< Tiers Livre, le journal images : "fait partie de la lecture désormais qu'on la traverse"

"fait partie de la lecture désormais qu’on la traverse"

C’est toujours le même syndrome, et tant mieux évidemment. Périodes où la demande extérieure s’est retirée loin, comme une marée basse – rançon de nos activités culturelles de plus en plus concentrées sur des périodes déterminées de l’année, on fera trois trucs à la fois pour boucler les budgets saltimbanques pendant 8 ou 9 semaines d’ici peu, alors mieux vaut profiter de la coupure. Sauf que, justement, je n’en profite pas. Il y a venir le matin sur ce front de taille, sans trop savoir ce qui va s’y produire. Souvent, mal à l’aise, c’est mou, ça ne dessine pas d’ensemble. Ces jours-ci, ça se traînait. On reste des heures à braquer l’écran qui ne bouge pas. Pourtant, ce matin, à écluser ce texte ouvert depuis trois jours, l’impression brutale, arrivant à sa fin, qu’il devait lui-même être le dernier de l’ensemble – c’est le 34ème en moins de deux mois –, et que les prochains qui viendront s’écriront dans les interstices des précédents (y compris ce qu’en cours de route est noté comme un des textes mêmes, la liste de ceux qu’il faudrait faire). Donc, un basculement. Alors évidemment, ça remet la nuit d’aplomb. L’impossibilité à avoir été mettre à jour les tâches concrètes les plus vitales, y compris pour soi-même, ou pour ce qui nous revient de la communauté. La liste des e-mails à répondre, des pièces à transmettre, les dossiers à boucler : le côté pas très marrant qui prend une place de plus en plus disproportionnée. Il y a une sorte d’étalement de la nuit, de vide à construire. Je le connais trop pour ne pas accepter d’y sacrifier. Il n’y aurait pas sinon ce dont je suis dépositaire d’un coup, par le basculement de ce matin, d’un ensemble architecturé au lien d’un déploiement incertain. Reste que, depuis, à nouveau rien fait, à nouveau pas touché quoi que ce soit d’autre. On est lesté de rêves bizarres, qui reviennent hanter de plus près. Sur un post-it jaune, là sur mon bureau, je découvre cette phrase notée au stylo-plume : fait partie de la lecture que désormais on la traverse – souvenir rétrospectif, vers 3h du matin, d’être descendu parce qu’il me fallait noter ça, et pourtant l’avoir oublié aussi ensuite.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 28 décembre 2010
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