Chant comme champ à l’oreille. Y aller pour comprendre. Rejoindre et reprendre. Du silence en bloc s’extrait l’embryon vibrant. Souffle. Se charge de sens. Pousse les bords. Ecarte les parois de la gorge serrée. Laisse faire. Trop d’émotion tue l’émotion. Chant comme endroit où connaitre l’envers. Où naitre et croître encore une fois. En posant tous les sacs, les airbags mentaux. Pieds au plancher. Colonne d’air un geyser. Contrôle et relâche dans le même temps. En suivant ce qui a lieu. Champ des autres voix. Chœur en lien. En immersion. Même dans le cri : forage. Voyelles cherchant leur place dans les cavités. Consonnes percutantes. Sons propulsés au-delà des points de départ. Arrivages polyphoniques. Dissolution des noyaux de haine. Chant comme recommencement. Au plus près de ce qui agit. Portée. Voix comme voir quand on y pense. Passe par le diaphragme. Par l’ouverture de la cage. Par la gorge. Par les résonateurs. Jusqu’en haut. Du côté de la fontanelle. Fontaine aux sons. Les graves germent en bas et dans le milieu traversant. Zone caverneuse des prophétesses, projetant stalacmites et ombres dans la partition du Stabat. Les aigus : de l’audace. En attente de soulèvement. Chante, va les chercher, ils n’attendent que toi. Chant du corps et chant du cygne. Voix en solitude plénière au beau milieu des autres. Chant d’arpentage : les frontières du paysage intérieur bougent. Géographie de l’espace généré par qui chante. Des vies ensemble transportent les mots venus de loin. Du Levant. Du couchant. De l’Orient. Du Moyen-Orient. Du Proche Orient. De l’Occident. Chant. Se rassemblent des milliers de sons, de phrases, d’extases, de colères, de vies décimées, d’essaims travaillés au corps, de derniers soupirs, de clés, de reprises entrecroisées, de signes déchiffrés, de pauses qui n’en sont pas, de mots survivants, battant le rappel pour être entendus. Battre la mesure. La démesure. Interpréter au plus près. Chant des chuchotements. Chant de qui n’a plus de voix. Celui des petits bergers contre le vacarme des géants. Bruit des détonations, brutalité des disparitions. Souffle coupé. Sans voix. Le temps de réaliser. Une minute de silence. Retour. Chant contre la mort. Chant comme champ à l’oreille.
Codicille : texte dédié à Catherine R (soprane dans le CVM, enseignante en Sciences et vie de la Terre, retraitée). Partie quelques jours en Macédoine, avant le prochain concert. A Skopje, un malaise. Hémorragie cérébrale. Rapatriement. Coma. Réanimation inutile aujourd’hui.
Au-delà de cette dédicace poignante qui enjoint au recueillement, les courtes phrases permettent d’enchainer les images comme un film en accéléré. Un kaléidoscope plutôt, on prend les chants comme des images fantastiques. Le son (ici le chant) se prête bien à la construction, je l’ai moi-même exploré sous un autre aspect (la note, pour moi). Je retrouve quelques chemins que j’ai empruntés. Merci.
..Puisse ce chant parvenir à qui il est si délicatement dédié. Merci.