RECTO
Ville de Paris. Domaine des Sources de la Seine. Seul le panneau dit ville, en blanc et lettres bleues. Écailles de peinture sur les frêles montants. Autour, vert.
Futaie n’est pas forêt. Troncs comme perches haut perchées. Balustrade en béton comme ailleurs dans les parcs.
Herbe. Allées blanches de douce sinuosité. Quelques flaques, à peine une mare, même pas un marécage. Vert partout. Seule l’eau est brune.
Aiguilles tendres d’un conifère ici transplanté qui balance ses ramures au-dessus d’une mare qui a du mal à se rêver ruisseau.
Lentilles d’eau. La mare s’élargit. D’autres arbres plus haut, tout autant exogènes. Une trouée de ciel gris se reflète dans l’eau. Un banc au milieu de la pelouse. À 250 kilomètres en amont, Paris recrée ici un parc paysager.
Reflet en pointillés noirs de deux épicéas, sur lequel poussent des touffes d’herbes des marais. Au bord, trèfle et pissenlit.
Sentier fait semblant – comme on raconte un conte – d’être nature sur lit de feuilles mortes et sous voûte de hêtre, d’être sous-bois peuplé de lutins, mini-tunnel qui débouche sur l’esplanade herbue plantée d’espèces exogènes.
On tourne en rond.
Le vert est le vert mais pas le même vert.
Rocaille de fausse grotte où un plâtre mollement étendu joue à faire la nymphe. Une barrière basse aux montants en piquets. C’est moche. Lever le regard sur la nature active à cacher ces faux rochers : mousses jaunes fougères vives touffes d’orties, lierre pâle, une fleur blanche en clochette.
Riquiqui cours d’eau : c’est la Seine. Dit-on. Un GR2 la parcourt. Paris : suivre la flèche noire. Le Havre aussi. 830 km. Anneau vert sur poteau dit Sources de la Seine alt. 445 m.
Si elle savait nommer ces herbes, ces plantes, ces arbres, ces feuilles, ces tiges, ces fougères, elle donnerait plus de couleurs au vert.
VERSO
Est-ce parce que vigilante au surgissement de ville que le pied sur le détail du revêtement avance, se pose pied devant l’autre, se tanque en sol, observe touffe des interstices.
Je découvre votre écriture avec ce texte et j’adore ! Je vais en lire d’autres.. j’aime les phrases courtes qui décrivent le lieu avec précision, en lisant on y est. Et aussi des phrases plus longues
« Si elle savait nommer ces herbes, ces plantes, ces arbres, ces feuilles, ces tiges, ces fougères, elle donnerait plus de couleurs au
vert. ». Oui nommer pour mieux connaître, décrire précisément..
Merci beaucoup Isabelle, cela me touche beaucoup.
À vrai dire, j’ai souvent travaillé la phrase longue et me sens moins à l’aise avec la phrase courte, mais la proposition me semblait se prêter à justement la travailler.