
VERSO
Le saut dans le vide, sans sol, sans le choc du sol, mais sans la durée, l’instant du saut
Le sot, le sosot,
le sot sans raison, le sot cent raisons,
sens, raison saucent le sot, sottes raisons,
saute dense vide sent seul, rien, rien,
rien, quiet comme, comme, comme, tombe
tomber, tien, ton B, ton B à toi, B à BA, abats tes cartes
écarte-toi, tiens, ton bébé : tombé
là chez toi, la chaîne, lâche, lâche, lâche !
l’instance du sot : sauter !
oreille tendue, rien, corps tendu dansent vide
le choc du sol, pas tout chez toi, pas touché du tout,
le choc du sol pas ouï, rien entendu, rien, entendu ?
Si non choc, chut ! sans bruit, sans contact, sans sang, sens rien,
sans dur et et et non plus l’un se tend, alors le saut seul
c’est le sceau dans c’ vide, dans c’vide que ça crée, que ça, que ça, rien d’autre, l’essor.
le sage a ses yeux à la tête, et le sot marche dans les ténèbres [li sos vet en ténèbres]. Mais j’ai reconnu aussi qu’ils ont l’un et l’autre un même sort.
même sort, sage et sot : même sauce
m’aime et sort, saute, ô mon sot !
le sceau s’appose à même la peau en feu
dans le vide, dans la vie, vive, l’air brille
la chair dépouille l’instance, vis, vois
VERSO
Une petite morsure quotidienne.
Homme séquence 1 : Comment ensuite ? Comment après ?
Homme séquence 2 : La nuit est quotidienne aussi. La nuit, l’occupation des nuits ? Je ne me débats pas.
Homme séquence 3 : Se souvenir qu’un autre corps a été donné.
Hommes séquences 2 & 3 : Nous vivons (dans) plusieurs corps à la fois.
Homme séquence 1 : Moi seul, je l’ignore ? Moi seul, je cherche ?
Homme séquence 2 : Pourquoi chercher à savoir autre chose que ce qui se passe, puisque ça se passe ? Si cela cessait d’advenir, mais… Pas demain la veille : chaque nuit, la veille.
L’image est une prison mutuelle.
On l’emprisonne et elle nous tient.
Homme séquence 2 : On peut graver une rétine.
Homme séquence 3 : Mon œil porte la marque du trou. Je passe ma main dessus, persuadé d’avoir une marque. La marque, c’est ce geste.
Homme séquence 1 : Je n’ai rien. Il faisait noir.
Homme séquence 2 : C’est la nuit qu’on voit le mieux.
Homme séquence 3 : C’est à contre-jour qu’on voit le mieux.
Homme séquence 1 : Je n’ai rien. Sauf la honte. La honte du possédé.
Homme séquence 2 : La honte, ce n’est pas rien.
Homme séquence 3 : Ça me désole pour toi que tu vois ça comme ça.
Homme séquence 2 : Moi, je l’envie un peu, ta honte. Il y a peut-être quelque chose dessous.
Tous : Ça tient. Ça nous tient comme dans la chansonnette : par la barbichette.
ah j’aime les jeux de mots… mea
bon parti trop vite le comment taire..comme en terre.
j’aime les jeux de mots… sur les maux et pas que
et ces fréquences qui se parlent, se répondent tout en étant campées sur leur idée…fixe
merci!!
Les jeux de mots… C’est toute la question pour moi. Être sûre de rester du côté du jeu, du jeu dans son acception la plus enfantine, de laisser les mots jouer entre eux, les laisser faire, me faire, m’écrire et de ne pas faire de l’esprit. Mes années de travail à l’atelier me servent principalement à ça : arrêter de faire la maline, écrire. J’imagine que c’est pour ça que j’embrasse les protocoles les plus contraignants, dont Le Journal d’un Mot est un manifeste. Brûler au lieu de briller. Écrire aveuglée. Il y a de la lumière entre les lettres. L’espace sur la page passe du masculin au féminin. Là, les espaces sont petites et fertiles… Mais il s’agit aussi de renoncer à un entre-moi qui me rendrais illisible, cryptée en diable, compressant les sens dans les mots fermés comme des points, refusant la bagarre de l’autre, sa lecture et ses hasards. Manière de dire que j’ai pu me confondre avec mes textes, et cela arrivera encore, probablement. C’est qu’il est difficile d’accepter que visibles, nous ne le sommes pas : point n’est besoin de nous dissimuler pour conserver la part imprenable de nous-même. Notre désir de rompre la solitude qui nous constitue comme individu (indivisible) nous fait jouer de ces tours… tu me pardonneras de m’appuyer sur ton commentaire pour déplier quelque chose avec quoi je n’ai pas le courage de me colleter sans être accompagnée 🙂
Je te remercie également pour cette notion d’idée fixe, qui m’échappait et va m’être bien utile pour continuer dans mes 5 Séquences.
Tout d’abord, merci pour Yves Klein, je commence à avoir un faible pour tes dessins, peintures, frises et autres illustrations que tu postes ici et là. Et bravo pour ces deux textes qui m’enchantent, surtout le premier que je trouve merveilleux et qui donne envie de le dire à haute voix. Bises.
Chère Clarence, merci pour ton assiduité. Je ne sais pas s’il en va pareillement pour toi, mais la recherche des images (parfois a postériori, parfois en amont et d’autres, au milieu de l’écriture) que j’ai eu tendance à négliger, faute de temps, me paraît à présent une étape essentielle. Peut-être aussi parce que ces 5 Séquences qui m’occupent beaucoup en ce moment, mettent en scène des actions artistiques rêvées, jamais vues justement et leur composition, leur netteté se fait par le biais d’images qui ne sont pas ça, mais qui pourraient figurer dans le catalogue d’exposition… Merci aussi pour évoquer le désir de dire à haute voix le premier texte. Pour moi, il n’existe pas vraiment « écrit ».
vertige dans ces résonances, ces « sons de mots » qui rebondissent dans leurs différentes orthographes et ces « sons de maux » qui nous donnent à sauter dans le vide
en fait tout cela est très sérieux !
bien à toi Emmanuelle… et à te retrouver
(lire l’ensemble évidemment : texte + voix + commentaires)
Merci Françoise d’avoir lu, commentaires compris où se passe la chose la plus importante de l’atelier. C’est bien là que ce déploie la perspective de ce qui a été écrit, là que ce trouve les fameux points d’appui pour soulever des mondes. Comment faire aller tout cela de paire ensuite ? C’est la question passionnante et déjà le chemin.