#boost #12 | Cabane

Loin des forêts vraies

La cabane du salon avait des pieds
de métal, une charpente d’étendoir,
pour couverture une couverture

Chaise sur le flanc, un oreiller sans taie
Des matériaux glanés à hauteur d’enfants
Dans les trois pièces de l’appartement
Dans la salle de bains sans fenêtre

L’exploration n’avait aucune exacte précision
Les plans de la cabane étaient ceux du jeu

Le tabouret était toujours premier
de dimanche en dimanche le pilier
de nos empilements

À la fois seuil  – il gênait l’entrée –
à la fois écho d’une cosmologie
dont personne ici n’avait l’idée
de dimanche en dimanche

Les pieds de ses pieds (le tabouret)
étaient capuchon noir qui en bas fermaient
les tubes creux de métal chromé
dont personne ne savait ce qu’ils contenaient (les creux)

Notre hauteur d’enfants nous élevait
Aux branches imaginaires de l’ailleurs

Si les adultes avaient compté
ce qu’ils disaient « salon »
c’était mètres carrés sur doigts d’une main

Division imaginaire d’une pièce
tout à la fois
Entrée salle à manger et séjour

La cabane toute l’occupait

Nos pieds en chaussettes dérapaient
sur le linoléum qui réunissait
l’horizon du rêve et de notre réel

Le sol de la cabane était sol lino du salon

Tabouret tubulaire empêchant l’ampleur
de nos mouvements
quelques ustensiles pour faire comme maison
feutrée l’atmosphère sous le poids de la laine
nos paroles liberté

De dimanche en dimanche la cabane avait
autre aspect même forme
même aspect autres normes
à notre invention d’enfants

Depuis l’autre côté de la couverture
à travers l’épaisseur de la laine
des voix depuis disparues
dessinaient les dimensions du monde

A propos de Laure Humbel

Site internet : Sur mes tablettes, laurehumbel.fr. Dans l’écriture, je tente de creuser les questions du rapport sensible au temps et du lien entre l’histoire collective et l’histoire personnelle. Un élan nouveau m'a été donné par ma participation aux ateliers du Tiers-Livre depuis l’été 2021. J'ai publié «Fadia Nicé ou l'histoire inventée d'une vraie esclave romaine», éd. Sansouire, 2016, illustrations de Jean Cubaud, puis «Une piétonne à Marseille», éd. David Gaussen, avril 2023. «Ton Nombril» et «BigBang» (Toutàlheure, 2023 et 2024, illustrations de Luce Fusciardi) sont des albums pour les tout-petits qui forment un diptyque sur le thème de l'origine.