Voilà comme elle est : déambulant poils hérissés sur cette rive-vertige, l’apocalypse d’un soleil ombre-éclair dans ses cellules – valise roulante sur pavés aux recoins pissotières.
Non, voilà comment elle est : finalement sans surprise – n’attendant rien ni personne dans le hall de Thyna Airport – riant avec goguenardise à l’idée de décoller à l’acétone l’emprise d’une errance millénaire et de faire la nique à quelques synapses désorientées.
Non, voilà comme elle voit : roulant la ville au levant, dévisageant cohortes de sablonneux paysages, bâtiments industriels et arbres rabougris, traversant ronds-points, s’affolant à peine de virages contre tôles en bordure de routes, piquets croulants sous le poids de panneaux jaune taxi, admirant les grues planter des immeubles sur des reliefs glabres, dans le ciel bleu barbeau parsemé de palmiers aux troncs duveteux.
Non, voilà comme elle raconte : en volant – tout là-bas au-dessus de cette mer morte, maudite pour les uns, divine pour les autres, les oiseaux survivent malgré salinité, quelques poissons rampent aux embouchures de petits affluents qui descendent des montagnes, et en tous sens, des tempêtes s’élèvent. Gémellité ? Malgré épais courants d’air ici – emprisonnant publicités géantes, rideaux flottants, antennes paraboliques perchées sur des toitures percées, malgré tsunamis de poussière soulevant gravats et planches efflanqués oubliés au pied de palaces, de murs éraflés, les embouteillages perdurent – piétons, cyclistes et véhicules en tous genres s’engouffrent dans les remparts tremblants de la ville forteresse.
Non, voilà, elle y va : entre en itinérance pas à pas, dans le marché Bab Djebli, accrochée à son GPS, dans le plein vent des murs de Sfax, bifurquante, hésitante, trébuchante – talons de sandales compensés peu adaptés à la médina.
Non, voilà, elle y est : dans la kasbah, en son enceinte, penchée contre un étal de loups et de dorades, glissants, encore un peu vivants – porter demain sa robe fleurie trop échancrée ? – là, donc – en méditerranée, respirant à pleine branchie, s’affligeant mais se rassurant – son sarouel en coton léger fera l’affaire – traversée jusqu’à la moelle dans tous ses os d’antan, emportée en bord de chute par les courants contraires de colonies, phéniciennes, romaines, musulmanes, françaises… Béryl fouille du bec dans la vase des fracas salés et sanglants du Moyen Orient.
Tu vois, voilà comme on traverse les terres et les mers d’un père silencieux.
Merci Michaux,
Merci François
J’ai essayé
Dire en dessous sans en dire trop
Dire en mots – images
J’ai poussé, repris, démonté, entrelacé,
Pas pu m’empêcher de raconter quand même
Résultat curieux, opaque.
Quels écueils à ces formes ?
Où s’arrêter quand on a commencé ?
A creuser là encore.