
une autre date au hasard :
2006.06.24 | Beaux-Arts Paris, toutes portes ouvertes
Le signal d’alerte se déclenche à 2h27, puis c’est l’ordre d’évacuation. À 48h de l’arrivée, les 6h de décalage horaire ont commencé de s’effacer, mais la sirène en plein sommeil fait découvrir dans quel état de rêve on est.
C’est très banal en soi, ce genre d’alerte, mais le Salon du livre c’est un énorme bloc de 5 niveaux dont 3 en sous-sol, au-dessus ce sont des bureaux, et l’hôtel occupe les 10ème, 11ème et 12ème étage. On pourrait faire ses heures de présence au Salon et retour chambre sans avoir à mettre un pied dans la ville.
Qu’est-ce qu’on emporte ? Le message d’évacuation défile en continu. Pas le temps de mettre des chaussettes, je prends le passeport, l’ordi et l’appareil photo. Il y a de la fumée dans les couloirs, des pompiers masqués et habillés cosmonautes (je photographie, mais sans m’apercevoir que l’appareil est réglé sur visionnage) nous envoient dans un escalier de ciment brut, on fait les 10 étages à pied avant de déboucher dans le vent, moins 10 dehors. On nous convoie deux rues plus loin : escalator, puis une sorte de grande caverne vide. C’est une patinoire. Plus tard, je penserai à cet ami chargé de la prospective catastrophe à la préfecture de Paris, et dont un des récents travaux était un plan de réquisition des patinoires en cas d’épidémie de grippe aviaire.
On a de la chance : d’autres couloirs de l’hôtel sont évacués par une autre sortie, on leur indiquera seulement l’entrée du métro et le corridor d’accès à la gare centrale, donc crasse et courants d’air. Vers 5h, en allant voir, j’aperçois des familles avec des bébés, manteau sur le pyjama.
Ce n’est pas le cas de tout le monde : ici, à la patinoire, un jeune couple anglophone a pris la précaution de recouvrir son caniche d’un vêtement molletonné bleu de bébé, avec manches et capuche. Il dort sur la dame pendant que le monsieur écoute son iPod.
On échange quelques paroles avec ceux qu’on voisine depuis 2 jours : c’est la Gray Cup, une espèce d’attraction nationale en forme de rugby aggravé, du coup on a les équipes de football américain professionnelles qui se mélangent à l’hôtel, et maintenant à la patinoire, avec leurs supporters à casquettes ou chapeaux, avec les plumitifs salonneurs et leurs éditeurs.
Ce n’est pas réellement température de saison, dans la patinoire. Mais bon, moins 10 dehors ça aide à trouver bien les 5 ou 6 degrés d’ici. Au bout du couloir, une rotonde nous permet de regarder le building gris opaque de l’hôtel, avec une vague fumée au-dessus qui ne rétrécit pas, et la bonne dizaine de véhicules incendie ou police : pas bon signe pour que ça finisse vite.
Le centre de congrès qui inclut l’hôtel, le salon du livre, plein de conférences et rencontres, est une ruche d’employés, mais ce n’est que vers 5h45 qu’on apercevra la première personne chargée de donner des infos. Pas mal comme gestion de crise (ils s’excuseront ce matin, prévenant que la nuit ne sera pas facturée : ça ne compense pas forcément le help yourself de l’évacuation).
En attendant, on fait durer comme on peut. Il y a un Tim Hortons ouvert, un peu plus haut, de l’autre côté des parkings, ça permet d’avoir quand même, vers les 5h, une boisson chaude en gobelet. Là aussi, quelques dizaines de personnes évacuées, que personne n’a informées de la mise à disposition de la patinoire.
On discute avec les vigiles : il y a cette patience et cette politesse propres au Québec, même s’ils ne peuvent pas faire plus ils sont chouettes. Les pompiers ont installé un poste de commandement. Finalement, il apparaît que le feu était localisé aux cuisines de l’hôtel, on nous convoie dans un nouveau labyrinthe pour retrouver les chambres, il est 6h à peu près.
J’aurai contemplé la cathédrale mystique qu’est une patinoire vide, la nuit.
1ère mise en ligne et dernière modification le 23 novembre 2008
merci aux 2070 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page
Messages
1. Montréal, nuits brûlantes, 23 novembre 2008, 17:52, par gilda
Au fond peut-être qu’on se divise en quatre catégories : ceux qui auraient attrapé les chaussettes, ceux l’appareil photo, ceux qui, paniqués, ni l’un ni les autres et ceux qui de toutes façons auraient dormi avec les premières et donc n’avaient plus qu’à prendre l’appareil photo ;-) .
Pas certaine de comprendre en quoi le fait d’être regroupés (hospitalisés ?) dans une patinoire protège de la grippe aviaire - sans doute juste une question d’espace disponible -. Aurais plutôt pensé aux piscines (à cause du chlore ?).
Voir en ligne : traces et trajets
2. grippe aviaire, 23 novembre 2008, 18:14, par F
là, la patinoire c’était pour nous mettre à l’abri du vent – je crois que dans le cadre du plan catastrophe de la préfecture de police il s’agissait plutôt d’un algorithme de dispatching des macchabes (avec ou sans chaussettes), donc on passe !
3. Lost in translation, 23 novembre 2008, 18:56, par KMS
Ah on se croirait dans le film de la fille Coppola, Lost in translation, sauf que cela se passe au Japon...
Voir en ligne : Kill Me Sarah
4. Montréal, nuits brûlantes, 23 novembre 2008, 19:17, par JB
Ici patinoire de plein air en cours d’installation, ça ne l’aurait pas fait.
Voir en ligne : http://cafcom.free.fr
5. Patiner ou pas à Montpar, 23 novembre 2008, 23:33, par ms
sur le parvis, encore aucun signe avant-coureur de l’installation de la patinoire, je commence à me demander si y en aura une cette année
6. patinoires recyclées, 24 novembre 2008, 01:23, par gilda
Je reconnais bien là ma tendance naturelle à l’optimisme béat (que la vie s’est efficacement chargée de corriger, n’empêche, j’ai encore parfois comme ça quelques bouffées). Effectivement, pour "après", des patinoires c’est parfait.
Voir en ligne : traces et trajets
7. la glace, 24 novembre 2008, 01:57, par PdB
Oui je me demandais aussi en passant pour aller retrouver mon frère (pantalon bleu à carreaux, gilet bleu, t shirt gris sur un autre blanc, trench coat gris son ordinateur sous le bras "putain je vais ne montage toute la journée"), je me demandais s’ils allaient en importer une sur la place de l’hôtel de ville (je marche d’hôtel de ville à Maubert, en passant par Notre Dame et ses milliers de touristes qui avancent pour entrer dans cette cathédrale, alors que, comme toujours enfin depuis longtemps au moins, moi ni dieu ni maître merdalors !)... Je viens de voir mes photos sur le site d’AS, merci Anne vraiment (c’était mercredi lors de l’audition de clavecin de E. réussie et tant mieux, tant mieux !) :
Voir en ligne : merci Anne
8. Montréal, nuits brûlantes, 24 novembre 2008, 09:03
Morale : si vous voulez être peinards, ne partez jamais avec un écrivain, un photographe, un journaliste ; là où ils passent, quelque chose se passe. PS : magnifiques photos
9. Paris, sous ciel de verre, 24 novembre 2008, 11:45, par Anne Savelli
Ici la patinoire Pailleron pleine d’ados qui draguent, nous laissent à nos longueurs dans le bassin de la piscine jumelle. Sur le dos, suivons les traces des avions.
Voir en ligne : Fenêtres open space
10. Rabelais et l’Hypnerotomachia, 24 novembre 2008, 16:27, par Bruno Rives
Tu avais laissé Rabelais et l’Hypnerotomachia dans ta chambre ? On croit rêver...
11. Rabelais et Poliphile, 24 novembre 2008, 20:06, par Bellonius
Les deux étaient sur la Sony, pas emportée non plus ! Là on ne rêve plus, on hallucine !!!!
12. dans le sac, 24 novembre 2008, 20:56, par F
effectivement, l’ordi avait été mis dans le sac, et la Sony y était par avance, et tout Rabelais dedans par le coup - reste que c’était plus curieux d’aller se balader dans les couloirs – ai remarqué qu’une personne avait un livre, une dizaine avaient leur ordi portable (pas de wifi cependant), la plupart gardaient téléphone à la main ou posé sur la table
13. "si vous voulez être peinards", 24 novembre 2008, 21:22, par gilda
Vous pouvez ajouter "blogueurs" à la liste :-)
Voir en ligne : traces et trajets