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2019.12.11 | d’une angoisse (la ville labyrinthe)

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Des deux nuits (et j’y inclus la journée qui les séparait, puisque c’était juste cela, galerie après galerie, continuer, tenter de sortir) je n’ai pas su vraiment dans quelle ville j’avais atterri, et dans laquelle cette porte du parking, au bout de l’autoroute, m’avait fait sortir. J’avais ce rendez-vous. j’avais ce stage à faire. On m’attendaient. — Ils m’attendent ! m’était-il même arrivé de crier à mesure que l’angoisse montait. Je n’ai même jamais croisé personne. Jamais. Une galerie et puis une autre. Jamais le ciel, à peine ces lumières. Et ça tournait, et ça se croisait, et ça s’enfonçait. Au bout de la deuxième nuit, je tremblais. C’est trop tard, c’est fini, ils ont dû l’annuler, le stage, j’ai pensé. Alors il y a eu cette silhouette, qui me faisait des signes. Je l’ai suivie : qu’est-ce que j’aurais eu à perdre ? Même retrouver la voiture je n’aurais pas su le faire. Une porte s’était ouverte, et cette silhouette, dont je n’avais même pas pu approcher, m’a fait signe d’entrer. C’était une salle, avec du monde, mais peu d’éclairage, peu. Des ordinateurs, des câbles. J’ai pensé : mon stage. Mais non, ça n’avait rien à voir avec mon stage. Et c’était bien trop tard, pour mon stage. Au mur il y avait un écran, ils projetaient une carte et je les ai bien reconnues, les galeries, là où j’étais passé, là où je m’étais perdu. — On va vous reconduire, a dit la silhouette. Et on a traversé cette salle, moi après elle, sans même que ces visages penchés sur leur machine aient un seul frémissement de curiosité, d’intérêt. J’ai voulu parler : la silhouette devant moi, sans se retourner, a fait non de la tête. Soudain on était sous le ciel, mais la ville : déserte. Quelle ville, je ne savais toujours pas. De l’autre côté de la place, la silhouette m’indiquait une lumière bleue, et l’enseigne parking. j’ai retrouvé la voiture, je suis parti. Combien de temps j’ai roulé : jamais l’angoisse ne s’était dissipée. Il faisait jour, et l’angoisse continuait encore.

écrit en écoutant Révolution de François Corneloup, le titre qui s’intitule « Fileuse »

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 décembre 2019
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