#rectoverso #3 | Camille Laurens, il y a

RECTO

Il y a de l’anticipation. Il y a du soleil de fin de journée. Il y a de l’appréhension face à une nouvelle tâche. Il y a de la consolation. Il y a une attente. Il y a des formes et des images pour évoquer ses attentes.

Il y a des attentes. Il y celles au bord de l’eau. Il y celles qui viennent ensuite à côté du feu. Il y a un camping. Il y a des caravanes. Il y a notre tente et nos espoirs. Il y a une langue de plus en plus nue. Il y a l’incertitude de sa propre langue.

Il y a le froid et l’incertitude qui de concert font frémir le corps et l’esprit. Il y a le frémissement et le resserement des membres dans les habits. Il y a des chemises de laines. Il y a des t-shirts en cotton. Il y a des tremblements et de la piloérection. Il y a le frisson de la prise de conscience par soi de ce que l’on vit.

Il y a le plaisir doucereux de l’instant dans sa plénitude qui passe. Il y a l’instant imaginé que l’on attend. Il y a une montagne à gravir. Il y a une liste de tâche à accomplir puis à barrer puis à réviser avant d’arriver à cet instant.

Il y a des mots qu’on va chercher. Pour les faire notres. Un moment. Il y a des mots qui nous viennent. Il y a des mots qu’on attend. Les notres, sur le bout de la langue ou nébuleux, apparaissant avec l’impression. Il y a des mots qu’on attend des autres dans le silence.

Il a des silences que l’on tient près de soi. À l’écoute de signes incertains. Il y a des silences que le bruit avoisinant ne peuvent couvrir, que l’agitation ne saura assaillir. Il a du néant qui permet la présence.

Il y a l’esprit qui se perd en agitation. Il y a l’esprit qui se perd dans la nébulosité. Il y a le corps tendu. Il y a le corps comme « du bois mort ». Il y a la concentration sur l’instant. Il y a la présence pleine. Il y a l’autre.

Il y a le vombrissement de moteurs d’avion dans le ciel. Il y a un ciel pur. Il y a des tâches d’humidité de la dernière pluie sur la fenêtre. Il y a le souvenir nocturne de la pluie battante. Il y a le souvenir de l’attente de la pluie. Il y a le bruit des premières gouttes tombant sur différents matéraux. Il y a la symphonie des gouttes qui s’intensifie. Il y a le clapotis des gouttes sur le rebord de la fenêtre auquel je suis vigilant dans mon demi sommeil. Il y a l’attente du dernier avant de fermer la fenêtre. Il y a la décision.

VERSO

Oui, à ce qui vient. Oui à l’informe. Oui à ce qui sort, ce qui se perd. Oui, à la déception nécessaire. Oui à la trahison. Oui au mépris. Oui à l’indifférence. Oui aux erreurs. Oui à l’incertitude que crée les premiers succès. Oui aux aventures qu’impliquent les décisions. Oui à la vigilance. Oui aux signes. Oui à l’écoute. Oui à l’attention. Oui à l’oraison. Oui à la raison. Oui aux changements d’idées. Oui à ce qui fend, ce qui rompt, ce qui différencie. Oui à la recherche incertaine du levier. Oui à la fatigue. Oui à l’épuisement. Oui à la colère. Oui à la frustration. Oui à la résolution. Oui aux résolutions. Oui à toutes les résolutions faillies devenues terreaux des résolutions actuelles. Oui à ce qui deviendra de moi. Oui à ce que deviendra de mon corps et de mon esprit. Oui à la forme. Oui à la peur de la mort. Oui à la déformation des formes actuelles. Oui à l’abandon. Oui à ce qui était et ce qui l’a formé. Oui à ce qui avait été et ce qui a suivi. Oui à ce qui était sorti et réapparait. Oui à Héraclite. Oui aux renoncements. Oui à la liberté qui permet la trahison. Oui à la distance. Oui à l’humilité. Oui à l’impassibilité. Oui à l’essai. Oui à la surprise et l’incompréhension. Oui aux décisions sures. Oui à l’oubli. Oui à un aveuglement nécessaire. Oui à la sympathie. Oui aux innervations que les affects silonnent dans notre être. Oui aux nuages. Oui aux bois. Oui aux rivières. Oui à l’assise. Oui à non.

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