RECTO
Il y a une boite 8.5cm x 10.5cm d’un bois si léger qu’il pèse à peine à la main.
Il y a 卷葉入 calligraphié sur une bande de papier collé sur le couvercle de la boite, caractères l’un au dessus de l’autre, à la verticale
Il y a dans la boite une boucle dorée de ceinture de marin, ancre et cordage y sont gravés
Il y a dans la boite quatre médailles, gravées aux versos : HONNEUR ET PATRIE 1915-1918 sur l’une, DARDANELLES, ORIENT, GRANDE GUERRE 1914-1918 sur les autres, illustrés de drapeaux et canon ; aux quatre rectos une République, regard fier perdu dans le lointain
Il y a la vision de ma fragilité, de la chance d’avoir traversé une vie sans guerre et de la peur là, maintenant, paralysante, de ne pas avoir les outils pour affronter un monde plus violent, de n’avoir rien à en dire, à lui dire et de m’en exclure
Il y a 卷葉入. Google translate le dit Enroulement des feuilles et prononce Juǎn yè rù.
Il y a la vision d’une très grande feuille qui s’enroule comme un linceul et au milieu un corps
Il y a la vision d’une vie qui s’enroule sur elle-même et, petit à petit, disparait dans l’espoir d’échapper à la peur du monde qui change
Il y a le pouvoir que j’ai de transformer les mots : enroulement en déroulement, peur en espoir, repliement en déploiement
Il y a les mots qui font peur : grande guerre honneur patrie Dardanelles ; je peux les renverser, les enrouler sur eux-mêmes, les enrouler dans le linceul, de faire des feuilles mes alliées en écriture pour inventer des mots de liberté, une préhension du monde renouvelée
Il y a tant qui ne trouvons pas les mots pour dire ce qui ne va pas, il est temps de les inventer, d’enrouler les feuilles, de les dérouler et de les partager.
VERSO
— Penser c’est dire non. C’est un Alain qui disait ça et il a fallu disserter là-dessus en philo ou français au bac.
— Et y’en avait des arguments pour dire que oui, bien sûr, il fallait dire non.
— Hier soir, c’est moins loin, l’ami B. raconte que Jules Renard a dit : “Je me vante que dans mon couple c’est toujours moi qui ai le dernier mot et ce mot c’est oui”. C’est écrit sur un mur d’une cité du mot à La Charité-sur-Loire, parait il.
— Intéressant le glissement de ce qu’on retient et choisit de dire. J’ai le sentiment d’un besoin d’aller vers le oui alors que j’ai passé beaucoup, beaucoup de temps à dire non et me définir contre.
— Tu vieillis mon gars mais oui, l’ennemi qui n’est pas plus bête que toi ou moi a fait la même chose pour produire des idées inverses des nôtres. Ce qu’on appelle fake news, complotisme, une autre façon de dire non mais en mode SOS.
— Il est temps de dire oui pour dire non.
le verso amusé et amusant très chouette
Merci Catherine. Je me suis perdu dans les rectos et versos mais ça y est, j’y suis !
Très touchée par votre contribution, merci.
Merci Emilie. Bonne journée.
J’aime le glissement progressif de la boîte jusqu’au retournement d’une chute positive, tout le processus de pensée est saisi.
Sinon bien dit que oui et non ce n’est vraiment pas simple!! « J’ai le sentiment d’un besoin d’aller vers le oui alors que j’ai passé beaucoup, beaucoup de temps à dire non et me définir contre »: Hé oui! Bien d’accord!
Merci Bernard
Merci pour ton passage, Valérie.
Merci Bernard pour ces fragilités si belles, si émouvantes.
Ah ! Bonjour Clarence. Comment vas tu ? L’écriture dit nos fragilités et nous rend peut être moins frêles. Bonne journée.