(Un grand parc. Inauguration et rassemblement autour de la mémoire. La scène : un podium sur l’allée, plusieurs rangées de chaises, des arbres anciens, un fronton au lointain et une grande pelouse plus près, une aire de jeux latérale, des nappes sur les tables en plein air, un ciel limpide)
Femme secrétaire pâle debout au fond pendant les prises de paroles. Bras croisés. Un peu sur le qui-vive. Boucles d’oreille renforçant le blanc du chemisier et du visage. A l’écoute.
Homme assis devant, un peu en diagonale au bout de la rangée. Bras et jambes croisés ; fin sourire aux lèvres. Cravate un peu desserrée peut-être froissée et imper inutile sur le dos. Petites lunettes d’intellectuel pris par les souvenirs. Tendu vers ce qui se dit devant lui.
Elu radieux assis au premier rang. Echarpe tricolore en diagonale. Visage affable que ne mange pas une jeune barbe. Mains réunies sur le devant. Cravate bleu roi. Regard brillant de l’homme heureux d’accompagner l’événement. Prêt à bondir, le moment venu. Déterminé.
Jeune directrice debout sur le côté. Minceur et tenue simple, discrètement élégante, fleurant le sentiment du devoir accompli. Les mains dans les poches, présence reliée au bon déroulement de tout ce qui est prévu ou prévisible. Cheveux plutôt courts, une petite part indomptée, nuit agitée. Rassurée au bout du compte.
Une mère dans l’aire de jeux, tenant son visage dans une main, et le corps en équilibre entre deux mondes. Partagée entre la surveillance d’un enfant mobile et le désir de comprendre ce qui se joue de l’autre côté dans un rassemblement à la fois solennel et bon enfant en plein air. En cheveux. Sourcils froncés.
Trois adolescentes en noir et blanc avec cœurs rouges collés sur les tee-shirts blancs —côté cœur justement. Se tiennent par l’épaule. Bandanas rouges dans les cheveux, prêtes à danser ensemble. Suspendues aux témoignages avant elles. Attendant leur tour. Visages éclairés par le mouvement imminent.
Femme devant le pupitre, mains de part et d’autre de la feuille que le vent soulève. Lunettes de vue, regard face à l’assemblée, émotion montante. Veste bleu lavande comme un hommage au ciel du jour. Cheveux attachés côté cicatrice. Les minuscules éclats enchâssés dans les lobes sont les yeux de ses oreilles. Concentration, juste avant de dire.
Un enfant à moitié caché derrière un arbre centenaire. Tient les cordons de son sweat noir. Observe la scène. Les boucles de ses cheveux de la même couleur que l’écorce. Cherche à ne pas à être vu. Ou le moins possible.
Homme chargé de la communication. Prêt à tendre un micro supplémentaire si nécessaire. L’autre main à la taille. Chemise blanche, col dégagé. Evidente disponibilité à pied d’œuvre. Le visage de celui qui se garde de toute précipitation inutile dans un souci d’efficacité maximale.
Petite dame assise au fond. Une main en visière. Corps un peu penché à droite pour mieux voir. Sur son trente-et-un, couleurs sombres. Collier de perles comme décalé dans l’ambiance garden-party. Cheveux soigneusement teints, reflets flamboyants. La bouche semble prononcer un ô ou un oh à l’écoute des interventions successives.
Jeune femme debout, mains posées sur les épaules d’un adolescent assis devant elle. Attentive à ce qui se passe, posture éducative. Bagues à tous les doigts, ongles multicolores. Piercing aux parages d’un sourcil et sous la lèvre inférieure, qu’elle entrouvre. Quelque chose de sérieux en embuscade dans le visage.
Homme incliné, téléphone portable contre l’oreille tenu d’une main pendant que l’autre fait conque. Laisse à penser qu’il s’est déconnecté de la situation partagée pour plonger dans un inattendu que lui seul peut capter. Chevelure en vrac et sacoche alourdie par un gros dossier. Lunettes de soleil comme quelqu’un voulant passer incognito. Comme absent malgré tout.
Un policier municipal debout à l’entrée, bras croisés sur le torse, campé sur les solides tréteaux de ses jambes. Tourné vers l’intérieur, ostensiblement en poste. Uniforme tempéré par une chemisette claire. Bracelet insolite en pierres naturelles au poignet droit. Au coin des lèvres, un pli bonhomme et l’idée de la vigilance.
Une passante immobilisée. Comme arrêtée dans son élan, le prochain pas en suspens et les deux mains à la taille, quelqu’un qui pourrait dire : mais de quoi s’agit-il ? Des lunettes au bout d’un cordon, pour éviter de les perdre ou de se perdre encore une fois. Une question non posée intensifie l‘attention qu’elle porte —ou qui la porte.
Cycliste appuyé à son vélo. Visiblement, ne s’attendait pas à trouver une assemblée attentive dans le parc. Tenue sport. Tient son casque d’une main et à son poignet se remarque une montre connectée. Observe.
Jeune femme à demi allongée sur la pelouse, à l’arrière. Une main sur le crâne, le coude opposé en appui dans l’herbe. En short. Casquette NY sur la tête, queue de cheval s’échappant à l’arrière. Chaine maille gourmette dorée autour du cou. Ecouteurs ayant rejoint la chaîne. Fait la moue.
Une jeune photographe debout, une main sur l’appareil. Prête à saisir l’instant-clé, celui qui amplifiera l’impact de l’événement sur la page d’un réseau social. Cheveux longs, silhouette d’étudiante engagée depuis peu. Au visage, la modestie des talentueuses officiellement embusquées. Guette l’image emblématique.
Le vieil homme, tête levée vers l’un des panneaux fixés sur la grille. Son histoire s’y lit. Il n’est pas bien grand, semble se hisser en tendant le cou. Casquette genre Belleville. Une bonne veste laisse entrevoir délibérément deux larges bretelles. Un petit sourire, un peu énigmatique, les yeux comme deux petites arcades voilées. Tellement pensif.
J’aime cette phrase: » Cheveux plutôt courts, une petite part indomptée, nuit agitée. » et « Visages éclairés par le mouvement imminent. » et Cheveux attachés côté cicatrice. » et Quelque chose de sérieux en embuscade dans le visage. » et Au coin des lèvres, un pli bonhomme et l’idée de la vigilance. » et Une question non posée intensifie l‘attention qu’elle porte —ou qui la porte. » et « Tellement pensif. »; entre autres.