#rectoverso #01 | traverser le canal

RECTO

Le garçon secoue doucement l’air avec un éventail uniformément gris, rien d’espagnol, ni fleurs ni toro, plutôt japonais. Qu’est ce que j’y connais au Japon et ses éventails ? Comment le replie-t-il ? Les ongles de la fille à côté de lui sont longs et fins, artificiels et verts, elle est belle, élégante. Ses grands cils doivent mettre en confiance. Ils ne doivent pas être ensemble, la fille aux ongles verts et le gars à l’éventail.

Les voitures accumulées sur le pont n’avancent pas. Ils doivent râler contre Hidalgo parce qu’ils ont chaud dans leur caisson. Le boulevard va droit jusqu’à la colonne de juillet, en bas le fleuve appelle, virage à droite, le long du quai. Le soleil tape dur, sans ombre les pavés renvoient le chaud, quelques péniches amarrées plutôt chics, deux hommes agenouillés collent un tapis rouge avec du double face pour une soirée L’Oréal ou Vuitton. Toujours un petit frisson au moment de traverser le canal sur l’écluse à l’aspect fragile, elle va peut-être s’ouvrir, un garçon décoloré, ceinture autour des seins, short moulant, l’aspect fragile lui aussi. Un petit moulin de pierre indique la remontée vers la rue, on quitte un monde d’eau retour au béton. Sur le trottoir de la rue qui va vers la gare, la dame qui me demande son chemin semble le connaitre mieux que moi. Sur le faubourg, je reprends le bus le chauffeur dit qu’il est climatisé mais qu’il faudrait fermer les fenêtres, il n’en a plus le courage.

Dans la banlieue de Amherst, Massachussetts, pas loin de Providence, l’ami américain marche vers le supermarché, achète des spare ribs pour le barbecue. A deux pas, l’université n’a plus de crédits et les hispaniques qui poussaient les caddies sont envoyés en prison. Deux mondes parallèles, non le même. C’est un peu plus loin que Gaza, que Kiev, je plonge dans la piscine.

VERSO


Il est entré, s’est assis en face de la dame à la robe de concierge, de son sac, il a sorti un vinyle 33 tours. Indochine. La dame a dit qu’elle avait aimé cette musique, ils font quoi maintenant, ils continuent mais ils se sont embourgeoisés ils ont des enfants, des maisons avec piscine. Ils nous ont fait rêver. Vous les connaissez ? Non mais je compose de la musique alors ça m’intéresse. Un qui est resté tel c’est Daho. Personne ne sait rien sur sa vie privée. Moi c’est Marie, je suis missionnaire. Et vous ? Jean-Louis, je ne crois en rien. Oh vous inquiétez pas, Jésus a plein d’astuces pour rentrer dans nos vies. Missionnaire, vous allez dans quel pays ? Je reste ici, pas la peine d’aller loin. Missionnaire, Jesus, Indochine,… une petite musique de mépris pointe son nez. Et Barbara Ah c’est la meilleure, l’aigle noir, le mal de vivre, ils chantonnent. Puis y’avait aussi Ribeiro dit Marie l’air de rien. Catherine Ribeiro, Paix, le groupe Alpes répond Jean-Louis. Paf ! ça m’apprendra à regarder de haut, leçon d’humilité. Vous connaissez Ribeiro ?

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.