#histoire #04 | Les trous d’eau

On en n’a pas fini avec les pourquoi dans cette famille.  T’étais où ? Pourquoi t’étais sortie ? Pourquoi tu n’aides pas ta mère ? Ce ne sont pas mes enfants, pourquoi je devrais m’en occuper ? Je n’ai rien choisi. On est une famille, dit le père, on prend soin les uns des autres, on partage les tâches, tu es l’aînée, tu as des responsabilités. Et pourquoi il n’est jamais là lui ? C’est quoi les tâches qu’il partage ? On me répond qu’il travaille, qu’il gagne l’argent de la maison. Mais quand il ne travaille pas pourquoi il ne fait rien d’autre que lire et mettre les pieds sous la table ? Parce qu’il est fatigué d’avoir travaillé ? Ben voyons ! C’est pas un père que j’ai, c’est un cliché. Bien sûr qu’on l’a retrouvé mais un jour on pourrait bien ne pas le retrouver, ce ne serait pas le premier. Pourquoi ? Parce que c’est dangereux tous ces canaux qui quadrillent la ville. Une ville nouvelle bordée d’eau, tout juste sortie de terre au milieu des champs de betteraves à la lisière d’une forêt marécageuse, ce n’est pas une ville pour les enfants. On dirait un décor de théâtre, une cité en carton pâte avec de toutes petites maisons alignées, collées, serrées. Il n’y a que moi que ça inquiète ? Pourquoi ? Bien sûr que je rêve que de partir à l’internat. Je voudrais ne m’inquiéter que pour moi-même alors que je passe mon temps à m’inquiéter pour les autres, surtout pour Pierrot. Pourquoi ? Parce que c’est dangereux, qu’il n’est pas comme les autres. A peine la porte de la maison entrouverte qu’il s’enfuit. Il avale le monde sur son petit vélo. Il rêve sans doute de grands voyages sauf qu’ici tous les sentiers finissent dans des trous d’eau. Et puis il y a Terminator aussi, lui il fait vraiment peur.

A propos de Françoise Guillaumond

Ecrivain, directrice artistique de la compagnie La baleine-cargo sur Wikipedia, ou directement sur la baleine cargo.