#rectoverso #11 | notes augmentées

C’est un pont de passage particulier. Je laisse « pont » : j’allais écrire « point ». Une charnière peut-être. Quelque chose entre récapitulation, réappropriation, récupération, quelque chose qui se décolle du tamis sur lequel on vient de presser la bouillie de chiffons avant de faire sécher le résultat : une feuille de papier. Quelque chose qui reprend tout ce qui est en attente en transformant ce qui est déjà transformé pour obtenir autre chose. Issue de ce qui précède et s’en dégage dans le même mouvement. Dans le même temps. Comme une séparation, une réparation permanente permettant de retrouver, dans une autre disposition, ce qui se cherche. Quelque chose comme redistribution, recomposition incluant effacement et surtout urgence de partout

Recto
Ce qui tient de l’appel.

Il vient d’où et se reconnait à quoi ? Il résonne, c’est la seule certitude, une alerte quand on passe sous le pont des miroitements ou qu’on vient s’asseoir sur le champ des rives pour retrouver à l’écran la projection incluant le making-of.

L’appel porte d’autres noms. Celui du groupe de musiciens près du port. Debout à l’heure de l’embarquement. Ensemble jouant comme un seul homme pour faire danser corps, esprits, vies, vagues quand danse et transe du combat font corps. Debout. Les instruments sont des gamelles brandies. L’appel prend la forme du cercle d’où nait la boucle qui s’ouvre. Et la bouche aussi. Seras-tu encore là demain ? Rejoins-nous aujourd’hui. Et prends, pour la route qui risque d’être longue, le strict minimum. C’est déjà trop. La faim mine les peuples pris en otage. Parle. L’appel est fait pour être entendu alors écoute ceux qui font briller au-dessus des têtes les récipients métalliques comme boucliers ultimes. L’insupportable va tout entrainer dans son sillage, détruire les barbelés, les corridors dérisoires. L’appel ne peut plus en rester là. Il ressemble à un affamé n’ayant à sa disposition que des miettes de mémoire et pas la force de courir dans le désert pour ramasser des bribes d’humanité. L’appelant supplie et l’appelé hésite, à cause des soi-disant raisons de contourner les obstacles qui sont légion. L’appel cherche des relais. Peut-être est-il nécessaire de refaire le trajet dans l’autre sens en récoltant tout ce qui est resté en attente, entre deux feux, incompris. Il faut y aller. Prends ce que tu peux. Tes responsabilités, si possible mais l’appel n’attend pas. C’est le principe : pas de temps à perdre. Et le paradoxe : temps perdu à ne pas apprendre de la réalité ce qui se traduit en actes. Tant de choses. Appel. Acter l’appel. Ou la réalité. Même endroit. Celui d’où s’élance l’écrire-encore avec à l’appui, le regard comme œil de l’action : depuis le champ des rives, pendant un répit plein d’étoiles, on prend des forces pour repartir de plus belle. L’appel est attente d’une réponse physique. On y va. On accueille. On ne répond de rien mais on répond

Verso
Choses en attente choses prises entre deux feux choses qui viennent de l’appel choses contournées choses qui trainent en longueur choses prisonnières choses urgentes choses en voie de disparition choses qui habitent les événements choses impossibles à entendre choses qui font mouche dans l’ombre choses valant le déplacement choses qui ont trait aux effondrements choses révoltantes choses qui donnent à réfléchir choses pleines d’errance et d’obstructions choses qui essaient d’ouvrir choses ayant à voir avec la brume traversée par le rayon de l’aube au milieu de l’été quand la brume prend le dessus choses qui laissent à désirer choses incompréhensibles choses incompressibles choses impensables choses attachées au devenir d’une petite fille qui apprend à traverser dans les clous tout en ne craignant pas de se jeter à l’eau ou de grimper dans une sorte de toile d’araignée géante malgré tout choses avec nous au bord

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

2 commentaires à propos de “#rectoverso #11 | notes augmentées”

  1. Quel appel ! et cette attente active. et la ribambelle de choses, j’allais écrire ritournelle aussi, mais lestée alors. Merci, ça me parle en profondeur et en musique.

    • L’appelant supplie, mais son appel sera-t-il entendu? ou bien risque-t-il d’être brouillé, noyé dans le bruit, la confusion ou le déni? Y aura-t-il une réponse?
      Merci pour ce texte très fort.