François Bon : Daewoo, théâtre, roman

 


le livre Daewoo, paru en septembre 2004 chez Fayard, a été repris au Livre de Poche en avril 2006

• le 14 novembre 2004, Daewoo a reçu le prix Wepler / La Poste
merci aux libraires de la FNAC d'avoir choisi Daewoo dans leur sélection "rentrée littéraire 2004", le livre est aussi dans la sélection JDD/France Culture et dans celle des Inrockuptibles...
• mai 2005: Daewoo, mise en scène Charles Tordjman, et toute l'équipe de création Molière meilleur spectacle en région
• dans le Nouvel Observateur du 25 mars : dialogue G Mordillat / F Bon et F Bon /G Mordillat - merci à François Armanet pour l'idée et la coordination
•  janvier 2006: La justice des sphères _ en soutien à Kamel Belkadi, jugé en appel à Nancy

revue de presse
le roman au travail: Philippe-Jean Catinchi rend compte de Daewoo en Une du Monde des livres, le 9 septembre
• Martine Laval rend compte de Daewoo dans Télérama
•  monde de l'entreprise et scène littéraire, un échange avec le magazine Challenge
s
• Isabelle Rüf dans Le Temps et Mona Chollet dans Inventaire/Invention, Christophe Kantcheff dans Politis, Norbert Czarny dans la Quinzaine Littéraire et Thierry Guichard dans le Matricule des Anges
+ dans l'Humanité, rencontre avec 2 anciennes salariées -

"parler pour ?": un entretien avec Jean-Claude Lebrun sur l'écriture de Daewoo
entretien paru le 26 août dans l'Humanité - et lire la chronique de Jean-Claude Lebrun

"Finalement, on appelle roman un livre parce que..." - entretien avec Sylvain Bourmeau pour les Inrockuptibles (25 août)

sur France-Inter, page Daniel Mermet, et possibilité d'écouter l'heure passée avec Frédéric Bonnaud pour Charivari

la photo de couverture du livre est extraite du film de Denis Robert "L'Affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez Daewoo"

Daewoo, dossier virtuel
nouvelle présentation: 9 pages d'images, extraits, documents, témoignages

Daewoo, visages, mémoire
Daewoo filmé par Denis Robert : les luttes, le refus, les visages

Ce que je dois au mot Lorraine, 2004, pour le musée des beaux-Arts de Nancy

De bleu et de noir, 2002, réflexions sur le monde ouvrier à partir d'une visite des Chantiers de l'Atlantique

Paysage Fer, le livre, le film, notes de tournage inédites et nouvelles images (parmi les 1164 images photonumériques dont je dispose sur les bords de voie du Paris-Nancy)

Daewoo, d'abord un projet théâtre

 

• Daewoo a été créé au Festival d'Avignon, du 18 au 24 juillet 2004, avec Christine Brücher, Julie Pilod, Samira Sedira et Agnès Sourdillon - mise en scène Charles Tordjman - scénographie et musiques Vincent Tordjman, assistant ms Yedwart Ingey, lumières Christian Pineau, costumes Cidalia Da Costa, son Dominique Petit
• Daewoo
a éé repris au Centre dramatique national de Nancy, puis en tournée régionale, ainsi qu'au Théâtre national de Toulouse, d'octobre à décembre 2004, Lena Breban jouant en alternance avec Julie Pilod.

Pour Charles Tordjman, directeur du Centre dramatique national de Nancy, et moi-même, l'aventure a commencé début 2003 - à Nancy, devant la machine à café du Centre dramatique - en lisant dans l'Est Républicain cette phrase:

"ils ont reçu leur lettre de licenciement et pris déjà contact avec la cellule de reclassement installée dans les locaux de la maison d’accueil pour personnes âgées du chef-lieu de canton..."

Une envie immédiate : réagir, dans notre région, aux fermetures d’usines en chaîne. Un décor qui tienne dans un camion, un vrai théâtre qui soit beau, mais qui nous permette de dire là, dans les villes ouvrières du Val de Fensch et pas seulement au Centre dramatique, en quoi ce qui leur est infligé nous concerne.

Pas témoigner, même si les salaires étaient bas et l'exploitation sauvage, la colère bien légitime et partagée. Dire en quoi ce qui est fait au travail nous atteint dans notre propre relation à la durée, au sens même de notre activité. Chercher avec nos outils, notre art, en quoi un événement social traverse forcément l'intimité des êtres, et que cela est globlement tu.

Trois usines Daewoo flambant neuves, dont deux n’employant quasiment que des femmes, pour des objets symbole de la vie moderne, fours à micro-ondes, téléviseurs, profitent pendant huit ans d’une énorme masse d’aides publiques, et mettent la clé sous la porte lorsqu’elles cessent, laissant mille personnes au chômage.

Avec Charles Tordjman, nous découvrons l’usine déjà vide. Un camion grue soulève l’enseigne Daewoo dans le ciel pour l’enlever: un gest social de conséquences aussi lourde, et rien dans et pour la mémoire. Juste un nom qu'on enlève.

Alors c’est un gigantesque univers de langages que j’arpente : le vocabulaire de l’économie, qui considère légitime qu’une usine dure huit ans et s’en aille ; les récits de vie, et ce qui découle de ce monde de chiffres lorsqu’on l’applique au couple, aux enfants ; la violence sous-jacente, l’incendie de l’usine, occupations et séquestrations. Enfin tout ce qu’il y a après, quand les journaux n’en parlent plus : la « cellule de reclassement » qui fait elle-même faillite, les hypermarchés où on trouve des métiers provisoires, les études qui relient le chômage aux cancers.

Surtout, que tous ces langages, qui se superposent sans se mêler, valent pour un phénomène qui frappe tout le pays. Mais, dans la vieille Lorraine, où les aciéries ont été remplacées par des parcs de loisir eux-mêmes en panne, où les mines de fer abandonnées s’effondrent sous les villes, tout cela plus à vif.

Il n’était plus question de « théâtre sur ». Nous avons voulu un quatuor, des actrices capables d’arpenter verticalement ces langages, du « Lehrstück » hérité de Brecht à la farce, pour mettre en avant non pas le témoignage, mais le choc, et ce qui s’en induit pour la communauté. Non pas la misère pourtant réelle, mais les ressorts intérieurs de la colère ou de la résignation.

Nous portions ces histoires, ces récits : telle qui s'est portée en avant dans la lutte collective, telle autre qui préfère ne pas réouvrir la plaie, et telle autre qui a préféré ne plus être. Oublier tout cela, et revenir à notre métier de théâtre : «qu’est-ce qui pousse les hommes à se représenter eux-mêmes ?», interrogeait Aristote. Parce qu’on est là aux franges actives et violentes du destin de notre société même.

Et sans préméditation, que tous ces mots entendus, ces paysages traversés, la petite ville arpentée, donnerait naissance à un récit, que ces paroles nous puissions les renvoyer avec le théâtre au lieu même des fractures qui les avaient fait sourdre...

FB - CT, avril 2004


visite à l'usine Daewoo Fameck au lendemain de la vente aux enchères (après les machines, les meubles et les stocks, les murs mêmes ont été vendus à la fin): Charles Tordjman et Jérôme Schlomoff

 

 

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