Stones, 36 | dis, t’as vu ce qu’il y a de caché là-bas dans le noir ?

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Le premier 45 tours des Rolling Stones est emballé dans une pochette de papier kraft. Ensuite vient la pochette de carton semi-rigide, et le disque à l’intérieur dans un papier blanc.

Et puis les Rollling Stones deviennent une usine à succès. Satisfaction a été un changement d’échelle. Mais chaque fois qu’il s’en souvient, Richards ajoute : à peine on venait d’en terminer un, il fallait penser au suivant.

Maintenant on vise les albums. Mais chaque mois, en alternance avec les Beatles, on se saisit d’un morceau dont le rythme est plus obsessif, ou la marque plus reconnaissable, pour lancer le petit single, avec sur la face B un morceau le plus souvent de remplissage, pour ne pas fâcher les cartouches.

Le photographe invité à réaliser la pochette prend alors sa propre importance. Il donnera un ton, il marquera la petite nuance du temps qu’on traverse. Postures rigides, signes déchiffrables, ironie ou révolte. Et puis l’image devient la marque même de ce qu’on cherche à dire, indépendamment de la chanson. Quoi faire des cinq corps qu’on veut mettre en scène ?

Cette histoire est plus complexe qu’on croit, parce que les images chaque fois seront distribuées aux magazines, serviront de ton aux émissions télévisées, interfèrent avec ce qui commence de l’histoire propre de la publicité.

Pour Have You Seen Your Mother Baby, Standing In The Shadow, ils demandent à Peter Whitehead, qui avait réalisé la fabuleuse performance beat au Royal Concert Hall, The Wholly Communion, un film de 50 minutes sur le groupe, à partir de leur récente tournée en Irlande (en réponse au Dont Look Back de Dylan ?), qui s’appellera Charlie is my darling, et quasi inaccessible (même lors de la rétrospective Whitehead à la cinémathèque de Bercy, il y a 4 ans). Mais quel moment fondateur de ce qui deviendra le vidéo-clip, les 2’15 de Whitehead pour Have You Seen Your Mother... (La photo ci-dessous est de Jerry Schatzberg, me rappelle KMS).

Donc on a confiance, on y va. L’idée est probablement d’Andrew Loog Oldham. Le pays frémit dès qu’on joue avec la sexualité : les Stones vont se déguiser en travelos. Drag queens. Mais on pousse Bill Wyman en avant, sur une chaise roulante. Et lui, emperruqué comme les copains, porte un uniforme des Wrens, les infirmières volontaires de la seconde guerre mondiale, dans un pays qui en craint encore l’ombre.

Dans l’histoire compliquée des Rolling Stones, c’est un des fils les plus difficiles à démêler : ce qu’il y a de volontaire et de contrôlé dans la provocation, et la part que la provocation prend en elle-même dans la réussite musicale. Cette pochette en sera définitivement le marqueur (il va de soi que pour la version US ils s’en sont tenus à une photo bien plus classique).

A peine quelques semaines plus tard, ils posent pour le peintre français Guy Pellaert (il fera aussi la pochette de It’s Only Rock’n Roll), qui commence à construire sa série des Rock Dreams. Période où Richards est fier de rouler dans la Mercedes personnelle de Goebbels, qu’il a rachetée aux enchères, mais dont il devra se débarrasser pour n’avoir pas mesuré les réactions. Références nazies, pédophilie revendiquée, comment passerait une telle image si elle surgissait aujourd’hui ? Et, en ce cas, qu’est-ce qui a changé, le goût du risque, la fadeur de la société, ou notre propre conception éthique ? La notion de l’art, ou la tolérance à l’art ?


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 17 août 2012
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