’aspect précision est essentiel pour apporter identité à chaque volet,pour que ça tienne la route, et je viens d’ailleurs d’y apporter encore quelques retouches…
      jamais fini l’écriture, pourtant il faut écrire vite cette saison et lâcher !
      merci encore… à vous lire…

  53. C’est en tout cas efficace d’aller au hasard et de raconter une histoire de guerre à laquelle on ne connait rien!
    Pour la forme: dans la #09, j’ai retrouvé à la 3è triade avec très grand plaisir le procédé de la parenthèse apportant l’autre champ du vocabulaire. On aurait de la joie si ce procédé se poursuivait.
    Et la résonance avec l’anamnèse de Barthes ( au goûter, du lait froid, sucré. Il y avait au fond du vieux bol blanc un défaut de faïence; on ne savait si la cuiller, en tournant, touchait ce défaut ou une plaque du sucre mal fondu ou mal lavé.). Résonance avec un temps d’avant, comme tu l’écris si bien.
    Merci Françoise!

    • chouette ton idée de poursuivre le procédé de la parenthèse (autre champ, autres mots, autre monde)
      et belle l’image du défaut dans la porcelaine qui fait qu’on heurte avec la cuiller, vraiment j’aime beaucoup l’image et je vais la garder en tête
      merci à toi, Valérie, pour ce si bel écho après lecture

  54. le monde en ses paradoxes résumé avec une simple gourde (elle fait pas la lessive? ) et une cafetière de porcelaine, c’est costaud aussi au final et mieux lisible que Gertrude ( qui me fait tout autant frémir quand je la vois arriver…) 😉

    • ah ah Gertrud… oui tout pareil pour moi, je frémis !!
      et la #10 ne s’annonce guère plus limpide mais qu’est ce que les textes de Suzanne D. sont beaux…

  55. Très beau point de départ et de rassemblement que le café et ses déclinaisons, étonnant comment la lecture de tes textes peut faire écho à nos propres souvenirs, transmissions et imaginaires; merci Françoise

    • peut être une façon de définir le but du geste d’écrire ? aller faire écho chez l’autre, aller percuter ses mémoires…
      merci Nolwenn et que ce cycle d’été est passionnant !

  56. …l’eau, le café le gout l’odeur, le sucre, les contenants, le contenu, la manière de faire, les sentiments, les liens….il y a tellement de vivant  » là dedans » que la mort qui rôde se fait oublier..une pause. Merci !!

    • les petites joies et les drames coexistent presque dans le même instant
      et quand la mort rôde plus que jamais, j’imagine que chaque instant est saisi d’une intensité jamais vécue…
      merci Eve pour ça
      donc oui, une pause avec odeur et goût et amitié…

  57. J’aime comment les deux premiers textes Le Quart et La Tasse à café, préparent La Pause, avec tout cet instinct de survie dans « L’amer-sucré du café aide à tenir ». Merci Françoise!

    • que diable, il faut tenir ! et survivre à la pression, à l’avenir, à l’inquiétude, à la brûlure, à l’envie de déserter, de s’absenter, survivre aussi au feu du combat…
      à suivre, Michaël…
      et merci pour tes superbes commentaires

  58. «  Son degré d’oxydation (la gueule du quart) indique le temps de service du soldat. » j’aime ces traces en marc de café avec bivouac et objet à multiples fonctions et mère avec tasses délicates (des à présent regarder de plus près la gueule d’un quart ). Merci Françoise

    • transparaît là ton affection pour les objets qui entourent
      (quelque chose qu’on voit dans tes photographies… il me semble)
      merci Nathalie

  59. Ah, le café… magnifique de découvrir son importance au quotidien d’une guerre ! et surtout après un premier bout de texte qui donne à apprendre sur le café, en fait un objet d’érudition ! Après aussi le tremplin du « café moulu à la main » qui m’a fait revenir au temps des vacances d’été de l’enfance où l’on se disputait pour tenir entre ses cuisses le moulin à café en bois et tourner la manivelle jusqu’au moment où elle s’emballait, tout les grains étant moulus…

    • ah Philippe, ton passage si réjouissant…
      ça me donne envie de continuer sur la lancé
      (la #10 qui s’annonce va pas être simple…)
      allez, des bises entre deux embarquements

  60. #10
    L’attente, la lumière qui aveugle, le sable à l’infini et soudain une végétation dense, bienvenue et de nouveau l’attente. Des mères cette fois. La boucle est bouclée. Merci

    • j’ai essayé de le laisser conduire par la lumière de ce désert avec en ligne de mire mes deux personnages soldats en attente d’une prochaine offensive
      je ne crois pas avoir vraiment répondu à la consigne, je me suis laissée inspirée et dieu que les textes de Suzanne Doppelt sont beaux !
      merci Louise, merci car je vois que vous me suivez…
      à lire votre #10…

  61. un peu plus haut dans la page je cherche et retrouve leurs prénoms, René-Jean et lui, presque deux frères, ils s’accompagnent le temps du récit et ils pensent à la vie qu’ils auront quand ils seront rentrés à la maison, au service à café de leur mère rangé dans le buffet
    J’aime entendre ce que je crois être la voix du narrateur, ce mouvement réflexif sur le texte, les personnages. N’ai pas lu l’ensemble de tes textes, mais vais m’y mettre.

    • ah ton passage qui m’a reconduite vers toi, et ta #10 que je viens de lire et commenter…
      je vais aussi reprendre tes textes d’un élan car je n’ai pas tout lu et ce dernier m’en insuffle l’envie…
      bien à toi, Betty, et continuons à tisser le fil

    • sans doute que quelque chose me pousse à les faire vivre, je ne peux pas faire sans eux à présent… ils sont là, comme reliés l’un à l’autre
      alors comme tu le dis, je continue à creuser… comme au jardin… quoi qu’en ce moment, je nettoie et coupe le sec plutôt que de fouiller la terre décidément trop dure
      merci Solange pour ton écho

  62. « Mirages ». Superbe idée. « Les mots disent le vrai » mais ce ne sont que des mots. C’est vrai parce que tu l’as écrit. C’est comme ça que je lis ton récit !

    • tu me diras que mirage et désert, ça va tellement ensemble que ça n’est pas forcément original mais le lien avec l’œil et la vision m’y a poussée
      ensuite tout s’efface pour devenir rêve dans le sommeil
      les mots eux s’efforcent à la rigueur et à la clarté, un peu de vrai là-dedans
      merci à toi Sylvia pour tes passages généreux…

  63. … se laisser conduire par la lumière du désert amène à nous faire nous rapprocher au près de ces hommes « personnages » tout en pouvant se joindre par petites touches très subtiles au recul de la narratrice… et ce texte semble aussi tellement actuel … nous sommes loin et protégés des fronts de guerre mais tes mots nous viennent en écho à ce qu’il se passe aujourd’hui…merci !!

    • merci Eve de souligner le parallèle avec des situations d’aujourd’hui… je n’y ai pas pensé directement mais les sentiments sont les mêmes, la précarité, la peur, la faim, le déracinement, la perte chaque jour, le point d’équilibre entre vie et angoisse, parfois le vide..

  64. #10 « les mots capables en peu de dire le vrai » Oui tu le fais, entre poursuite du récit et visions du narrateur qui écrit, et cette amitié délicate des deux personnages me renvoie à ce que je relis: Mercier et Camier, amitié profonde et qui se dit sans se dire avec pour fond non pas la guerre en partage mais la vieillesse. Merci Françoise

    • une merveille que tu évoques ce texte de Beckett que je ne connais que par bribes, il s’agit d’un voyage aussi n’est ce pas ? et ça commence comme ça :
      « Le voyage de Mercier et Camier, je peux le raconter si je veux, car j’étais avec eux tout le temps. »
      et là, je m’y retrouve tellement que j’en suis sidérée…
      je vais essayer de me procurer ce livre car je ne l’ai pas sous la main…
      oh la la… merci Valérie pour ce lien précieux…

  65. Quel chemin pour arriver à t’écrire quelques mots. Merci pour cette proposition 10, dieu qu’elle est belle et que j’aime ton texte avec tes commencements :  » Je cherche … » Tu cherches et je plonge dans ta poésie, merci. Les mirages et les italiques qui nous ramènent au réel, j’adore. C’est très touchant, bravo.
    PS : J’avance dans la lecture de tes ouvrages qui éclairent mon été.

    • merci Clarence, pour avoir fait ce long chemin pour poser tes mots…
      ta présence n’est pas un mirage ! elle est bel et bien réelle…

  66. Quel texte accompli ! Il se trouve, et on cherche avec toi tous tes « je cherche » en crescendo malgré l’aveuglement, l’impossibilité à retrouver son chemin. Merci Françoise pour ce texte lumineux.

    • quand je me retourne, je trouve que c’est dingue ce qui arrive dans le texte.. en fait tout a commencé ou presque par la visite de la mine d’or de la Petite Faye et puis la visite au colonel de 93 ans, la découverte de ses obsessions, et puis et puis…
      merci Michaël, pour être venu t’égarer dans la lumière de mon désert
      (il me semble que de mon côté je n’ai pas lu ta #10…)

  67. ça y est, tu es dans les mirages… oh la bonne idée ! En chamboulant cette perception du réel, déjà multiple, c’est comme si se profilait… une extra-lucidité ? Déjà envie de connaître la suite…

    • hello Philippe,
      il était bien question de « voir », comme ça que l’idée de mirage s’est imposée, mais pas tout de suite…
      et puis là dis donc, tu me mets la pression pour la suite… j’ignore encore de quoi va être faite la #11 (qui ne devrait pas tarder à tomber d’ailleurs) et si je vais pouvoir la rattacher à ce développement et à cette lumière… en tout cas c’est mon objectif, mais…

  68. « J’ai connu l’objet carnet » le passé composé me ferait presque regretter le temps de l’écriture manuscrite dans le beau carnet au profit de l’écriture arborescente du clavier. Tu le dis toi-même on s’y perd plus que Sei Shônagon dans ses feuillets.
    Oui me revient et l’emprise du terrain d’écriture qui devient désert. On est dans l’histoire. Reste plus qu’à l’écrire, Françoise !

    • je me demande vraiment si je ferai quelque chose de tout ça, de concret je veux dire… ce que je sais, c’est que tout ça est nécessaire pour progresser sur la construction et sur la vision du livre…
      comme tu dis, y’a plus qu’a…
      merci pour ta présence

  69. Pour ma part, je trouve que les textes « le gouffre de la pensée » répondent parfaitement à la consigne. Le titre est magnifique et par ailleurs montre bien le dénuement qui nous prend quand on écrit. Peut-être est-ce lui, ce dénuement, qui nous propulse en avant. Les amplifications sont fortes aussi. « ce qui s’entrelace et fabrique l’histoire » Merci Françoise

    • tu as raison Louise, on se demande ce qui nous propulse en avant, quels mots, quelles images seront essentielles à la poursuite du texte
      et tu viens poser le mot « dénuement » que je trouve parfait…
      bien souvent c’est le désir de dénuement de la langue qui me guide…
      merci pour ton écho (tout à fait inattendu…)

  70. #11 – Décortiquer ton chemin d’écriture et tenter de comprendre pourquoi ce que tu écris s’écrit ! Les inducteurs sont une mine (si je peux utiliser ce terme en l’occurrence…). Merci Françoise !

    • on ne sait pas ce qui s’ouvre soudain et comment
      sûrement pour ça qu’on se jette dans l’écriture, on est souvent surpris et fasciné comme si on partait surfer une vague
      oui, les « inducteurs » ça m’a parlé cette expression de François
      salut Sylvia et merci pour la présence douce

  71. tout s’enchaine et en même temps se tient à part entière comme les feuilles de papier virevoltent sous l’effet d’un coupe de vent et retombant à terre se mettent en ordre toutes seules…
    bravo pour la continuité!

    • oh dis donc, ça serait bien s’il suffisait de jeter les feuillets au vent… on pourrait essayer un jour sur la plage ?!

  72. Ah Françoise, j’adore la façon dont tu as su faire un repli qui survole en retour le déjà écrit mais sans le paraphraser, en écrivant avec un angle suffisamment différent pour inviter à relire et avec la belle idée de ce préambule sur l’objet même où l’on écrit -je l’ai lu comme un « on » avant de comprendre qu’il s’agissait de ton insaisissable héros…- qui forme comme une belle charnière entre le déjà écrit et ce que tu viens d’écrire encore…

    • pas commode cette proposition ! fallait tenter de s’en sortir…
      j’ai été me voler quelques légumes dans mon propre jardin et c’est un peu du bricolage mais ça m’a permis de reprendre contact un peu avec ce qui a été écrit depuis un mois (c’était sans doute un peu le but de la séquence…)
      le JE et le ON s’entremêlent et qui est vraiment le personnage principal ? j’en sais rien… la narratrice, le colonel Armand ou le soldat qui n’a pas encore de nom ? va savoir…
      merci absolu à toi pour ton suivi précieux en dépit des escapades et des bonds dans le temps…

  73. « réelle difficulté à répondre à cette proposition
 » tu l’ approches si simplement « … juste à l’instinct ? ce balancement entre beau carnet et écran. Où ça se passe l’écriture, où ça se joue . et ce retour sur les textes arrivés sur tes pages d’atelier : OUI! l’emprise du lieu, les souvenirs des visages … On sent … On sent … ce livre qui s’écrit

    • ton passage confirme les sensations fortes qui sont venues avec ces visages, peut être archétypes de tous les hommes morts à la guerre
      l’occasion de repasser en revue ce qui s’est écrit, mais le livre est encore loin, tu sais…
      merci pour ton passage

  74. Et malgré tout continuer d’hésiter sur chaque titre, sur la façon d’écrire, les thèmes à aborder, peut-être parce que tout peut s’effacer en une erreur ou caprice de la machine… images ténues et fugaces à capturer.
    Belle entrée en matière que ces inducteurs d’imaginaire… Merci Françoise

    • je voulais aller lire ta #11 avant de te répondre…
      nos dédales nous conduisent vers une certaine obscurité mais les odeurs nous réveillent quelque chose d’ordre émotionnel
      et puis autant d’images à intégrer dans nos circuits complexes d’écriture, ça se fabrique dans l’antre…
      merci à toi…

  75. C’est tellement riche que je ne sais plus quelle piste suivre (Ah! retrouvé Mr Dumas!), à moins bien sûr que ce ne soit qu’un seule, et là oui, le problèmes de toutes ces feuilles, car dans l’ordi aussi on se perd on ne retrouve pas ses carnets commencés, et comment tu suis tout ça et arrive à l’exprimer, comme si sans cesse tu arrivais à écrire l’éventail déployé. Chapeau comme on dit. et Merci!

    • Oui M. Dumas est toujours dans les parages, d’ailleurs il faut qu’il me parle du village et des métiers des gens qui l’habitaient quand la mine tournait à plein régime… enfin tu vois, rester dans le sillon et dans l’emprise du pays… oh la la j’ignore où tout ça me conduira !!
      tellement merci pour tes encouragements…

  76. #12
    L’histoire se construit à en oublier les consignes. La récurrence des « celle-ci » qui induit le geste qu’on fait quand on regarde des photographies à la suite. C’est presque un thriller maintenant ton récit

  77. Magnifique texte où, par ci par là, je reconnais les consignes qui créent un chant choral dans le désert des souvenirs flous et brulants du vieil homme

    • merci Catherine pour être venue à ma rencontre et m’honorer ainsi
      j’espère être à la hauteur
      (et vos textes à découvrir en retour…)

  78. Oh bravo, Françoise, tu as su jouer avec le tremplin proposé par François en son #12 et retrouver ton fil… J’ai été comme mystifié, croyant d’abord que tu avais renoncé à ton récit algérien, me sentant transporté dans de verts lieux ressemblant à ton Limousin (c’est bien ça ?), peut-être agréablement distrait ainsi de la guerre… Et puis on y revient, bien sûr on y revient, saisissant les éléments avec d’autant plus d’acuité que tu nous y fais revenir de loin, comme en avion qui aurait pris un grand virage… Bravo…

    • salut Philippe,
      oui ce tremplin de la #12 qui nous fait rassembler ce qui s’est écrit… et tout est parti pour moi de l’emprise du lieu, de l’enquête sur les mines d’or, de la rencontre avec M Dumas, et ensuite celle avec le colonel… il me fallait relier davantage les deux personnages, d’où « ce grand virage au-dessus du désert »… c’était l’occasion…
      te confier que ce sont des rencontres réelles et que les images qui occupent à jamais la mémoire du colonel sont elles aussi bien réelles… il va falloir que j’aille le revoir lui aussi…
      merci pour ton voyage dans mes terres

  79. .. ces temps de guerre lointaine font surgir en moi des images de ces temps de guerre d’aujourd’hui. Rien ne change, la couleur du sang, les blessés, les regards pleins de vide parce que trop plein d’horreur. Bravo pour cette continuité dans la succession des consignes! on te suit!

    • approfondir, mettre en lien les personnages apparus dans ce cycle, créer des passerelles pour que l’histoire d’étoffe et que l’espace du désert prenne sa place par contraste
      merci Eve pour ta fidélité si douce…

  80. Impressionnant comme ton récit s’est construit et amplifié au cours de ce cycle recto/verso !
    Très belle #12 ! J’aime beaucoup la rencontre entre le colonel qui perd la mémoire et M. Dumas avec cet instant émouvant, ce sursaut de lucidité : »Alors le colonel lui attrape la main en cet instant précis pour retenir son attention et dans un sublime effort, comme s’il était éreinté par l’urgence de serrer cette main jusqu’à faire mal, il murmure : « Vous savez, c’est dur, ils sont tous restés là-bas… ô mes hommes, mes petits anges… de ma faute, de ma faute… non, jamais je n’aurais dû les envoyer au désastre… ».
    Merci Françoise

    • merci Muriel de passer par la #12 où quelque chose émerge de tous les fragments inscrits depuis quelques semaines
      ce qui est formidable à mes yeux, c’est de composer avec ce qui s’annonce au réel chaque jour
      (mais que pourrait-il se passer à présent pour le colonel terrassé par ses obsessions ? en ce moment il est en cure avec sa femme quelque part dans les Pyrénées… j’ai hâte de le revoir à son retour et d’essayer d’obtenir des précisions sur la position de ses troupes à ce moment-là.. j’ai si peu d’informations…)
      bonne suite et à te retrouver
      vais te lire moi itou…

  81. Très touchée par le texte de #12. Admirative de la manière dont s’articulent, se répondent le recto et le verso. Et cette succession de description rapide de photos, qu’on feuillette ensemble. Quelle connerie la guerre, pour reprendre les mots de Prévert.

    • Bonjour Isabelle,
      Erreur de destinataire. J’ai reçu ce mail destinée, je comprends, à Françoise. De mon côté, je ne sais plus comment on fait pour envoyer ses réponses aussi par mail à ceux qui ont eu la gentillesse de nous lire et de laisser un commentaire. Or, word press, me semble-t-il, liste les commentaires, mais pas leurs éventuelles réponses. Et je ne suis plus sur Facebook et ne peux donc poser la question au groupe Tiers Livre sur Facebook…Si tu peux m’éclairer… Bonne journée et au plaisir de te lire. Quelle joie ces ateliers!
      Betty.

  82. Je retrouve ton récit Françoise avec la 12, avait lu la #6. Je profite d’un voyage en train pour vous lire et rattraper retard c’est tellement important ces partages. Impressionnée de lire comment ton récit se construit, de retrouver les personnages, l’entremèlement du sud Sahara et le village de m Dumas, comment tout cela fonctionne à merveille. Merci !

    • plaisir de te retrouver, Isabelle, avec les aléas de nos programmes et occupations d’été
      et merci pour ton observation à distance
      toujours de l’inattendu grâce aux propositions de François et du bonheur à faire avancer comme tu dis « l’entremêlement des mondes »
      à te lire…

  83. J’aime comment le début des « peut-être », des imprécisions, des oublis préparent avec une force (la main serrée) ce point (murmure) de libération émotionnel : « Vous savez, c’est dur, ils sont tous restés là-bas… ô mes hommes, mes petits anges… de ma faute, de ma faute… non, jamais je n’aurais dû les envoyer au désastre… ».
    Puis fort (réussi) l’appel aux photographies, et l’évocation de chacune de « celle-ci » présentée devant nos yeux si nettement en images documentaires.
    Encore merci Françoise, pour tout ce texte qui avance et qui se dévoile.

    • ta fidélité aux commentaires est un vrai soutien, ça donne de la force, ça appuie là où il faut
      merci à toi Michaël

  84. #12
    L’ensemble prend une force nouvelle avec ce retour à la phrase initiale, gravée à l’intérieur depuis la #2 et qu’on retrouve désarticulée, projetée de tout ce qu’on a parcouru entretemps. Fort, fort ! merci Françoise.

  85. Je la guettais, la sortie de ton 13… et je n’ai pas été déçu !
    Avant même de lire le texte, le titre m’avait accroché-titillé… un ver ? une bouche verte ? Ouverte, bien sûr, la mort… Et escortée -c’est le mot qui me vient- par des mots que j’ai perçus comme de marbre et de sable à la fois… Au point que je me suis demandé, au début de ton texte, si la mort était bien venue en Guerre d’Algérie… Et puis la palmeraie m’a confirmé et transporté à la fois… Tu as su distiller des évocations de beauté dans ce cortège mortuaire… Et je ne peux m’empêcher au final de rapprocher nos deux « 13 » car cette proposition d’écriture, alors que nous avons connu des méandres très différents entre nous lors des textes précédents, nous a tous deux fait évoquer la mort à la guerre, certes pas la même guerre… Mais que peut-il donc arriver avec la « 14 » ?

    • oh tu sais, j’ai failli ne pas la faire, par manque de temps, et aussi parce que j’avais peur d’être un peu ridicule dans le répété mâchonné, et quoi tortiller emberlificoter ? franchement j’y suis allée à l’instinct comme souvent quand je ne sais pas… je l’ai écrit vite, à l’instant, en cette dernière heure avant d’aller arroser mon jardin… je suis restée dans le simple en tentant de trouver le cœur de ce récit qui s’est ébauché en ce cycle
      oh la la Philippe, tu me rassures tellement…
      m’en vais lire la tienne, de #13… et puis je pars arroser…

      • « en cette dernière heure avant d’aller arroser mon jardin… » Ah, j’aimerais bien voir le destin ainsi ;-)…
        Merci de me l’avoir fait entrevoir ainsi !…

  86. Ce corps mort, sa dureté -pour le moment- le voir, le toucher… Très éprouvant, si vraie cette rencontre avec le corps. Merci

  87. ll y a le mort sur le lit au visage froid ce quelque chose dont on n’a pas idée : c’est aussi un peu le mien ; merci Françoise.

  88. en peu de mots la scène nous apparait… alors on se met en retrait… de ce mort, de cette mort  » si jeune » … mais elle nous prend…parce qu’elle parle de tant et tant de morts.. sur une civière, le corps déchiré…on est hier mais on est aussi tellement au présent … tellement à ce présent… insoutenable… les oiseaux nous aident bien dans ces moments. Merci à toi.

    • Eve, il nous fallait les oiseaux, tu as tellement raison, des oiseaux à surprendre dans les palmes et à suivre des yeux, des oiseaux à admirer et à écouter…
      merci pour ton intervention si viscérale dans notre « présent » partagé…

  89. « il bou che ou ver te au visage froid »
    Saisissant ce vers, terrible coupure, par où entre la mort – et tous les bruissements les pépiements grouillement de vies autour … Merci

    • l’image happe et donne le sens
      merci à toi, la photographe, de me faire ce retour puissant

  90. D’abord résonne pour moi le dormeur du val, cet autre qui est le même
    Puis il y a ça: »Il y a le mort sur le lit au visage froid qu’on nous dit d’approcher pour le toucher avec les lèvres, éprouver pour la première fois de sa toute jeune vie ce quelque chose dont on n’a pas idée », sur quoi tu écris avec cette délicatesse dont je parlais ailleurs, ce sujet-là.
    Et puis les oiseaux, beau oui, et violent, et réel. (Je me demande ce qu’il reste des oiseaux et des arbres dans les pays touchés)
    Merci Françoise, c’est beau, c’est fin, et puissant

    • cette opposition du paisible et de la violence
      on ne peut le fabriquer, l’image s’en empare et vient en mots
      je ne sais pas pourquoi j’ai parlé des oiseaux, sans doute parce que dans mon histoire de désert, le seul lieu pour trouver l’eau et la paix est la palmeraie de l’oasis et je l’ai tout de suite pensée habitée d’oiseaux
      merci Valérie pour ton suivi précieux et notre marche en parallèle…

  91. Le parcours touche à sa fin et je suis très très sensible à ce texte sur la mort. (C’est une question qui me hante). « La bouche ouverte », ces mots et ce mort éclatés, la guerre et finalement la vie. Le concert des oiseaux qui nous ramène à notre humanité. Si seulement !

    • ton passage souligne l’important
      merci à toi pour ta fidélité au long de cet atelier et pour ton effort à poursuivre le sens et à écouter mes oiseaux…

  92. Bonjour Françoise, je viens de parcourir tes contributions et d’en (re)lire quelques unes. Je suis toujours très touchée par ton attention à l’humain, et comment le doux et le rugueux se répondent dans tes phrases, dès les propositions #02 et 03.
    Je me suis arrêtée sur cette phrase dans la #05, à propos de la mine d’or « bien qu’il peine à comprendre pourquoi tout ça m’intéresse » car je comprends bien, moi, ce qui t’intéresse et qui n’intéresse pas que toi. Nous sommes nombreux, je crois, à sentir que l’extractivisme est le problème principal de notre temps, cause ou symptôme peu importe. Connais-tu les travaux de Célia Izoard ?
    Célia Isoard, La Ruée minière au XXIe siècle – https://basta.media/nous-assistons-a-une-escalade-de-la-predation-minierehttps://www.youtube.com/watch?v=PrjdUNS-p4s

    La question des métaux et des mines, même si je l’aborde de façon plus allusive, est au cœur de mon travail en cours, et plus j’avance, plus je me dis qu’il faudrait que je la fasse plus ressortir.

    Et puis dès la #06, tu construis ce personnage déjà si fort, à partir de ta rencontre autour de la mine d’or, et c’est fascinant de voir la création en marche dans la suite des textes.
    #11 j’aime beaucoup l’amplification du « oui »
    #12 j’aime comment l’écho des premières consignes se retrouve « à ce stade de l’après-midi »

    C’est un beau chantier que tu as ouvert, je te fais confiance pour extraire de cette pâte un récit, quelle qu’en soit la forme.

    • merci pour tout ça Laure et j’irai bien sûr explorer le filon de la vidéo sur ce sujet qui m’importe en effet (mon premier métier de géologue sans doute et mes préoccupations d’humaine…)
      je ne sais pas ce que je vais faire de tout ça… va savoir où ça va me mener, peut être que ça va s’articuler autour d’un pôle, devenir cohérent avec un projet auquel je pense autour de mon village, à la fois enquête et écriture de fouille
      merci pour ta longue intervention si attentionnée
      (en revanche je vais peut être faire joker à la #14… !)

  93. Comme Nathalie j’ai été saisi par ce « il bou che ou ver te
    il mem bres ca chés sous le drap », transcription brute d’une langue avant la langue. Puis cette troublante sensualité forcée « quand on nous dit d’approcher pour le toucher avec les lèvres »… en guise de consolation, quelle belle voix 3 dans toute l’étendue naturelle de ce paysage sonore… Merci Françoise !

    • plusieurs strates s’entremêlaient dans cette phrase d’un des premiers textes, raison pour laquelle je l’ai choisie, ou plutôt elle m’a sauté aux yeux…
      à la fois le vécu d’enfance, la peur de la fin, le sujet des soldats tout près du gouffre, et toujours la présence forte d’un paysage qui semble s’inventer avec le récit…
      merci Michaël pour ta présence bienveillante tout au long de cet atelier formidable, tu as beaucoup compté…

  94. Très marquée moi aussi par les premiers vers « il bou che ou ver te
    il mem bres ca chés sous le drap… », cette violence immobile du corps mort, abîmé, les balbutiements pour le dire, si justes, et cette furtive vision de jardin aux oiseaux qui allège un peu l’angoisse de la fin (les bubuls comme un nouveau balbutiement…)… Bravo pour ce très beau travail d’écriture

    • merci à toi, Muriel, pour souligner la douceur des bubuls et merci pour ta présence à travers le temps

  95. #13 – « ce quelque chose dont on n’a pas idée »… autour de quoi se déploie l’écriture. La vôtre, dans son éclatement même, ce corps gisant, et les bafouillements d’eau. Tout un monde. Merci.

    • de toute façon tout explose dans la mort comme l’étoile dans le cosmos
      merci pour ce retour, Serge, qui me ramène au monde…

  96. Je suis venu voir ta #11, hésitant à me lancer dans la #14 que je trouve à la fois redondante et atomisante, et qui me demanderait un travail fou. J’admire la qualité de ta concentration. J’ai l’impression que tu utilises la onze pour avancer sur le chantier en cours. Tu sais prendre un pas de recul, alors que je force le trait et vais me percher sur la lune pour considérer l’ensemble de mes écrits depuis la Genèse… Bref, je vais prendre appui sur ton travail et ne considérer que le chantier majoritaire de cet été (5 Séquences) pour la #14..; et probablement refaire la #11 avec cette même focale. Tu parlais de sérieux dans ton dernier commentaire : il est temps que je m’y mette dans la méthode et non seulement dans le fond. Merci.

    • Merci pour ce retour Emmanuelle et pour souligner l’importance de la #11
      Tu évoques un pas de recul… on dirait qu’il en est fortement question dans la #14 qui s’est profilée de façon inattendue, mais ce qui est demandé là n’est pas « un simple pas de recul » ! C’est plutôt « un siècle de recul »… et là, c’est trop pour moi en cet instant précis…
      Tu évoques aussi le fond et la méthode. Le besoin de rassembler, de rendre cohérent et fluide (comme une pâte à gâteau) se manifeste en nous. Ce que j’appelle l’instinct, comme une ligne d’horizon qui vibre et nous permet de tenir le fond et la méthode en une seule entité…

    • Pas sûr que je propose quelque chose d’autre dans le temps imparti que cette composition des mots forts qui m’ont accompagnés depuis le début de l’été car c’est un travail vraiment colossal qui est demandé là…
      Par ailleurs, le sentiment d’un décalage avec l’atelier Recto Verso… cette proposition aurait pu être à elle tout seule l’objet d’un cycle complet…
      merci Clarence pour ton passage

      • Pour ma part, cette 14 me paralyse. Je ne sais par quel bout la prendre. Je me suis résolue à re-travailler un des textes donnés histoire d’avancer … mais même là, je bloque. J’aimerais quand même arriver à en sortir quelque chose.
        Bien à toi.

      • Être à elle seule un cycle complet : oui et non demandant tellement de matière vivante qu’il fallait (à mon avis) que la matière où aller puiser parte d’un socle commun de propositions (celui de recto-verso) c’est cela qui permet que nos travaux se croisent interférent résonnent se fassent écho. Pour ma part je ne serais pas arrivée à la #14 sans votre présence ni vos textes qui font battre notre écriture à tous. Alors merci Françoise

  97. … le mieux se fait souvent attendre! déjà tous ces mots si on les prend et on les met dans un shaker avec des glaçons canicule oblige on obtient un savoureux coktail!

  98. Mais oui, pas l’image dans les mots mais les mots dans l’image… Avec une légère brume, avec la silhouette d’un arbre… Des mots dans tous les sens et des mots qui à leur façon guident le sens… mystère de la brume, réconfort de l’arbre… Je l’aime bien ce 14-là !

    • oh tant mieux ! c’est comme une sorte de photographie à l’instant T des sédiments déposés ces dernières semaines…
      le temps passé est dans l’arbre et dans ses racines,
      le temps futur est dans le ciel,
      la stratigraphie de « Survivances » dans mon corps et ma mémoire
      (merci Philippe)

  99. Magnifique #15. Je me demande comment saute la numérotation comment tu sais le nombre de fragments à prévoir entre deux déjà écrits. Est-ce aléatoire pressenti ou au petit bonheur la chance sans exclure la modifier ?

    • te remercier et te répondre, Cécile
      c’est long de 1 à 1000, 1000 fragments… alors j’ai entrevu les espaces de temps en fonction de l’avancée du drame comme si l’ensemble au présent correspondait à la durée de la vie du personnage principal et les notes en italique au fil du texte représentait l’avancée du travail… c’est au ressenti, et ça peut être modifié forcément…
      il y a aussi le jeu avec les chiffres, le rythme des espacements, possible aussi de jouer avec les lignes, la taille des caractères…
      bien à toi

  100. Très beau, Françoise, vraiment très très beau ! D’abord, j’ai été porté par l’alternance entre ce qui est renvoyé vers le passé, certes incertain, et la permanence du désert qu’on sent plus forte que tout mais la mémoire est là aussi… Et alors, ce chant d’oiseau que tu nous donnes à écouter tout en nous invitant à continuer à lire !… Je l’ai d’abord cru césure et je l’ai plutôt trouvé couture pour un final où tout paraît se rassembler comme les voix de l’orchestre avant le point d’orgue et alors… juste le temps de lire ce qui restait au moment où le chant de l’oiseau s’arrête… Comme Joyce qui avait bien calculé les 24 h du temps de lecture d’Ulysse… Bravissima !

    • j’ai essayé de rassembler les points importants du projet (un peu comme la #11 qui nous avait donnés à réfléchir sur l’emprise et invités à « l’amplification »), telles les pièces d’un puzzle, et en les stratifiant l’un après l’autre, on sent que quelque chose commence à tenir… et je me dis que si je remplissais tous les vides de 1 à 1000, ça pourrait donner un livre, qui sait ?
      merci Philippe d’avoir éprouvé le chant des oiseaux d’oasis comme un soutien à la lecture du plus dur
      merci pour être là…

  101. La #14 a autant de force que si c’était un texte. Pas seulement pour la photo mais pour ce qu’elle raconte.
    La #15. Tu as répondu à mes interrogations sur la numérotation. Sur les chants d’oiseaux : est-ce que ce sont des bulbuls ?
    En tout cas, écouter les oiseaux tout en lisant la guerre, les souvenirs, la mort, la nostalgie, ce décalage entre la destruction et la nature ne me laisse pas indifférente. C’est assez bouleversant.

    • merci Sylvia d’apprécier la #14 pour laquelle je n’ai pas pu dégager assez de temps afin de proposer une perspective plus large, mais cette image avait du sens pour moi

      oui en effet, ce sont en effet des bulbuls sahariens (je les cite en point 833), et ils étaient là déjà dans le texte Mirages je crois, ils sont la part de vie qu’on peut s’accorder dans une situation si terrible et j’ai tenté d’ajouter leur chant aux mots
      plaisir de te lire encore une fois par ici, chère Sylvia, merci pour ton accompagnement qui me donne à croire que ça tient debout tout ça…
      à te lire…

  102. En si peu de temps, dérouler la construction, les recherches/réflexions et le récit ! Je suis impressionnée. Bonne route (elle semble dégagée).

    • demeurer encore sur la vague du désert, comme en surf, tenter d’aller encore plus loin plus longtemps
      merci pour ton passage, Louise…

  103. Que dire après relecture de l ensemble: derrière un travail conséquent la douceur d une écriture qui tranche et qui dit vrai . Pour le passé et par le présent, de notre histoire contemporaine à tous.
    Le chant des oiseaux , éternel et universel.
    Nous sommes devant ton livre effeuillé.
    Grand merci

    • te remercier, Carole, pour ta fidélité tout au long de ce cycle et pour ton passage encore par ici pour cette #15 qui permet de me rassembler et de mieux saisir les différentes strates qui pourraient composer ce livre « effeuillé »

  104. « on sent que quelque chose commence à tenir… et je me dis que si je remplissais tous les vides de 1 à 1000, ça pourrait donner un livre, qui sait ? »
    les vides sont annoncés par le chant de ces oiseaux qui accompagnent les mots qui laissent sans voix…
    des phrases mises à nu sur des corps abandonnés…
    sable sang soleil….
    ce livre sera une merveille.

    • j’ai comme une nostalgie de l’atelier d’été, après ces échanges si riches quasi quotidiens… oui, comme un vide immense…
      et entendre ta voix ici me redonne du courage…
      je ne sais pas si ce livre serait « lisible », mais ça vaudrait le coup de tenter…
      merci Eve pour ta présence ce matin