RECTO
Un couple achète une glace sous les arcades de la ville de C. J’attend ma copine qui regarde des chaussures dans une petite boutique. De très vieilles fenêtres donnent sur la rue, pas un bruit ne s’en échappe. On marche sur des plaques d’égout où est inscrit « Ici commence le lac ». Pourtant, j’imagine difficilement y tremper mes pieds. Au loin, un étudiant en t-shirt bleu nous attend, sûrement pour nous tendre un flyer.
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Arrivé à Milano Rogoredo avec mes deux grosses valises, le quai se trouve au deuxième sous-sol. Vents chauds qui me fouettent le visage à la sortie du train. Je cherche l’escalator en suant un peu. En panne, je m’enfonce plus loin en essayant de ne pas écraser les pieds des quelques voyageurs assis sur les petits bancs de bois. En panne aussi. Je commence l’ascension à pied, chaque marche sale me fait un peu plus transpirer. Je dois m’arrêter pour laisser passer les gens et m’essuyer les mains sur mon jean. Encore cinquante marches englouties, un homme me propose de l’aide, je refuse poliment mais il empoigne une de mes valises et termine les cinquante marches restantes en un instant. Je le suis péniblement, un peu honteux de ma lenteur. Arrivé en haut, impression mélangée de centre commercial et piscine municipale : La lumière du jour est filtrée dans un jeu de plexiglass et rend l’endroit placide. Une famille est assise par terre, le bébé babille et son grand frère d’environ 7 ans décolle une pâte de pistache d’entre deux biscuits secs.
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P., je traverse la gare par le passage souterrain et émerge entre deux taxis sur un petit kiosque. Un homme parle fort au téléphone : « Cazzo ! ». L’air est humide, je me débarrasse difficilement de quelques moustiques. Les façades des palazzo sont rouges et les pavés sont usés. Une statue de Minerve brandissant un bouclier et une lance s’occupe du trafic routier autour d’un rond-point. Je m’enfonce plus loin dans le centre ville, en slalomant entre des tables. Les gens marchent lentement sous un ciel moutonné. On aperçoit au loin le ponte coperto.
VERSO
En ce lundi, la ville de L… est fantomatique, les rues sont désertes et irradient une chaleur accablante. Seuls quelques commerces sont ouverts. Aux Galeries L., l’air est bien plus frais que dehors. L’intérieur est aussi très vide. Loin devant, j’aperçois un homme. Il est au rayon shorts. Je le rejoins en m’attardant au rayon chaussures, une paire me plaît bien mais elle n’est pas à ma taille. Je fais le périscope mais aucune vendeuse à l’horizon. Va pour les chaussures. Je m’approche de l’homme qui marmonne au téléphone « … et la prochaine fois t’y penseras hein ! ». Il se retourne et me toise du haut de ses 2 mètres. « Bon je dois te laisser, salut. » Il s’en va aux caisses. Je regarde les shorts et en essaye un. Il me va bien et il est soldé. En sortant des cabines, je vois un homme regarder l’étiquette d’un t-shirt bleu. Il le repose, sort un mouchoir de sa poche pectorale et s’éponge le front. Il m’aperçoit et m’offre un large sourire, l’air de dire « Qu’est-ce qu’il fait chaud ! », j’acquiesce silencieusement en souriant à mon tour. Je me dirige maintenant vers les caisses et retrouve l’homme au téléphone. Il n’y a toujours pas une vendeuse à l’horizon. On attend plantés là cinq bonnes minutes. Une vendeuse débarque un peu paniquée : « Personne n’est venu ? » L’homme au téléphone hausse les épaules. « Ça je ne l’accepte pas. » dit-elle, le regard pendant. Elle grommèle… « Éphraïm ! ». Un jeune homme apparaît du rayon caleçons. « Personne n’est venu ? ». Il grommèle à son tour l’air de s’excuser. La jeune femme s’occupe de l’homme au téléphone : « Avec les livreurs, on ne peut pas attendre une minute, il faut y aller. » À mon tour de passer avec Éphraïm. « Vous avez un compte client ? » Je commence à lui dicter mon nom de famille « M-A-Z… » Mais il m’arrête : « Il me faudrait un numéro de téléphone. » Je récite ma partition. Il me tend le short en boule dans un sac. « On vous enverra le reçu par mail. » Je paye et traverse les rayons bigarrés; Les châles me font penser à une forêt amazonienne. J’ai très chaud. Je pousse la porte et retrouve le pavé brûlant.
bravo pour le baptême du feu ! et texte fort…
Ah oui alors! Je venais voir comme la proposition a été comprise (jamais sûre..) donc double merci c’est fort et clair comme de l’eau déroche
Pareil ! Double merci à l’auteur également 🙂