# 9 Recto verso # 3 X 3

RECTO

TRIADE 1 – OBJET-VETEMENT

LE STYLO, la plume crayon. Le stylo noir, en couleur. Sa frange courbe, le bol de sa coupe à l’angle de ma vue. Le papier, carreaux, carreaux plats en volume. Cubes joueurs, esquisses de la vicissitude. Facettes du soleil un deux trois, la lune.

LA TABLE N°3, s’agite le pied, plie le coude rocailleux. Striée la table, les ongles anguleux. Surface pas très grande. Collent les doigts, pianotent, tapent, rongent. Ça gesticule. Une jambe tendue, sans dessous, dessus. Sa jupe-plis froisse. Pliures, ça, là où tout finit. Un vacarme, seule, seule sans loi. Fourmiller dans et hors toute seule, très occupée à épingler.

L’EPINGLE, une tête d’épingle, une minuscule entre le pouce et l’index. ELLE, l’attrape, la dirige, s’agrippe sans crampon, la pique. C’est le métier qui rentre. Ça fait mal. Ça suture, suppure, ça pue. Le métier qui rentre.

TRIADE 2 – NOURRITURE.

L’OMELETTE, SAUF QUI PEUT. Coq parade dans le poulailler. ELLE brisée, dans l’angle mort de la basse-cour, en vrac, gratte le terre sèche, sauvagement. Limaces en pagaille. Dévoration. Dévoration du cru. Dévoration humanimale, la foire d’empoigne.

L’OMELETTE, CAVE NOIRE. Un, deux trois, nous irons au bois, quatre six huit, cueillir des. Descente en enfer avec le panier à crabes familial. Chaque 30 fructidor, jour de panier, piano, panier, piano. Le carillon, la porte du café là-haut, entrée, sortie, entrée sortie. Mélange blanchâtre à la surface du pot de terre. Battre le fer tant qu’il est sang. Mains qui cherchent, salivent et soufflent fort. Ça court, envoie du lourd, attrape par derrière, glisse par-dessus. Sur son tendre bouton, sur les côtés, partout, par devant, par derrière. Là. Ici. Là en corps. Là plus que là. ELLE pas là. C’est dur, mou, dur et mou, encore, encore. Long le temps, sans être là pourtant. Froid glacial à jamais. Sans gomme pour revenir en arrière.

UN JAUNE D’ŒUF BIEN FRAIS. Réserver le blanc pour un usage futur, à votre convenance. Au moins deux cuillérées à soupe de sucre. Battre avec fourchette, ou mieux, avec fouet. Longtemps. Mélange mousseux, œuf battu, dans café au lait du matin.

TRIADE 3 – HOME càd ESPACE DEDIE A USAGE INDIVIDUEL

ELLE, DERRIERE LA TABLE N° 3. 

Café Le Carillon, là-bas dans le rectangle du silence, près de la porte qui sonne. Soulagement sans répit sur cette surface A4.

Le dessin compil, esquisse griffonné sur coin de table, bout de papier nomade, épinglé, à fOrce, gravure sur bois de table trouée. Refuge. Langue dessinée, inconnue au bataillon du café.

Porte entrouverte, battre en retraite, battre en brèche.

……………………………………..

VERSO TRIADE 3

HOME DU PERE – DANS LA CAVE

Croc en jambe chaque 30 fructidor. Mêlée ovoïde dans le noir secret des poils, dedans ses creux sans dehors, dedans ses dedans humides. J’empoigne, je ceinture. Faute. Je vais de l’avant en direction du but. Faute de mains. Ça lui fait mal. Glissades rugueuses, soubresauts dans corps en morceaux. Dans l’interdit strictement. ELLE, crie. Glissade de bave dans sa coquille nacrée. Faute. Jeux interdits. Poussé au travers. Si bon. BUT.

Prolongations. Placage de cou. ELLE, pourlèche mes deux œufs rugby gros calibre. ELLE, avale le blanc de mes œufs battus. Hors-jeu !

Autre détail

Sortie de terrain. Des œufs frais dans le panier pour la mère là-haut, qui prépare les omelettes des clients. Le carillon encore, entrées, sorties, entrées, sorties du bistrot. Beaucoup d’omelettes à servir.

L’anse du panier, à portée de mains, a l’odeur, à f0rce.

DétailS 2

……………………………

VERSO TRIADE 3 encore

HOMES D’ELLE ET LUI

LUI, A TABLE. Regards pile derrière omelette, et face ELLE. IL n’a d’yeux que pour ses yeux plein d’a-Larmes. L’enfant, salie par une lave brûlante, celle du vieux_ Le père. Le père_ tu n’es pas aux cieux, vas-y.

# 9 détail bouche - langue- dents. inversés
DétailS 3

ELLE, A TABLE. En morceaux, visage décomposé sous sa coupe pas de bol. Sourcils soupirs – accents grave et aigu. Cils tout autour d’yeux creux – maille à l’endroit, maille à l’envers tout bien comme il faut, faut bien. Tombent, roulent ses cernes dessous, marques noires poignard. Ont vu le loup, un loup pas empaillé, pas au musée. Pupilles hallucinées, nez bouché dégoûté, langue figée, exorbitée, dents du dessus, sans dent dessous. Sa gorge – hurlements du dedans. Ne sent plus rien. Boucles à tête d’épingle. Sourde oreille, en boucle n’entend jamais la mère, de la haut, en bas dans la cave, attend c’est tout.

SI ELLE APPROCHE, vient LUI servir l’omelette ? Choisir le fragment d’ELLE à regarder. A partir de la ligne du cou ? Cou qui la découpe, recollé sur buste ravagé, découpe piquante laissée par les coups ? Son menton dessous qui déborde du trait ? Ses lèvres en U couché qui crie du dedans ? Sa chevelure défaite, qui tire, tire vers l’arrière, se défend ? Ses boucles d’oreille sorties de leurs gonds, angle V qui lui pique les yeux ? V inversé comme Vengeance à Venir. ELLE TOUT PRES DE LUI, explosion de LUI. Plat, assiette, vin dans cruche. Omelette dans l’assiette, tracés de lignes jaunes avec fourchette sur omelette, sorte de lacets de petit Poucet pour ne pas se perdre. Pas pourrir. Pas de suite, là. Dessiner ça.

…………………..

LUI, DEBOUT PRES DE LA PORTE, ses bras fantômes, ses doigts invisibles piquent dessin, pendant qu’ELLE sert d’autres omelettes. LUI, main dans la poche, tout contre dessin, rectangle plié, éventail recroquevillé, dépinglé de la table du bistrotier, plié en quatre. C’eut pu être plié plus petit, en 3 X 3 par exemple.

ELLE ET LUI – A L’OMBRE DE L’ARBRE du jardin public. Un marronnier, un peuplier, un platane peut-être. Le tronc, dur comme acier, relief sculpté, pot de terre contre port de fer. Ne savent pas comment faire avec l’impalpable, ses subtiles nuances de gris, feront à l’aveugle, à fOrce, rejailliront des cendres, même avec grave mémoire.

SUR LE BANC SOLEIL, nouvel établi en bois – son dessin épinglé, sa bouche rose rouge, son cou jaune, ébloui par l’ombre.

A propos de Yael

Je me balade entre théâtre et écriture. Avec le Tiers livre, j'ai envie de me surprendre, de jouer plus ! Sinon souvent scotchée de réaliser comment l’invisibilité finit toujours par poindre et surgir avec fracas. Je voudrais incarner par l’écriture ce trouble profond. Plus que jamais aujourd'hui. "Un dimanche à Auschwitz," Yaël Uzan-Holveck (orchestration d'extraits d'interviews) et Laurent Wajnberg (photographies), éd. de l'Aube, 2003, réédition 2024

2 commentaires à propos de “# 9 Recto verso # 3 X 3”