Il y a… Oui mais.

IL Y A…

Il y a ces mots détournés, le pire du pire, c’est dire, et, ta pâleur, et, ton piano. Il y a l’ombre froide, qui talonne, cerne la lumière.

Il y a entre les lignes, l’écriture qui s’étire, et, ton hoquet tout étonné. Il y a la tête chercheuse de l’humus solitaire.

Il y a sous tes aisselles, un chaud duvet qui soupire, et, les plis d’un antan secret. Il y a le feu au lac, les coulées de boue meurtrières.

Il y a les sels et sucres, l’amer et le piquant, et, cette jupe bleue délavée. Il y a ta barbe drue qui freine des quatre fers.

Il y a tes draps trop blancs, l’avenir à cran, et, nos désirs éparpillés. Il y a charrue sans bœufs, panique sur la terre.

Il y a sur les trottoirs, les vides des perdants, là, forêts guillotinées, ici discours pestilentiels, infos poudrières.

Il y a ton corps sur le sable, ce sang dans l’océan, et, cette jupe bleue déchirée. Il y a l’invisible qui avance, et, s’accélère.

Il y a la peur du tout fout le camp, son odeur qui s’entend. Il n’y aura plus tout ce qu’il y avait. Mais il y a, déliés et pleins, chuchotis suintants, mots en jachère.

OUI, OUI, MAIS.

Oui à ma frayeur, aux battements d’ailes du pigeon rentré par la fenêtre cette nuit. Oui à ce réveil intempestif et mon plongeon dans la transparence d’un verre d’eau. Oui à ce liquide précieux, le placenta, alcôve de l’enfant à naître. Oui à cette petite femme à venir. Bon pied, bon œil elle aura, surement. Surement ? Oui, même si tout l’attend au tournant. Virage à droite toute, sur notre planète en feu. A vos marques prêts partez, la débandade mondiale. Oui tu sauras, tu sauras te glisser ici mais pas là.  Oui, c’en est assez petite de m’inquiéter je sais. Oui, ce peau à peau avec toi, je l’attends infiniment. Donne moi la main. Oui cette traversée de vie, entre poussette, ballon qui roule sous un camion, varicelle et déjà amourettes, je la crains, je la veux. Oui à toi qui change d’idée comme de chemise. Je te préviens petite, je n’ai aucun sens de l’orientation. Oui à toutes tes interrogations. Oui, se perdre et se retrouver, au gré des je t’aime, moi non plus. Oui, il faudra ne pas trop savoir. Tâtonner. Sentir si oui, si non. Oui oui, il faudra peu à peu s’éloigner pour autrement se retrouver. Oui, non, que sais-je. Qu’est ce que sera ta vie, ma vie, et la nôtre comment continuera -t-elle ? Oui, ce n’est qu’un début qui sait déjà qu’il y aura une fin.

Eh… tout doux petite. Coup de pied déjà ? Tu veux sortir. Oui. Enfin, un coup non, un coup oui. Patience. Il est presque temps, oui, oui. Oui, oui, mais. Dans ce presque, tout l’infini de la finitude. Alors tout doux. Encore, encore quelques jours. Mais oui à ton désir de vivre. Oh que oui !

A propos de Yael

Je me balade entre théâtre et écriture. Avec le Tiers livre, j'ai envie de me surprendre, de jouer plus ! Sinon souvent scotchée de réaliser comment l’invisibilité finit toujours par poindre et surgir avec fracas. Je voudrais incarner par l’écriture ce trouble profond. Plus que jamais aujourd'hui. "Un dimanche à Auschwitz," Yaël Uzan-Holveck (orchestration d'extraits d'interviews) et Laurent Wajnberg (photographies), éd. de l'Aube, 2003, réédition 2024

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