#rectoverso #10 | Parc imaginé.

Très souvent il avait emmené son petit-fils dans ce parc ancien. Pas pressés, ni l’un ni l’autre. Le temps de flâner, d’enlever le caillou dans la chaussure qui pique d’apercevoir la fourmi et de relever le nez pour voir du coin de l’oeil le papillon rouge et marron, d’arriver vers le grand bassin rond rempli d’eau le petit a amené son bateau à voile et à moteur il passera l’après-midi à l’envoyer loin au risque de le perdre de vue et de le ramener vers lui à l’examiner de tous les côtés , la peinture bleue n’a pas un éclat grand’ père l’examine minutieusement et confirme tu as bien manoeuvré, il brillait sur l’eau claire et les vagues ne l’ont pas fait chaviré. L’enfant retournait déjà au bassin. grand’père allait avoir tout son temps assis sur le banc pour regarder silencieusement les arbres du parc changer de teinte et d’éclat plein de soleil et soudain à l’ombre.

Très souvent il revenait dans ce parc seul, le petit-fils avait grandi et lui vieilli mais peu importe il y revenait tout le temps il avait la même odeur humide la même saveur boisée
les mêmes chants d’oiseaux et le même toucher rugueux des troncs d’arbre pour tout cela il y retournait. Il ne manquait plus que la vue, les yeux avaient mal vieilli mais peu importe tout était toujours là, la disparition progressive des cellules photoréceptrices ne l’empêchaient pas de réinventer le petit bateau aux voiles blanches et à la coque bleue, il ne percevait plus les couleurs mais les savait, les formes étaient à peine des ombres qui bougeaient maintenant dans son esprit, il ne distinguait plus les arbres, mais les sentait tout près de lui, les nommait chacun par leur nom et quand la lumière forte du soleil d’août lui faisait mal aux yeux il mettait tranquillement ses lunettes noires.