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#05 | retour lieu mémoire, Joy Sorman
Comme l’ensemble des livres de Joy Sorman, L’inhabitable part d’une expérience de terrain, dans le pragmatisme le plus dur de la ville (abattoir, hôpital psychiatrique, gare).
Pour celui-ci, une singularité: la référence directe au texte éponyme majeur de Perec à la fin d’Espèces d’espaces.
L’expérience de terrain : en 2010, pendant plusieurs mois, Joy Sorman accompagne des agentes d’organismes sociaux en charge du relogement de personnes vivant à Paris dans des immeubles classés comme insalubres, et promis à démolition ou réfection.
C’est l’occasion, répétée par autant d’adresses qui deviennent les chapitres du livre (Gallimard, L’arbalète, 2016). Nous nous en étions déjà appuyés dans un cycle récent: «vers une écopoétique». Mais l’enjeu, lors de cette première visite, c’était la matérialité concrète du texte, sa façon de coller au réel mais dans le temps même de l’enfoncement, la reconstruction textuelle d’une cour, d’un immeuble, de ses visages et habitants. Partir d’une boîte aux lettres, d’une marche d’escalier, d’une porte défoncée. Non pour la radicalité du déclassement sauvage et méprisant dont témoignent chacun des lieux explorés, mais — comme dans l’ensemble des autres livres de Joy Sorman — parce qu’ils représentent l’état extrême d’un imaginaire collectif, d’un inconscient qui fonde notre communauté même.
Je mentionnais donc cet «avant, après», mais sans y insister, sans en faire la contrainte formelle elle-même.
Or, c’est la clé même du livre: c’est parce que, cinq ans après exactement, Joy Sorman revient sur les lieux précis de son enquête, qu’elle décide la publication du livre, non pas comme enquête ou dénonciation, mais comme bascule dans les signes de la ville: digicodes, anonymat, loi implacable de l’argent. Et en cela fidèle encore au texte L’inhabitable de Perec, écrit quarante ans plus tôt.
Le cycle que nous avons commencé, sous l’enseigne d’un «recto verso», est précisément la démarche inverse : dans L’inhabitable de Joy Sorman, chaque chapitre avec adresse précise commence par la visite initiale lors de l’enquête, puis s’interrompt par un «Cinq ans après» fixe et rigide amorçant un texte bref et compact sur ce à quoi le réel nous confronte au présent de l’écriture.
Et c’est ce que je voulais vous proposer: partir de cette bascule.
L’autre critère: les lieux de l’enquête ne sont pas, pour Joy Sorman, des lieux auxquels la relie sa biographie. Ni des lieux d’enfance, ni des lieux associés à période particulière de sa vie, ni des personnes de son entourage. Ce qui est l’instance, pour elle, de la nécessité, elle ne le désigne pas: peut-être la ville elle-même, dans sa transformation permanente. Certainement la volonté politique dont témoigne ce livre: cette société de l’exclusion nous n’en voulons pas, et l’écriture la plus implacable dans cette dénonciation c’est certainement celle qui! s’abstient le plus de jugement, s’en remet aux matières, couleurs, lumières, et évidemment noms, évidemment visages.
Nous, nous sommes en quête de ce qui nous relie par une nécessité à l’écriture. Cette «emprise» qui fondait la proposition précédente. Fiction ou non fiction: ce principe de quête du réel est en amont. Dans la proposition à suivre, on y reviendra.
Peut-être certaines ou certains d’entre vous se souviendront de La maison rose, de Pierre Bergounioux (Gallimard, 1987) : le narrateur revient, dans le pourtout d’une petite ville du Lot, à cette maison qui était celle des vacances enfant. Il se gare en face. D’autres personnes, d’autres objets, il reste un instant, puis repart. L’avant, et le présent: entre les deux repères temporels, tout un livre.
Autobiographie? Chez Bergounioux, certainement, chez Sorman certainement pas. J’évoque, tout à la fin, ce qui aurait été ma réponse à cet exercice: une école primaire en Vendée, le lycée de Civray dans la Vienne et le haut mur de la cour remplacé par accès direct depuis la route. Même sensation aussi, il y a peu, m’arrêtant à Vitry-sur-Seine là où était l’usine évoquée dans mon premier livre. En ce cas, l’objet «social», dans son intersection avec notre parcours individuel, n’appartient à pas au périmètre autobiographique.
Une démarche donc très complémentaire à notre première visite à ce texte de Joy Sorman, et des excuses aux quelques-unes & quelques-uns d’entre vous qui avaient participé à ce premier atelier. Aujourd’hui, c’est bien depuis cette opposition passé et présent qu’on aborde ce lieu de mémoire, privée ou sociale, et c’est une étape nécessaire à ce nouveau cycle.
Au passage, même si pas obligatoire, j’aime bien l’exercice consistant à donner des titres aux textes. Ça oblige à en dégager quelque chose d’impossible avant le écriture et de, au minimum, se forcer à constater que chaque texte nous transforme.
je ne peux qu’abonder 🙂
J’aimerais bien mettre un texte audio, mais je ne sais pas le faire. Quelqu’un pourrait-il me l’expliquer ? Merci.
quand on crée un paragraphe, cliquer sur le signe « + » à droite puis faire «tout parcourir» puis choisir «audio» et téléverser le fichier mp3 choisi !
Vous pouvez enregistrer avec votre téléphone, puis vous allez dans Patreon- Collections -« visite guidée et mode d’emploi ». à 38’32, vous avez l’explication pour votre page WordPress, comment insérer la voix: https://www.patreon.com/posts/112286790?collection=3989
Merci François, merci Simone, je vais essayer. À voir…