A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. J'anime des ateliers d'écriture au lycée et maintenant un peu ailleurs. C'est l'horizon mais beaucoup de chemin encore !

les mardis #12 | j’ai décidé d’arrêter d’écrire

J’ai décidé d’arrêter d’écrire. Il m’est déjà arrivé dans ma vie de cesser d’écrire, mais jamais de décider d’arrêter d’écrire. On peut décider d’arrêter de fumer, ou de boire, mais décider d’arrêter d’écrire, c’est autre chose. Décider d’arrêter d’écrire, c’est couper court au désir. C’est ravaler délibérément les mots, les enfermer en soi, dans la tête, dans le ventre, dans Continuer la lecture les mardis #12 | j’ai décidé d’arrêter d’écrire

les mardis #10 | chercheuse de fragments

Si j’étais photographe, je serais chercheuse de fragments. Il faudrait à force à force exercer l’œil, affûter le regard, quitter le plan large, oublier le panorama, renoncer au grandiose, épouser le petit, accrocher le détail, faire lumière sur ce qui s’oublie. Et faire paysage. Il faudrait pour cela des heures et des heures de marche, yeux fermés, yeux ouverts, tenter Continuer la lecture les mardis #10 | chercheuse de fragments

les mardis #07 | variations autour d’un rectangle vert

C’est un rectangle vert. Il pleut et on dirait qu’il neige : les gouttes font de petits points blancs ronds épais qui se déposent légères et invisibles sur les feuilles de bananier. Et la pluie tout soudain, plus intense, et la neige fond en grosses gouttes d’eau qui se posent, globes transparents sur les feuilles épaisses, certaines s’accrochent, d’autres dégringolent en Continuer la lecture les mardis #07 | variations autour d’un rectangle vert

les mardis #06 | recopier Chamoiseau, écrire dans les marges

(Il est posé à gauche de mon ordinateur au sommet d’une petite pile, je l’ouvre au hasard, et le passage m’appelle et c’est déjà incroyable que ce soit ce passage tu t’es dit sans connaître la suite) | Me voilà, rêveur-mangrove | (les doigts et les touches du clavier rétroéclairé et le rectangle blanc de l’écran et les mots qui Continuer la lecture les mardis #06 | recopier Chamoiseau, écrire dans les marges

les mardis #04 | un trou dans la ville

Ici la ville s’essouffle. L’Aqueduc de Petite Guinée et ses vieilles pierres voûtées mangées d’herbes marque la frontière. Inventorié « en ville » pourtant par les services du patrimoine du Ministère. N’en déplaise. La ville s’essouffle. Sous l’aqueduc. Dans les méandres de la ravine Du Lion. Un ruisseau de hautes herbes que les ondes tropicales font grossir et qui rejoint la Rivière Continuer la lecture les mardis #04 | un trou dans la ville

les mardis #03 | Alain de 6 à 7 (et ce tous les matins, avant l’incendie)

[6h00] Yeux grand ouverts sur les découpes du jour dans la pièce, Alain compte les six coups de la cathédrale et se lève comme chaque matin à la même heure. Sauf le dimanche. En souvenir de sa mère. Qui offrait sa peau, ses os, sa chair et son sang au sommeil. Qu’elle disait. [6h10] Alain nettoie méticuleusement son seuil de Continuer la lecture les mardis #03 | Alain de 6 à 7 (et ce tous les matins, avant l’incendie)

#écopoétique #02 | dans la cour de Marcel

Une remorque, une voiture épave aux pneus crevés, un frigo en panne, des cordes, des sangles, une poêle, des grilles, les restes d’un volet roulant blanc tordu, fondu, des échafaudages, une table en bois, un thermos bleu, une canne à pêche, des bouts de tuyaux flexibles, une grande rallonge noire, un bidon renversé, un bateau à moteur, des bouées jaunes, Continuer la lecture #écopoétique #02 | dans la cour de Marcel

les mardis #02 | Perec, porte fantôme

Dans ton souvenir, la porte n’est plus. Elle a disparu. Pourtant, tu l’as franchie ce soir-là. Une fois la porte ouverte, tu as posé le pied sur le seuil gris cimenté encore tout tiède dans le soir d’été. Pour retrouver la porte, il faudrait retrouver la photographie de cet autre jour. Ta sœur déguisée et maquillée, assise sur le seuil Continuer la lecture les mardis #02 | Perec, porte fantôme

les mardis #01 | Perec, dormir en mouvement

dans le noir de l’avant l’aube et le demi-sommeil du départ en vacances transbahutée dans les bras de mon père déposée à l’arrière du camping-car les rêves bientôt striés de réverbères dans la fente ajourée du rideau à pression, et sous la joue le rêche de la couverture et le frais de la nuit qui fait s’enfoncer un peu plus Continuer la lecture les mardis #01 | Perec, dormir en mouvement

#écopoétique #01 | le silence, ça n’existe pas

La torpeur du soleil faisait taire la ville endormie. Assommée. Abrutie. Au fur et à mesure où elle s’éloignait de l’axe routier principal, le silence gagnait. En épaisseur. Même si le silence, ça n’existe pas. Ce qu’elle croyait. Frôlement des pas dans les herbes, pépiement des oiseaux, froissements. Le silence, pensait-elle, c’est l’inhabité. Le désert, c’est le silence. Elle déambulait Continuer la lecture #écopoétique #01 | le silence, ça n’existe pas