le numérique en bibliothèque : oui ça le fait

dans vos liseuses toutes neuves, vous nous ferez bien l’amitié de quelques publie.net ?


note du 23 septembre 2012
Je reprends ce billet en Une, pour découvrir à l’instant annonce de la soirée organisée ce 27 septembre par le Labo de l’édition richement financé par la mairie de Paris (z’ont de la chance, les Parisiens), où on nous cite dans le texte de présentation, alors qu’évidemment on se garde bien de nous inviter.

Où on en est ? Pour les offres streaming, ce ne sont pas les bibliothèques qui sont fautives. Dans les facs, c’est plutôt la politique de l’autruche généralisée des enseignants de Lettres – les ressources numériques sont utilisées dans toutes les disciplines, mais on laisse de côté la littérature. Exemple Sciences Po : 35 000 ressources en ligne accessibles, 14 concernent la littérature, dont 1 francophone (Études Balzaciennes). Le jour où ça se réveillera de ce côté-là (?), alors bien sûr les bibliothèques auront légitimité à suivre. Et paraissent d’autant plus exemplaires, côté BU, celles qui nous manifestent leur soutien par un abonnement (Angers, Strasbourg, Nantes, Montpellier, Nice, Québec/Laval et quelques autres...) Je rappelle que plusieurs bibliothèques (BNF, Montréal, Rennes Champs Libres, Limoges, Institut Français de Londres) proposent publie.net dans leur offre d’accès à distance, donc lecture en ligne à volonté sur les appareils de leurs usagers, où qu’ils se trouvent. Et c’est ce genre de confiance qui nous aide à marcher.

Pour les liseuses désormais en prêt dans de nombreuses bibliothèques, je rappelle que nous proposons déjà 42 ouvrages incluant le code d’accès à la version numérique, sans DRM. Alors que reste incompatible avec la législation sur la propriété intellectuelle la diffusion de textes non chronodégradables, ou assortis de licences très lourdes, sur des liseuses en prêt, le fichier que nous diffusons dans ce cadre est parfaitement distribuable, en complément de l’achat du livre imprimé aux conditions habituelles. D’autre part, le livre imprimé constitue en ce cas un bel ancrage pour la médiation.

Nous remercions les bibliothèques qui sont déjà nombreuses à tenter l’expérience. D’ici quelques jours j’espère que nous serons enfin référencés par Electre, mais tout libraire saura commander pour vous nos ouvrages via Dilicom, TiteLive, DataLib ou autre. Hors une aide de Ciclic/Livre Au Centre (merci à eux, seul Centre régional du Livre à soutenir en tant que telle l’édition numérique), nous n’avons aucun autre soutien ni ressource que ces achats.

La question systématiquement évincée dans ces débats sur le numérique, c’est : qu’est-ce qu’on propose à lire, quels textes et pourquoi ? Sans même aller jusqu’à ce qui nous concerne nous, à publie.net : la littérature de création a-t-elle une place spécifique dans cette démarche ?

On invite bien sûr les bibliothèques à prendre connaissance de notre bulletin hebdo, PDF téléchargeable avec nouvelles parutions et actu du site. Et laissons les tristes qui parlent toujours au futur...

FB

note du 5 juillet 2012
Il se passe en ce moment un virage côté bibliothèques.

Certes, je vois ça de loin, en fonction des billets de blog que je lis, et des courriers qui me parviennent.

J’incite par exemple à lire ces 2 billets :
 Franck Queyraud, publie.papier, le sas entre livre et epub (et grand merci à FQ)
 Michel Fauchié, Livre numérique en bibliothèque, idées reçues.

Résumons.

 

streaming ou liseuses ?


 nous proposons aux bibliothèques, depuis 3 ans, et grâce aux performances techniques de l’équipe immateriel-fr, un accès streaming, sur abonnement manuel, à publie.net. Cet abonnement permet l’accès intégral et illimité à nos ressources, la consultation se fait via un feuilletoir que l’Immatériel ne cesse de faire évoluer, et exploite toutes les possibilités multimedia de nos fichiers (faire l’essai sur le vaisseau amiral, la revue D’Ici Là).
 nous tenons à cette forme d’accès pour plusieurs raisons : elle incite à la découverte de la totalité de notre catalogue, donc des auteurs dont c’est le premier texte, ou bien des textes d’expérimentation – le coeur même de notre démarche. Elle est extrêmement souple, accès depuis l’ensemble des ordinateurs ou bornes salles et équipes, intégration de notre catalogue dans les ressources Unimarc ou Nelligan de l’établissement, accès par moteur de recherche et mots-clés etc. Le catalogue publie.net présent depuis 4 ans sur les 800 ordis de la BPI, même à 30 consultations/jour, de quoi être fier...
 surtout si l’abonnement se complète d’un accès à distance qui ne pose aucun problème technique... sauf, sauf si l’établissement lui-même se fait assigner par sa mairie ou son conseil général un prestataire de service pour qui le livre, eh ben le livre... Et personne ne rit, s’il vous plaît, ou je donne dix exemples. L’accès à distance est le prolongement indispensable de l’abonnement streaming : les usagers consultent de chez eux sur leurs propres appareils, simplement via leur n° de carte lecteur. Ça marche parfaitement avec les bibliothèques publiques de Montréal, Champs Libres à Rennes, Limoges ou la BNF, et bien sûr les BU qui nous font confiance. Ces modes de consultation sont désormais la règle pour les sciences, mais pour la littérature ça traîne la patte. Alors ça veut dire que nous-mêmes et ce petit noyau de nos abonnés on a eu le tort d’être venus trop tôt ?
 on assiste de fait, à ce que j’en aperçois, à une vague considérable – les premières expériences (BU Angers ou CherMedia par exemple) datent de 2009... – d’équipement des bibliothèques municipales ou départementales en liseuses, tant mieux, et apparemment les budgets sont là. Je n’ai pas à critiquer ou juger. J’ai moi-même assez de plaisir avec mes différents joujoux. Mes seules réserves tiennent au fait que, pour moi, l’essentiel c’est le web. C’est l’action réseau, la bagarre pour une navigation qui fournisse des contenus surprenants, et que la navigation elle-même soit surprenante, qui doit être indissociable à ce qu’on définit comme livre numérique. La bagarre numérique est ici, elle ne sépare pas le livre des autres problématiques, celles du logiciel libre, des données ouvertes, de l’encyclopédie et des savoirs. Notre spécificité d’auteurs est de vouloir maintenir une professionnalité dans l’élaboration des contenus, lecture et correction ça se paye, codage et serveurs ça se paye, et si nous auteurs on s’en fout, la validation symbolique de notre travail sur le web n’est pas encore acquise.
 à partir des liseuses et tablettes en bibliothèque, et parce que la réflexion ne date pas d’hier chez vous, les bibliothécaires, naissent des expériences pensées, exploratrices, innovantes. C’est parce que le parc de machines est enfin là, que la médiation numérique pourra s’en faire un socle : s’il y a 30 liseuses et tablettes en prêt dans l’établissement, on pourra consacrer deux iPad à la BD, 3 Odyssey au polar, choisir chaque mois 10 ouvrages à promouvoir qu’on installera sur la page d’accueil des appareils, etc... Je prends pour seul exemple ce qui s’est inauguré la semaine dernière à la médiathèque St-Raphaël, mais il y en a d’autres bien sûr... allez voir le Numerilab de Mediatem.

 

donc tout va bien ?


Ben non, justement. Parce que, vous le savez, la mise à disposition de contenus relevant de la propriété intellectuelle dans ce cas relève de processus juridiques très compliqués, on s’en était expliqué il y a quelques mois – débat qui a été pour moi déclencheur, et m’a placé plus vite que prévue dans l’idée qu’il est temps de déplacer les règles, et que si on le fait ensemble le droit suivra.

Et côté bibs, bien forcé de le constater, alors que Fnac ou Amazon diffusent par dizaines de milliers les petites liseuses à 130 euros, on en est encore à l’expérimentation – voir celle exemplaire de l’ADDNB.

La réponse des établissements avec prêt de liseuses : les charger de textes du domaine public disponibles gratuitement, je suis bien placé pour savoir que dans ce cas il ne vaut mieux pas trop regarder au code ou à la préparation éditoriale. Résultat : lecture terne. Parce que, même s’il s’agit d’un classique, ça se soigne, ça s’élabore (c’est cela qui nous rémunère), la lecture est une activité qui commence par l’activité en amont, celle qui la produit comme lecture.

Et bien sûr, on complète avec quelques best-sellers ou valeurs sûres, d’éditeurs qui sont des vrais éditeurs, pas nous quoi. Avec immédiate rançon : les textes, dans ce cas, sont bardés de DRM, ou solutions encore plus bâtardes, on voit arriver le chronodégradable (imaginez ça pour la bouffe ou votre plumard). Rien qui me convienne.

Dans les deux cas – mais ça ne concerne pas que publie.net – c’est mon appel : n’oubliez pas le contemporain. Il n’y a pas le facile ou le ce que tout le monde lit d’un côté et les foutraques du contemporain de l’autre (la création selon appellation à la mode, comme on dit cour de récréation). Les formes de récit qui s’inventent par le numérique sont essentielles à cette forme de lecture elle-même. Si on vend moins cher (encore qu’en général jusqu’ici c’est nous qui donnons les directions) vous croyez que c’est qu’on croit que nos textes valent moins ?

 

et si on faisait les deux ?


Ça s’est passé complètement en douceur. La rencontre avec les équipes de Hachette Livre nous avait mis sur la piste de l’impression à la demande, et d’une disponibilité papier de nos textes, dans la tête ça faisait 2 chemins parallèles ou séparés, et un puis un matin est venue l’idée que c’était complètement ouf : les 2 devaient aller ensemble, et tant pis si on est les seuls ou les premiers à le faire, c’est le seul chemin possible. Longtemps que le disque le fait : code d’accès au mp3 dans la pochette du vinyle.

Pour les particuliers, c’est exactement ce que je voulais pour moi : oui, si j’ai terminé la lecture papier du Dépaysement de Bailly, le souhait d’en disposer ou de relire à 6 mois d’écart, ou en vacances, de pratiquer des recherches d’occurrence, de revenir y fouiner via la liseuse ou l’iPad. J’ai de moins en moins besoin du papier, mais il y a tout un ensemble de titres pour lesquels je souhaite la disposition simultanée des 2 supports.

Donc, un peu plus lentement que prévu parce qu’on a eu beaucoup à apprendre, que c’est une mise en place lourde et compliquée, qui nous a obligés aussi à revoir les textes eux-mêmes, d’ici une dizaine de jours il y aura 56 titres publie.net disponibles chez l’ensemble des libraires, ainsi que les grossistes habituels fournisseurs de vos établissements. Ces ouvrages seront des bundles, c’est-à-dire que le contrat repose sur l’oeuvre, et qu’elle est vendue avec ses 2 modes de consultation. Plus simplement dit : à la fin de l’ouvrage acheté, un petit code, de là vous passez sur le site publie.net, vous allez à la page concernant le titre acheté, et le code vous en permet le téléchargement, avec le petit watermark habituel (donc l’e-mail de l’établissement). On travaille à encore mieux : sur les 100 librairies disposant d’un corner ePagine, la possibilité de télécharger l’epub sans quitter le site de la librairie.

Voilà, c’est fini. Bien sûr, on sera très amicalement reconnaissant aux bibliothèques qui mettront dans leurs rayons ou sur leurs tables des titres publiepapier, de bien vouloir passer un coup de marqueur au préalable sur le code de téléchargement. Mais on n’ira pas vérifier. Nous assumerons cela collectivement en tant qu’auteurs publie.net, via le contrat que nous finalisons ces jours-ci. Bonne connaissance du risque, que Daniel Bourrion exprime d’ailleurs ainsi : tout ce qu’on risque, c’est d’être lus.

On a décidé la confiance. Telle BDP qui achète 100 liseuses (chiffre BDP 49, mais 70 ds le département voisin via le CRL Poitiers etc), à imaginer qu’elle décide d’installer Bartleby ou tel ou tel de nos textes sur l’ensemble des machines, je suppose que ça les incitera seulement à nous acheter quelques titres de plus, par exemple ceux qu’ils n’auraient pas eu spontanément l’idée d’acheter, ou bien d’en doter deux ou trois de leurs annexes.

Il n’y aura pas de DRM, il n’y aura pas de limitation de copie ou autre élément barbare. Simplification commerciale radicale : vous achetez le livre comme n’importe quel autre livre, à vous de voir comment vous organisez la coexistence des 2 versions, papier et numérique – nous ça nous convient très bien, le seul pari c’est que vous y preniez goût, et que ça nous donne un volant de trésorerie suffisant pour continuer.

La confiance, c’est que nos jolis petits cahiers souples qui vont débarquer sont aussi un élément du service : c’est tellement plus simple d’acheter papier+epub, que peu importe quelques epubs copiés sans droit, on assume. Confiance aussi dans ce à quoi ça ouvre en terme de médiation : grâces soient rendues à Rennes ou Poitiers qui ont fabriqué des fantômes de certains de nos titres pour leur donner un équivalent matériel. Le livre papier, nos petits cahiers souples, sera sur vos tables ou dans vos rayons l’accroche matérielle pour dire : disponible dans la liseuse, empruntez-la...

 

la question maintenant, c’est qu’est-ce qu’on lit et pourquoi


Je crois qu’il était parfaitement normal, dans cette première phase d’équipement plus ou moins massif (avec énorme marge de progression, mais la façon dont se répand la Kobo est ahurissante), que le plaisir du nouvel appareil soit associé d’abord à la lecture distractive. je pratique assez Connelly ou Grisham et d’autres in english sur mon Kindle Touch pour savoir ce que c’est. Et j’ai ma petite réserve de Simenon sur mon iPad.

Mais ce qui nous fonde dans le travail ensemble, c’est aussi (changez l’adverbe au choix : malgré tout, quand même, nonobstant ?) la littérature.

Avec ce nouveau paradigme : ce que propose aujourd’hui l’édition numérique, nouvelles formes de récits, nouveaux assemblages de langue devant ou dans la documentation généralisée du monde, commence à le disputer sérieux avec les routines de l’édition traditionnelle. Y compris, pour le contemporain, en termes de diffusion commerciale.

Notre responsabilité commune, c’est d’autoriser les textes qui sondent et disent et fablent et cognent le présent. C’est Cuisine d’Antoine Emaz ou Questions d’importance de Claude Ponti. Ou La crise de Joachim Séné, Signes cliniques de Christine Jeanney, l’anticipation grand roman avec Jean-Daniel Magnin, ou ces noms d’auteur qu’on aura tels quels sur nos livres papier, KMS ou g@rp, ou que chez nous Josée Marcotte ou Sarah-Maude Beauchesne ne seront pas les Québécoises de service. C’est de proposer aussi de la poésie (et pas simple pour moi, croyez-le aussi, de rétribuer les heures de code pour composer 70 pages de poésie en epub, quand on voit ce qui se vend sur les plateformes numériques...). C’est des essais sur Guyotat ou Koltès, à égalité de la collection Washing Machine de réflexion sur le numérique proposée par Hubert Guillaud – ou de nouvelles traductions de Kafka et de Virginia Woolf...

La confiance, c’est que vous ne nous laisserez pas tout seuls ici. D’ailleurs, depuis 3 ans, on n’a jamais été tout seuls, et c’est grâce à la confiance des établissements abonnés qu’on a pu atteindre ce cap.

Aujourd’hui, c’est parti. D’ici une dizaine de jours, dans vos commandes habituelles de livres, vous trouverez publie.papier, et donc nos 56 premiers titres, dans les bases de données de vos fournisseurs.

Rien d’extraordinaire. Mais tout de même ceci : les livres que vous recevrez vous permettront, en toute légalité, de disposer d’un epub pour vos tâches de médiateur, incitateur, propagateur ou prestidigitateur même, si vous voulez.

Cet epub (les 56 epubs révisés de notre première salve de titres) seront en toute légalité à votre disposition pour être démultipliés dans vos liseuses, équipe ou public. On est en phase de transition, de novation : il faut du contenu d’exigence pour aller de l’avant, il faut bousculer l’existant. On ne dérangera pas la lecture avec des textes qui ne dérangent pas.

Donc appel bien modeste : juste, ne nous oubliez pas, tentez le coup... Nous avons conscience aussi que l’abonnement intégral pouvait être lourd à une petite structure, ou nécessitait une équipe solidement formée au numérique – si 3 titres vous intéressent dans notre catalogue, il vous suffira de les cocher chez votre libraire ou votre grossiste, la version epub est accessible depuis chaque livre.

 

après ne sera plus comme avant


Les derniers mois et dernières semaines, pour notre petite équipe en travail commando, ça a été un drôle de séisme. Comme pour publie.net en soi-même, j’aurais supposé le 1/4 de ce que ça demanderait, je n’aurais pas osé. Mais une fois dedans, on doit bien aller au bout. On a appris, on continue d’apprendre.

Les processus de travail pour la suite seront forcément différents. Désormais, toutes nos sorties (sauf cas particuliers) se feront en simultané papier + numérique.

Bien sûr nous continuerons de diffuser la version numérique seule, notamment vers Amazon et iTunes, et en restant dans la fourchette de prix actuelle, 2 ou 3 euros. L’élargissement constant de la diffusion nous permet de l’envisager sereinement (disons qu’entre 2 insomnies et 3 palpitations, tout va bien).

De mois en mois, à une dizaine de nouveaux titres par mois (y compris certains de nos classiques, y compris des compiles de la revue D’Ici Là) nous allons élargir notre répertoire papier. Pour la première salve, il y avait besoin d’apprivoiser l’outil. Tous les auteurs publie.net seront à terme concernés.

Notre collection de ces cahiers souples, les Brefs, vendus moins de 10 euros (papier+epub) sera le large champ d’expérimentation et risque, avec des textes entre 70 et 110 pages.

En septembre, nous ajouterons toute la branche polar et fantastique avec publie.noir, nouveau template.

Il faut qu’on vive cela ensemble. C’est le seul message. Au nom de ce qu’on a toujours défendu ensemble.

 

Photo de haut de page : bibliothèque et ordinateurs, BU Saint-Serge à Angers, 2011.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne 5 juillet 2012 et dernière modification le 24 septembre 2012
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