#histoire #11 | Gertrude Stein, de la troisième main

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#11 | Gertrude Stein, de la troisième main

Ces séquences d’atelier forcément respirent. L’idée : renforcer, compacifier, se saisir d’un personnage (ou de plusieurs personnages) mais les agripper par le corps et le mental tout à la fois, ne pas laisser — la proposition précédente, avec Michaux, allait dans ce sens — le récit devenir simple expansion de langue.

Ça, c’était la démarche pour cette proposition #11, et déjà aussi un rendez-vous d’autre sorte pour la #12, où on serait plus dans la réalisation, et pourquoi pas un livre qui en rassemblerait les contributions. Et puis est venu, sans préméditation, ce texte de Gertrude Stein.

Depuis pas mal d’années, faute de vraie traduction française d’ampleur, j’explore l’oeuvre majeure de Gertrude Stein d’après une grosse compile américaine, avec bien sûr une large part aux «portraits», dont elle fait un enjeu conceptuel, mais est récemment parue, dans la collection Cambourakis qui en est à son 8ème volume, traduction de Martin Richet, une compilation de ces portraits, augmentée de textes dont Richet apparemment considère qu’ils dialoguent, par la période, par le thème, avec ces portraits, c’est paru sous le titre Exacte ressemblance.

Et je tombe littéralement en arrêt sur ce texte — titre original «Universe, a hand reading», traduction Richet «L’univers, ou les signes de la main». Texte évidemment typique, voire archétypique des façons d’inventer de Stein, jeu de récurrences, éclatement en fragments disjoints.

On a déjà travaillé, dans différents cycles de Tiers Livre, sur la main (en prenant appui sur Michaux, au moins une fois). J’ai souvent proposé aussi, en public étudiants, de travailler sur la prédiction en tant que forme, notamment à partir d’un texte éponyme de Peter Handke.

Ici, il ne s’agit en rien de prédiction, ni même des «lignes» de la main. Mais seulement de «lire», encore plus nettement dans le titre original que dans la proposition de Martin Richet (mais quel travail il accomplit, énorme respect) où «hand reading» est rendu par «signes de la main».

Par exemple la suite avec incrément des incipits de Gertrude Stein, paragraphe par paragraphe: «Quand on regarde une main…», puis «Quand on regarde une des mains…», puis «Quand on regarde des mains…» et encore, avec le je et non plus le on, «J’ai regardé sa main et…», et plus loin «Quand je regardais ses mains…» : on n’aurait qu’à reprendre ces quatre lanceurs, y agripper notre personnage comme l’officier testant son invention dans la Colonie pénitentiaire de Franz Kafka, et ce serait une première réponse pour cette proposition.

Mais, qu’on lise avec un autre grossissement ce bref texte de Gertrude Stein, surgissent comme des poussées latérales, qui nous privent de tout éventuel confort, comme cette phrase nominale : «mains et mains ou têtes» et surtout ce «Quand on regarde des mains il faut être prêt à en examiner trois. Les autres ont ce nom.» Ou ne serait-ce que ce «il ne faut pas s’agacer si…» : mais qu’est-ce donc, dans les mains de l’autre, qui «agace» ?

Alors, troisième main, votre personnage ? Pas forcément besoin d’en faire un thème dominant pour nous. Mais d’avoir ça dans la tête, quand on lance l’écriture, et forcément on sera dans l’intérieur même de ces mains-têtes. Penser aussi à la suite des noms pour les portraits : Apollinaire, Picasso, Matisse, Juan Gris, Hemingway comme Constance Fletcher ou la Ada (qui n’est pas la Horta du She’s Dancing comme dit dans la vidéo, mais plutôt un diminutif d’Alice Toklas). Prendre temps d’une requête Google/images avec simplement «Picasso mains».

Donc une proposition de reprise au microscope, une proposition de resserrement, mais une proposition ou le corps va potentiellement trouer la langue qui se contenterait de nommer ou d’assigner le personnage.

Se confier aux mains de toutes celles et tous ceux qu’ont déjà rassemblés vos précédentes contributions pour mieux entendre la voix, la signature ou le halètement, voire la résistance du texte.

Et récompense la semaine prochaine !

Le texte de Gertrude Stein, bien sûr à télécharger lien ci-dessus, est de 1916, mais publié seulement en 1954, posthume donc.

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