
Pour traverser le Ferlas entre l’Arcouest et Lavrec, la durée est variable, ça va surtout dépendre de la hauteur d’eau. Quand on est en kayak, le temps dépend aussi des vagues, de la météo et de l’état de forme. Aujourd’hui tout est bon, marée basse vers le soir, mais pas trop basse quand même pour éviter la vase d’un côté comme de l’autre. Traversée sans problème, Mow est derrière, elle corrige mes coups de pagaie trop appuyés à droite. Arrivée sur la plage, sable, petits coquillages, quelques algues, cailloux, c’est plat, idéal pour débarquer. En haut de cette plage, une jetée de pierres écroulée par endroits, une sorte de cale en pente qui donne accès à l’île. Des arbres, beaucoup d’arbres, le sentier n’est pas bien marqué, broussailles, le passage n’est pas souvent emprunté, les feuilles par terre sont intactes, personne ne les a piétinées depuis l’automne dernier et on est au mois de mai. Sentier sous les arbres avec des ronces et des fougères qui se disputent l’espace encore un peu dégagé du chemin. La maison, disons le bâtiment en forme de T, est au bord du chemin qui continue ensuite vers le nord. Pour cette nuit, on dormira sûrement sur la plage. Les plantes empêchent d’ouvrir la porte d’entrée, il ne reste que deux volets aux fenêtres en façade, les autres sont tombées, carreaux cassés, et une bâche sur le toit s’effiloche, remplacée sur les restes du toit par un lierre aux branches énormes qui a déjà envahi tout le mur de droite de la façade, le toit et qui maintenant tombe à l’intérieur, de longues tiges ressortent par une fenêtre cassée de l’étage. Un des deux chiens-assis s’est écroulé sous le poids de ce lierre. Les arbres à proximité, sapins et cyprès ont pris tellement d’ampleur que la maison est, à quelques heures près en été, toujours dans l’ombre et la façade est verdie par les mousses. Il ne reste qu’un seul des volets bleus en place, les autres sont tombés, ne laissant qu’une trace de peinture sur le mur autrefois blanc. Quelques tags de gamins maladroits, des insultes, une trace de feu le long du mur, mais rien de très important, la majorité des dégâts a été causé par l’abandon., l’absence d’entretien, l’absence de présence dans les lieux depuis une bonne vingtaine d’années.
Vingt ans après :
Mow me laisse son kayak, pas de place sur son bateau, chez moi il y a moyen de le stocker et elle sait que je m’en servirai, qu’il ne prendra pas la mousse, qu’il servira et sera entretenu. Aujourd’hui on va le récupérer ensemble sur Lavrec qu’elle a officiellement quitté. Reste juste ce kayak, elle ne peut pas l’emmener, ne veut pas le laisser ni le vendre. Traversée à pied, c’est marée basse. On a mangé une galette dans un des restos de la grande place de Bréhat, ici tout le monde connait Mow, tout le monde a eu un mot pour son départ forcé après la DUP, pour lui souhaiter bon vent. On arrive sur Lavrec par la plage, sable, petits coquillages, quelques algues, cailloux, c’est plat, idéal pour débarquer ou embarquer en kayak. La jetée de pierres a été reconstruite, le sentier est dégagé, large, entretenu par les passages et le transport de tout ce qui a dû récemment quitter l’île. Rapidement en suivant le chemin on arrive sur le Té, encore récemment blanchi à la chaux, toit d’ardoises. Le bâtiment a la vue dégagée, autour quelques plantes, surtout des plantes aromatiques et devant, un grand potager grillagé dans lequel ne reste que quelques végétaux vivaces, artichauts, framboisiers, cassis et groseilliers qui forment une épaisse haie dans le fond de la parcelle, quelques choux, deux salades montées en graine, quelques herbes commencent à traverser le paillage qui commence à s’assombrir et se décomposer par endroits. Le poulailler est vide et fermé, l’herbe commence à repousser sur le sol, un petit oiseau s’envole à notre arrivé, il doit rester quelques graines ici ou là. Le bâtiment des dortoirs est fermé, les fenêtres obstruées par des planches. Mow fait un détour pour aller dans l’atelier, elle ne veut pas passer devant sa cabane. L’atelier sans les machines parait immense, au mur les traces plus claires des outils ou des panneaux qui ont été démontés, enlevés, des fils électriques branchés dans le vide. Sur le sol encore les traits des épures pour les membrures du dernier petit canot construit ici. Le long kayak rouge est posé par terre tout au fond de l’atelier, Mow prends l’avant, moi l’arrière et nous sortons. C’est moi qui referme le cadenas à chiffres, Mow ne se retourne pas, nous quittons l’ile et traversons le chenal du Ferlas dans l’autre sens, sans un mot.
Codicille :
Des bouts de vrai, des bouts de moins vrai, voire de pas vrai du tout. L'histoire de Mow se construit au fil des propositions et avec ce 20 ans après, besoin de lui faire une bio, à Mow, pour ne pas faire d'invraisemblances dans les dates
AH ! oui, la vraissemblance des dates. Un souci constant quand on construit une hiistoire. Je vais suivre la tienne.
Merci ! On ne sait jamais, une erreur de quelques années c’est vite fait quand on travaille par petits bouts et ça fait désordre dans une histoire une incohérence de ce genre …
Pas à fond en ce moment pour le suivi et les lectures, mais ça devrait s’améliorer la semaine prochaine …