# Boost # 14 | Extrémités

Quelque chose tremble de l’autre côté. Lumière minée par le jour-même. Corps sonné par ce qui ressemble à la vibration d’un invisible incendie. Palpitation du voilage contre la vitre. Fenêtre entr’ouverte. Un courant d’air caresse la peau de celle qui a cessé provisoirement d’être partout à la fois, dehors et dedans. Brûlure en cavale. Tu es simplement revenue à ta place, près de la fenêtre, devant la table de travail. Un dernier avion raye le ciel, bruit lointain. Lisière de la forêt, lisière de la peau se répondent. Présence des extrémités. Dans le cabinet de curiosités : mains en suspens au-dessus du clavier. Guidant le flux des mots jusqu’à l’arrivée — un agrégat sur écran. Tu suis la danse des doigts qui se posent à peine. Inventent au fur et à mesure la suite de ce que tu vois naitre. Avant-bras et dessus des mains sont un paysage en attente d’être dit. A vol d’oiseau, depuis le vaisseau spatial en orbites, l’arborescence visible —deltas en relief, convergence des vaisseaux jusqu’aux lunules— te transporte. A vue d’œil se forment les lignes de mots arrivant à maturité au fil de la saisie. Etrangeté : dehors, c’est le feu. Dedans l’opération se poursuit. Mobilisation précise. Pieds sur le rouleau d’orme. Les mains continuent de voleter en cherchant l’ombre de l’instant comme la pie qui se cache dans le sycomore de l’autre côté. Corps en partie posé sur l’austère chaise lorraine sans accoudoirs, avec assise trop large pour atteindre le dossier qui sert à ne jamais s’appuyer contre lui, obligeant le dos à maintenir tout seul la verticale afin de contrer l’effondrement toujours embusqué. Mains en attente. Tu passes par elles pour écrire le moment de la suspension. De la tête aux pieds, dans l’enveloppe, tout circule et se prépare à la suite. Une légère fraicheur s’est faufilée dans l’intervalle. L’incendiaire semble se retirer du côté de la couche d’ozone trouée. Une trêve. Un verre d’eau pour éteindre la soif ne suffira pas. Fenêtre de tir. Le combat change souvent de visage. Tu vas repartir ailleurs, c’est écrit. Encore quelques minutes et la position va être quittée. Lunule du couchant. Quelque chose rougeoie encore dans un reflet. La pie s’échappe en noir et blanc et son cri d’alarme râcle un dernier instant à portée de mots.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

Une réponse à “# Boost # 14 | Extrémités”

  1. ..le dos qui reste à la verticale malgré tout ce qui se déroule au dehors et au dedans…le feu et l’eau..l’immobilité et le mouvement… merci pour ce subtil texte.