#boost #11bis | Manuella Draeger | la disparition

Les jours commencèrent à trembler bien avant qu’ils ne disparaissent. Certains se cassaient en miettes dans les poches, d’autres fondaient en couleurs pâles au fond des bols. Nous tentâmes de les recoller, de les raviver à coups de sabliers renversés ou de lait tiède, mais ils toussaient déjà des heures creuses.

La montre du mur s’excusa. Les réveils perdirent la voix, comme si le temps, gêné, s’était glissé dans une armoire sans poignée. Le rideau oublia de bouger.
Alors nous allâmes chercher le marchand, celui qu’on appelle quand le monde s’effiloche.

Il n’y eut plus de jours après que nous les eûmes rendus au marchand de rêves. Nous les déposâmes un matin sans matin pliés dans une boîte d’osier, entre un cri d’alouette et un soupir de lampe.

Les chats perdirent leurs souvenirs en même temps que leurs moustaches.
Nous vîmes un enfant tricoter une nuit entière avec les restes d’un mercredi. Une vieille dame lui offrit une loupe pleine de crépuscule, pour coudre les minutes invisibles.
Parfois, au creux de l’ombre d’un croissant de lune, un jour égaré clignotait encore mais il ne durait que le temps d’un oubli.

6 commentaires à propos de “#boost #11bis | Manuella Draeger | la disparition”

  1. Mais ce texte est incroyable ! Il a le sérieux des véritables livres pour enfant. On aurait envie de vous en piquer toutes les images pour les mettre en illustrations.

  2. Merci Raymonde, sublime texte, entre surréalisme et fantaisie.
    « La montre du mur s’excusa. Les réveils perdirent la voix, comme si le temps, gêné, s’était glissé dans une armoire sans poignée », on pourrait tout citer !

    • Merci Yasmine merci Carole
      Je ne sais pourquoi ces deux dernières semaines me ramènent au monde de l’enfance et ça me plaît bien on peut s’y promener et même s’y perdre

  3. Je me suis perdue dans ce texte, j’ai flotté, j’étais larguée, ébahie… et j’ai aimé ça, j’aimerais arriver à écrire ainsi, savoir bousculer les mots et les idées…
    Admirative!!!

  4. Merci Monika, moi aussi je me suis perdue en l’écrivant… contente que cela vous ait emportée

  5. De ces phrases finement ciselées, quel plaisir de se laisser entraîner dans une lecture apaisante ! Tellement doux. Merci Raymonde.