#histoire #03 | le hameau

La Polonaise
Elle est assise au soleil devant la porte entrouverte de sa maison. Ses yeux sont mi-clos, sa peau fripée. Le hameau est désert, silencieux. Elle, patiente. Elle attend, prête à saluer qui finira bien par passer.

René, le citadin
Confortablement allongé sur une chaise longue, un chapeau de paille sur son crâne dégarni, des lunettes de soleil pour protéger ses yeux clairs, il lit le journal.  Son ventre rebondi étire les boutonnières de son gilet de laine. Il a cet air satisfait de qui a gagné un repos bien mérité. 

Henriette, l’épouse soumise
Elle porte le dos voûté et un filet sur la tête pour maintenir ses cheveux roulés. Elle a passé  une blouse grise sur ses vêtements pour les économiser. À l’encolure de la blouse, est piquée une aiguille où reste accroché un brin de fil à bâtir rose. Comme chaque matin, elle fait reluire chaque meuble de la maison. Elle n’emploie aucun produit. Juste un chiffon et de l’huile de coude. Sa fierté. 

Le frère
On l’entend arriver. C’est le son des sabots  de son cheval sur le goudron. On a le temps de sortir sur le palier, d’être là quand il passe. Le citadin, l’épouse soumise, la Polonaise, le maçon, les jumeaux. Rien à voir avec un cavalier de manège, de club hippique. Ni bombe, ni cravache, ni botte, ni dos raide, ni culotte de cheval, ni étrier. Un jeune fermier sur son cheval de trait. 

La soeur
Les cheveux long, en bataille, comme si elle n’aimait pas se regarder, s’arranger, les épaules, le cou un peu rentrés, un oeil blanc, celui que son frère a crevé. Les enfants jouaient avec une branche, pas même un roseau, une épée en plastique, dans ce hameau de montagne. C’est avec sa grand-mère seulement que son corps se relâche. Elle n’est plus que voix, paroles, odeur, peau. 

L’aveugle
Elle est assise dans la pénombre, devant la longue table en bois, dos à la cheminée où la soupe suspendue à la crémaillère réchauffe,  un châle en laine noir tricoté serré sur ses épaules, un tas de haricots verts posé devant elle. Elle équeute les haricots en prévision des conserves pour l’hiver. 

A propos de Betty Gomez

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3 commentaires à propos de “#histoire #03 | le hameau”

  1. J’aime bien:  » Elle attend, prête à saluer qui finira bien par passer. »
    Beaux portraits, surtout la soeur (« C’est avec sa grand-mère seulement que son corps se relâche. Elle n’est plus que voix, paroles, odeur, peau. « ).
    En très peu de mot, tu campes des personnages qui prennent chair et vie.