
Josef a des bras petits. Des bras petits par rapport aux standards de longueur pour les manches de pulls, manche de chemises, manches de vestes. Alors il remonte ses manches haut sur les avant-bras pour qu’elles restent bien là-haut et qu’elles ne retombent pas. Mais beaucoup trop souvent elles retombent quand même, alors il essaye de les caler au-dessus du coude, il les replie, il les roule, il les coupe. Parce que Josef a des petits bras mais il aime avoir les mains libres jusqu’au-dessus des poignets parce qu’il travaille avec ses mains, il se sert de ses mains, il a besoin de ses mains et ses mains à lui ne s’arrêtent pas au poignet, elles continuent en muscles, en tendons et en veines tout le long de ses avant-bras qu’on devrait plutôt nommer prolongements de la main, prolongements des poignets, moteurs, compresseurs qui vont donner la poigne. Alors pas de manches. Josef n’aime pas quand ça frotte, que ça gène, que ça distrait et que ça risque de gêner, de passer dans la machine, de faire des accidents. Josef tient à ses mains. Il ne tient pas à ses mains pour les mettre dans des vitrines, il tient à ses mains pour ce qu’elles lui permettent de faire, de faire avec du bois, parce que Josef est charpentier, menuisier, ébéniste, charpentier de marine, sculpteur. Josef aime le bois, il aime les forêts et les coques de bateau, il aime tous les bois. Et quand on regarde ses mains on comprend ça tout de suite. Tronc, branche, branchette et feuilles. Josef a des mains comme des arbres, comme les branches d’un arbre. Josef est un arbre. Me reste une seule question : de quelle essence est-il ? Ce serait si difficile de nommer un seul bois qu’il me semble parfois que le bois de ses mains, le bois de tout son corps, va devenir le bois sur lequel ses mains se posent.