La nuit est presque défaite et le corps mer étale. Ni dénouement, ni attente. Les battements du cœur semblent chercher une issue mais tout est clos. Être au repos est une apparence. Quelque part dans le labyrinthe un courant se concentre. Fore un passage. Dans la respiration-même, une force clandestine entre les parois : en gestation. Tantôt cri, tantôt chant, tantôt silence. Métamorphoses de la voix. Le corps est un gisant du métavers. La circulation s’opacifie, on dirait que l’aube est proche, mais un essaim se forme. Il emprunte les canaux qui transportent les composants dans le lointain du dedans — limaille de mots aimantés par la présence nommée voix. On ne sait pourquoi ni comment mais une phrase surgit. Concrétion mate. Ne donnant pas sur l’extérieur. Quelque chose d’impérieux qui attend d’être capté, contenu, retenu : Le matin Stendhal s’en alla pour aimer les gens au bord de la façade. Dans cet espace appelé sommeil, toute l’attention rejoint la présence de la phrase que personne n’a prononcée. L’immobiliser, la garder intacte pour la retrouver, la comprendre dans le laboratoire du jour à l’instant nommé réveil. Qui la parle ? Qui te parle à travers elle ? Tu sais que tu es dans un espace intermédiaire mais tu ne veux pas refaire surface au moment où l’espèce de parole prononcée dans le rêve mobilise ton énergie. Tu ne veux pas quitter le champ des images en prenant le risque de réfléchir en plein rêve. S’en tenir au fait : elle a été dite par ce qui fait penser à la voix. Avec pas de bouche pour prononcer la phrase, pas de son, pas de livre dans lequel la phrase aurait pu être lue, dévorée, avoir entamé sa mue. Tu ne veux pas te réveiller pour répondre aux questions qui vont la faire disparaitre avec le jour. Tu te dis sans mots que juste avant la phrase dans le rêve il y avait un paysage en hauteur, avec le lac vu depuis le cimetière —mer intérieure qui freine les avancées de la ville en lui renvoyant la présence des reflets à l’heure du couchant. C’est là que tu comprends : la phrase est le paysage. Une émanation vivante. Cette fois, elle résonne, elle a trouvé sa chambre d’échos. Chaque lettre, chaque mot brille dans la cavité. Le matin Stendhal s’en alla pour aimer les gens au bord de la façade. La découverte est vaste, belle, et attend d’être poursuivie. Un bruit de fenêtre fait voler en éclats toute l’expérience. Le puits de la voix se ferme, les yeux s’ouvrent. La mer se retire, le corps se lève. Sur la grève, la phrase a sédimenté. Elle est blanche, creuse. Tout à l’heure, je vais marcher jusqu’au cimetière d’Andilly. Observatoire. Tenter de voir-écouter ce que Stendhal rêvait-parlait. Aborder la marée suivante.
« …limaille de mots aimantés par la présence nommée voix. On ne sait pourquoi ni comment mais une phrase surgit. Concrétion mate. Ne donnant pas sur l’extérieur. Quelque chose d’impérieux qui attend d’être capté, contenu, retenu : Le matin Stendhal s’en alla pour aimer les gens au bord de la façade. Dans cet espace appelé sommeil, toute l’attention rejoint la présence de la phrase que personne n’a prononcée. » et » la phrase est le paysage « que c’est beau. Merci