#histoire #07 | Ransmayr, atlas d’un personnage inquiet

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#07 | Ransmayr, atlas d’un personnage inquiet

C’était l’été 2024, pour la 37ème proposition sur 40 du cycle «anthologie» qu’une première fois j’avais voulu explorer ce grand livre de Christoph Ransmayr qu’est son Atlas d’un homme inquiet.

Il ‘agissait alors d’ouvrir ce cycle à ses possibles prolongements, lancer vers le dehors des pistes d’imaginaires. Aujourd’hui on revient à ce livre, mais dans une optique liée à notre thème, et en début de cette deuxième séquence du cycle.

La notion d »«histoire» est d’emblée posée en ouverture du livre de Ransmayr, où il développe cet axiome «les histoires n’arrivent pas, les histoires se racontent».

Principe du livre : vers ses 35 ans, après la publication de ses premiers livres, Ransmayr quitte l’Autriche et parcourt le monde. Il finira, la boucle faite, par s’installer en Irlande. Il a 58 ans lorsqu’en 2012 il publie son Atlas eines änglisches Mannes, 2025 pour la traduction française de Bernard Kreiss.

La construction du livre : 70 brefs chapitres, chaque fois organisés depuis le principe d’un incipit fixe, basé sur ses propres souvenirs : «Je vis…» suivi d’une image comme séparée, flottante mais rémanente, précise. Le reste du chapitre développe et précise, interroge les lieux, les personnages ou le contexte du surgissement de cette image. En fin de premier paragraphe seulement on a indication du lieu associé à l’image, mais la table des chapitres, en fin de volume, les inclut à la suite du titre, permettant repérage aussi de l’obsessif retour au territoire d’enfance, l’Autriche.

C’est sur cela qu’à l’été 2024 on s’était embarqué, un inventaire de ces images flottantes dont chacun de nous est la somme.

Aujourd’hui, on garde le dispositif de Ransmayr, mais on s’en sépare.

Dans les six premières contributions, on s’est attaché à faire surgir des voix, des témoins, des locuteurs, des personnages susceptibles de porter eux-mêmes une histoire de façon autonome par rapport à nos injonctions d’auteur.

Ce que nous reprenons de Ransmayr, c’est la fragmentation (ses 70 chapitres, chacun établi depuis un lieu distinct), et ce principe d’image flottante, indissociable du lieu, et insérée dans le récit par le personnage qui l’énonce (pour lui, ce Ich sah, «je vis»…).

Dans notre première séquence, et dès la première proposition, on s’est attaché à définir un lieu géographique et un seul, immeuble (avec notre point de départ via La vie mode d’emploi de Perec), rue, hameau, ville, trajet, lieu social ou de travail…

Et si, pour confier le récit à un personnage, on lui demandait d’énoncer lui-même (elle-même) son propre atlas ?

Alors non plus un «je», mais un «il» ou un «elle». Et non plus le passé simple, mais tout simplement le présent, un présent, caméra temporelle mouvante, qui sera chaque fois le présent de l’image vue.

Pour le reste, on s’embarque dans autant d’images et de points géographiques que ce dont peut disposer notre personnage. On n’en dit pas plus: qui, quoi, comment, ce n’est pas l’enjeu de cette proposition. L’enjeu, c’est cette somme d’images, et cette carte géographique reconstruite pour un ou une de nos personnages. Le construire par la somme de ces images flottantes, chacune associée à un lieu géographique, qui le constitue, comme Ransmayr part à la rencontre de ces images qui sont désormais, une fois effectué la coupure d’avec ces vingt ans de vie nomade, le bagage avec lequel chaque matin il écrit.

Construire un personnage par son intérieur ? Et un intérieur qui ne serait que la somme d’images géographiques, paysages, situations, visages, incidents disjoints sur la carte intérieure (et qui n’a pas besoin d’être celle du monde) ?

On en tente le paradoxe.

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