C’est un lieu calme quelque peu éloigné du centre-ville mais dont les murets touchent les abords du grand boulevard afin de ne pas omettre de s’y rendre, quelquefois. Où se trouve le jardin des allongés ? Là-bas. Là-bas ? Oui, voyez-vous, près des premiers arbres.
Le regard se tourne vers la direction indiquée mais ne discerne rien, ne devine pas l’introuvable. Le corps doit se mouvoir et avancer dans la lumière de l’aube afin d’entrer dans le champ de vision.
Le jardins des allongés ou le champ de repos, là où dorment les êtres, dernier asile dissimulé à l’entour de la forêt. Ames sereines ou torturées, bercées par le vent et les feuilles dansantes au-dessus des tombes grises, irréversibles demeures envahies par les mots et par les fleurs.
A première vue, l’oeil est saisi par la grandeur et la quiétude. Il embrasse d’un coup d’oeil la totalité baignée dans la lumière qui lentement transparaît.
Le gris du cimetière, pareil à celui des HLM qui se trouvent non loin de là, se mêle au vert des herbes folles soigneusement entretenues entre les chemins de petites pierres blanchâtres. Des marches invitent les pas délicats à monter ou descendre vers une direction ou une autre s’il arrive que l’on se trouve à flâner au hasard dans le silence. Car nul besoin d’être imprégné de tristesse pour traverser un endroit pareil, il suffit parfois d’un simple désir de se recueillir et trouver la paix dans la contemplation de ces vies, maintenant enterrées.
L’oeil aperçoit les noms des plaques commémoratives. Parfois, il s’en approche pour lire minutieusement les messages adressés aux disparus, parfois, il se fige comme saisi par un sentiment de je ne sais quoi qui montre que lui est en vie et peut encore observer.
Sépultures grises sous la chlorophylle des feuilles. Dialogue muet entre la nature et les poussières.
L’oeil est aveugle à l’invisible. Il n’a pas la capacité d’entrevoir le moindre mouvement de l’imperceptible. Monde caché aux vivants, l’oeil ne sait deviner le néant.
Le jour irradie désormais sur toutes les dalles funéraires. Dans un coin discret, des composts de bois font mûrir la terre qui sera parsemée dans les allées, terre retournant à la terre. Dans un autre coin, de fines boîtes de marbre s’entassent semblables à des sculptures protégeant les urnes, petites maisons pour corps rétrécis.
Parfois, l’oeil clignote, battement des paupières et larmes naissantes entre les cils. Coeur débordé. Le croque-mort pleure t-il encore ? L’oeil se ferme puis se réouvre avant de disparaître par les premières rues.
Merci Clarence, ce n ‘est pas facile de rendre cette visite esthétique, et tellement humaine. la visite de ce jardin des allongés ne rend pas triste mais respectueux d’un lieu serein et apaisé par la présence de la nature et de l ‘autre , celui qui est vivant : »L’oeil aperçoit les noms des plaques commémoratives. Parfois, il s’en approche pour lire minutieusement les messages adressés aux disparus, parfois, il se fige comme saisi par un sentiment de je ne sais quoi qui montre que lui est en vie et peut encore observer. »un texte à lire et à entendre surement …
Merci chère Carole, j’ai beaucoup aimé écrire ce texte. A te lire.
quelle belle désignation tu as trouvée là : le jardin des allongés
on y pénètre avec facilité, tu nous ouvres le chemin entre épitaphes et couronnes de fleurs jusqu’à la vie qui resurgit dans le tas de compost
toujours la vie…
salut Clarence
Merci Françoise, ravie que ce texte t’ai touché, je l’aime également. Baisers.
d’une douceur tranquille qui aurait de quoi réconforter à l’approche de l’heure où l’on sent la position allongée venir…
Merci Philippe pour vos mots et la douceur que vous trouvez dans mon texte.
J’aime vos mots face à mon texte, très touchée, merci.
J’ai aimé particulièrement les passages sur l’oeil (le regard d’abord, puis l’oeil personnifié). L’oeil qui se fige (comment est-ce possible, sinon par l’écriture qui peut tout?), « il se fige comme saisi par un sentiment de je ne sais quoi qui montre que lui est en vie et peut encore observer », l’oeil qui ne peut voir « L’oeil est aveugle à l’invisible. Il n’a pas la capacité d’entrevoir le moindre mouvement de l’imperceptible. Monde caché aux vivants, l’oeil ne sait deviner le néant. » Merci Clarence.
Merci Betty pour tes remarques et ta lecture.
J’aime toute cette poésie et cette profondeur dans ce texte “Monde caché aux vivants, l’oeil ne sait deviner le néant.” Merci Clarence !
Merci Mickaël, c’est agréable quand parfois sa propre écriture te dépasses et que ce sont les remarques d’autrui qui la font ressurgir. A bientôt.
Doux et beau cette marche au jardin ( L’œil est aveugle à l’invisible) . Merci Clarence
Merci Nathalie, à bientôt pour la 11 !
Une belle évocation. Douce, sereine comme une chanson qui nous enchante et nous berce aussi. Merci Clarence
Merci Louise pour votre regard.