#rectoverso #10 | Suzanne Doppelt, l’oeil et le parc

page brune, noire ou blanche, cadre noir, extrême platitude, des lignes de lettres et de blancs, des espaces blancs pour moi, peut-être noirs pour le lecteur, les différentes pages publiques, les lignes entrecoupées d’imagination, pas un mot plus haut que l’autre sur ces lignes, des mots simples, vides, sans virtuosité, polis.

néant nié souhaité, écrire ce tapotement, le pauvre murmure, présent, suaire illisible et disgracieux d’agonie, pathétique petit moteur verbeux, adoptant le physique de victime. Imaginer, trouver, se lover dans ce creux pour en partir, cri sans son, lettres sans lecteur, code demandant sa rétribution sociale, lieu de l’humiliation journalière, ne rien être, jouir de son inexistence temporaire. Là aussi, exprimer les outils et acculer la chance à l’apparition.

ce croisement, parking, conducteurs de SUV électriques, parcours vita, coureurs réguliers dans l’obscurité, là bas sous les arbres. De l’autre côté, plus ensoleillé jusqu’au passage de la ligne de train et la ruine de la maison de l’ancien garde-forestier. Pierres de taille rougeâtres, bois pourrissant, lierres velus aux griffes sèches et conifères assoiffés. Au loin, bien loin, le terrain d’entrainement militaire avec les douilles à blanc et les grenades à plâtre sur le sol et les moutons parsemés. À gauche, la route toujours ombragée vers le village de S…. À droite, la route vers le petit tour botanique, vers le lieu de regroupement des scouts, vers deux restaurants et le stand de tir à l’arc.

croix de tarmac, percée d’arbres, boussole de mes différentes humeurs. courir avec ma maîtrise ou déambuler jusqu’au projet, azimuter jusqu’à l’idée. Marcher pour défaire, réaliser les obstacles, inventer des chemins, en découvrir des faits, je me lance dans ces ombres. Souvenirs des marches et des discussions avec ma mère, des joggings avec L et J et M. Des balades avec R et le chien asthmatique B. Les deux restaurants et le stand de tirs à l’arc où j’avais découvert la vie introvertie, froide et courtoise des tireurs à l’arc. À cents mètres et mille lieux du restaurant où travaillait le jovial, gargantuesque et torturé P…. pensée qui m’endeuille et se disperse comme les fleurs autour des grumes amoncelées au bord de la route.

3 commentaires à propos de “#rectoverso #10 | Suzanne Doppelt, l’oeil et le parc”

  1.  » le stand de tirs à l’arc où j’avais découvert la vie introvertie, froide et courtoise des tireurs à l’arc ». Intéressant…on aimerait en savoir plus