Loin des forêts vraies
La cabane du salon avait des pieds
de métal, une charpente d’étendoir,
pour couverture une couverture
Chaise sur le flanc, un oreiller sans taie
Des matériaux glanés à hauteur d’enfants
Dans les trois pièces de l’appartement
Dans la salle de bains sans fenêtre
L’exploration n’avait aucune exacte précision
Les plans de la cabane étaient ceux du jeu
Le tabouret était toujours premier
de dimanche en dimanche le pilier
de nos empilements
À la fois seuil – il gênait l’entrée –
à la fois écho d’une cosmologie
dont personne ici n’avait l’idée
de dimanche en dimanche
Les pieds de ses pieds (le tabouret)
étaient capuchon noir qui en bas fermaient
les tubes creux de métal chromé
dont personne ne savait ce qu’ils contenaient (les creux)
Notre hauteur d’enfants nous élevait
Aux branches imaginaires de l’ailleurs
Si les adultes avaient compté
ce qu’ils disaient « salon »
c’était mètres carrés sur doigts d’une main
Division imaginaire d’une pièce
tout à la fois
Entrée salle à manger et séjour
La cabane toute l’occupait
Nos pieds en chaussettes dérapaient
sur le linoléum qui réunissait
l’horizon du rêve et de notre réel
Le sol de la cabane était sol lino du salon
Tabouret tubulaire empêchant l’ampleur
de nos mouvements
quelques ustensiles pour faire comme maison
feutrée l’atmosphère sous le poids de la laine
nos paroles liberté
De dimanche en dimanche la cabane avait
autre aspect même forme
même aspect autres normes
à notre invention d’enfants
Depuis l’autre côté de la couverture
à travers l’épaisseur de la laine
des voix depuis disparues
dessinaient les dimensions du monde