#rectoverso #04 | terre et fer

Le sentier montait entre buissons et fougères, certains se déchaussaient, le sable dans le soir était très doux et froid aux pieds, on bavardait, on fredonnait. De là-haut : les roches dans la mer et le ciel abaissant sur la surface de l’argent pour du gris, des reflets de bronze, la digue et les bateaux dans l’anse, devant les maisons blanches aux toits d’ardoise à deux pignons, le clocher dentelé, le rose qui naissait dans les reflets quand les récifs devenaient noirs, pour disparaître dans le cuivre du couchant, et eux sous la croix de granit, à répéter que c’est beau, les bateaux, la mer, assis sur la table du dolmen, pour eux tout cela était celtique comme le biniou à la sorte des mariages. L’allée couverte fut fouillée quelques années après, dégagée, datée du néolithique. À cette époque déjà elle s’intéressait, s’interrogeait, mais elle n’avait aucune chronologie en tête, ni relative ni absolue, de la préhistoire, ni de l’âge du bronze, ni de l’âge du fer.

Tu comptes expliquer ses choix par des émois d’adolescente ?

La boue à Martigues – là qu’elles s’étaient rencontrées toutes les deux – surprise – pas la meilleure. Elle en avait connu des chantiers dans la gadoue, en Armorique, en Picardie, en Alsace, dans le Cotentin. Mais venir dans le Sud et devoir s’acheter des bottes en caoutchouc, quelle avanie !

Tu crois t’en tirer par des considérations météorologiques ?

Un autre été à Saint-Pierre-lès-Martigues, sous des pins secs au contraire comme le cricri des cigales, elle bouffait de la poussière en dégageant des briques crues – la terre – le temps – le bâti – le savoir-faire.

La terre, hein, toujours, une histoire de terre, tu devrais creuser un peu.

Dans la bibliothèque universitaire, toute d’horizontales, de tubes d’aluminium, de panneaux mélaminés, seule avec Posidonios d’Apamée.

Et lui, qu’avait-il à faire avec les Gaulois ? Attiré là par la marée ?

Enfin parvenue là, au village éponyme de La Tène, ses toits longs sur pilotis et son musée à façade de bois, tout cela pour plonger son regard dans l’eau verte du lac, un regard embué comme la surface du verre moussant de bière qui venait d’arriver sur la table.

Parce que ça suffit la surface ?

A propos de Laure Humbel

Site internet : Sur mes tablettes, laurehumbel.fr. Dans l’écriture, je tente de creuser les questions du rapport sensible au temps et du lien entre l’histoire collective et l’histoire personnelle. Un élan nouveau m'a été donné par ma participation aux ateliers du Tiers-Livre depuis l’été 2021. J'ai publié «Fadia Nicé ou l'histoire inventée d'une vraie esclave romaine», éd. Sansouire, 2016, illustrations de Jean Cubaud, puis «Une piétonne à Marseille», éd. David Gaussen, avril 2023. «Ton Nombril» et «BigBang» (Toutàlheure, 2023 et 2024, illustrations de Luce Fusciardi) sont des albums pour les tout-petits qui forment un diptyque sur le thème de l'origine.

3 commentaires à propos de “#rectoverso #04 | terre et fer”

  1. Très engageante, cette suite, détails et ensemble, beaucoup d’attentes, On te suit,
    Cat

  2. .. creuser un peu
    … la surface…
    merci pour ce texte tout en interrogations , en interpellations.